L’année 2019 a été marquée par une remontée du nationalisme au Québec, province canadienne animée depuis longtemps par un désir d’autonomie. L’identité et la laïcité se sont souvent retrouvées au cœur de l’actualité. Pour Sputnik, le journaliste indépendant Alexandre Poulin revient sur cette année explosive.
2019, l’année du nationalisme québécois?
Le 21 octobre dernier, jour des dernières élections canadiennes, le Bloc québécois effectuait une remontée spectaculaire à la Chambre des communes. En passant de 10 à 32 députés à Ottawa, ce parti souverainiste sur la scène fédérale faisait mentir tous les observateurs qui avaient prédit sa mort imminente.
Le parti n’avait obtenu que quatre sièges en 2011 et avait failli imploser en 2018. La plupart des analystes ont vu dans l’élection de 32 députés bloquistes la confirmation du retour en force du nationalisme.
«Nous revenons de loin, mais nous irons encore plus loin», a proclamé le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, dans son discours postélectoral du 21 octobre.
Pour le journaliste indépendant Alexandre Poulin, il ne fait aucun doute que le mouvement nationaliste québécois a le vent en poupe. Auteur de nombreux articles sur l’identité québécoise, il fait toutefois remarquer que les Libéraux de Trudeau sont encore bien implantés dans la Belle Province, un parti souvent considéré comme hostile au nationalisme québécois. Formant un gouvernement minoritaire, les Libéraux disposent tout de même de 157 députés au Parlement fédéral sur un total de 338 sièges. 35 députés libéraux ont été élus au Québec.
«Le Bloc québécois a effectué un grand retour à la Chambre des communes, mais le Parti libéral de Trudeau compte toujours plus de sièges au Québec que lui. Il faut quand même rappeler que le Bloc n’a pas fait campagne sur la souveraineté, adoptant une position plus modérée. Pour le moment, il s’agit d’un nationalisme plus culturel que politique», analyse M.Poulin pour Sputnik France.
Arborant le slogan «Le Québec, c’est nous», le Bloc a surtout profité de la grande vague nationaliste initiée dans la province par le gouvernement du Premier ministre du Québec François Legault. Yves-François Blanchet a souvent fait valoir que son parti porterait la voix de l’Assemblée nationale du Québec à Ottawa, notamment sur la question de la laïcité. Durant la dernière campagne électorale, la stratégie du Bloc a consisté à apparaître comme un futur allié du gouvernement Legault à Ottawa, ce qui a bien fonctionné auprès de l’électorat.
«Au-delà des bons coups de son chef, la renaissance du Bloc est avant tout un produit dérivé de la victoire majoritaire de François Legault en 2018. Laquelle marquait déjà un retour certain du balancier politique vers un nationalisme résolument non souverainiste», concluait l’analyste Josée Legault dans les pages du Journal de Montréal, le lendemain de l’élection fédérale.
Rappelons que le gouvernement Legault a adopté une loi historique sur la laïcité en juin 2019, laquelle fait encore couler beaucoup d’encre partout au pays de l’érable. La loi interdit aux juges, policiers, gardiens de prison et enseignants de porter des signes religieux au travail, ce qui est vu par certaines organisations comme discriminatoire envers les gens issus des minorités religieuses.
La laïcité toujours au cœur du débat
Alexandre Poulin considère aussi que la nouvelle loi sur la laïcité est emblématique de la renaissance nationaliste au Québec. Contestée devant les tribunaux par des groupes favorables au multiculturalisme, la Cour suprême du Canada pourrait éventuellement avoir à se prononcer sur la loi dans les prochaines années.
Laïcité: Legault accuse Trudeau de s'opposer à la volonté des Québécois https://t.co/aVoNTGXfm9 pic.twitter.com/SSnBueJdev
— La Presse (@LP_LaPresse) October 8, 2019
Un jugement défavorable à la laïcité québécoise pourrait d’ailleurs replonger le pays tout entier dans une crise constitutionnelle. L’unité canadienne se verrait à nouveau ébranlée.
«Après 10 ans de débats tendus sur la question, le gouvernement Legault a fait adopter sa loi sur la laïcité. La majorité francophone s’est sentie écoutée. La laïcisation des institutions était un projet inachevé de la Révolution tranquille des années 1960-1970, période de grande effervescence au Québec. Les tribunaux en mènent large au pays du multiculturalisme, mais la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec ne l’ont pas invalidée en attendant un jugement sur le fond», précise-t-il.
Le journaliste indépendant rappelle aussi que les Libéraux provinciaux ont été au pouvoir à Québec pendant environ 15 ans avant l’élection du gouvernement Legault. Très active en 2019 sur le plan législatif, la Coalition Avenir Québec apparait donc comme un vent de fraîcheur pour les défenseurs de l’identité québécoise.
«Pendant toutes ces années, les Québécois ont eu l’impression que leur gouvernement faisait passer les intérêts du Canada avant les leurs et que leur identité n’était pas une source de fierté. La Coalition Avenir Québec a pris le pouvoir à la fin de 2018, mais c’est en 2019 qu’elle s’est vraiment illustrée», a conclu M.Poulin.