2016, année de vérité pour l'UPAC et ses enquêtes qui visent le PLQ

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2016, Année de vérité pour l'UPAC et ses enquêtes visant le PLQ

«L'année 2015 pourrait marquer la conclusion de plusieurs enquêtes policières sur le monde politique. C'est ce qu'a déclaré hier Robert Lafrenière au moment de faire le bilan des opérations de l'Unité permanente anticorruption (UPAC).» Tiré d'un article de Kathleen Lévesque, La Presse, 19 décembre 2014.

On est fin 2014. Le gouvernement Couillard est installé depuis la mi-avril. À la toute fin de la session parlementaire, le critique en sécurité publique de l'opposition officielle, le député péquiste de Matane-Matapédia Pascal Bérubé, questionne le patron de l'UPAC (Unité permanente anticorruption) Robert Lafrenière concernant les enquêtes «politiques» de son organisation.

Robert Lafrenière annonce qu'il espère bien que certaines de ces enquêtes qui touchent le niveau provincial aboutiront durant l'année 2015 et qu'elles sont très «avancées». Mais surtout, ce qui ressort du passage en commission parlementaire du patron de l'UPAC, c'est son plaidoyer pour une «UPAC libre».

On est à la fin 2014, rappelons-le.

L'éditorialiste du journal Le Devoir, Antoine Robitaille, a d'ailleurs fait écho à cette revendication de Robert Lafrenière le 22 décembre 2014 dans un texte intitulé «Vive l'UPAC libre!» :

«L'UPAC a eu de bons résultats depuis sa création, il y a trois ans. Mais plusieurs questions sur son autonomie ont été soulevées. Pourquoi aucun élu de l'Assemblée nationale -- à part Tony Tomassi -- n'a-t-il été arrêté ? Sont-ils protégés ? Certaines opérations ont-elles été téléguidées ? Son patron, Robert Lafrenière, a raison de réclamer pour 2015 une nouvelle loi pour accroître son indépendance. »

Quand le PLQ était dans l'opposition, il semble bien que l'UPAC avait les coudées franches pour enquêter sur le «politique-provincial». Robitaille rappelle qu'à l'époque, l'ex porte-parole de la Sûreté du Québec et député libéral, Robert Poëti, avait été jusqu'à remettre en cause l'impartialité de l'UPAC :

«Le matin du 18 septembre 2013, des enquêteurs de l'UPAC se présentent au domicile de Philippe Couillard, chef du Parti libéral alors dans l'opposition. Ils veulent l'interroger. On est à la veille de la rentrée parlementaire. En conférence de presse, quelques heures plus tard, aux côtés de son chef qui vient de rendre publique l'étonnante rencontre, l'ancien policier et député Robert Poëti déclare: "Si les gens pensent que c'est un hasard que, ça, ça s'est produit la veille de la rentrée parlementaire..." Quoi ? L'UPAC l'a fait exprès ? Bombardé de questions par les journalistes, l'actuel ministre des Transports vasouille et s'esquive: "Je vous laisse le soin d'en juger." Mais tout le monde a compris.»

2015 n'aura finalement pas été une année très faste pour l'UPAC en ce qui concerne les accusations reliées aux dossiers en politique provinciale que le commissaire Lafrenière qualifiait en 2014 de «très avancés».

Télescopons-nous fin 2015. Pascal Bérubé re-questionne le patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, concernant l'avancement des dites enquêtes. Le député péquiste, se reportant au texte de Kathleen Lévesque de décembre 2014, rappelle deux projets d'importance de l'UPAC mentionnés par le commissaire:

«Les projets Joug (sur le financement des partis politiques) ou Lierre sont des exemples d'enquêtes de nature politique en cours. Ils concernent notamment le Parti libéral du Québec (PLQ). Plusieurs personnes intimement liées au PLQ sont sur l'écran radar de l'UPAC, comme l'ont démontré au cours des derniers mois les documents judiciaires appuyant les mandats de perquisition obtenus par les médias, dont La Presse. L'ancien collecteur de fonds du PLQ et ami personnel de Jean Charest, Marc Bibeau, ainsi que l'ancien directeur général du PLQ, Joël Gauthier, font l'objet d'enquêtes policières.»

Cette fois-ci il y a manifestement un malaise. Rien ne débloque et il y a de toute évidence quelque chose qui retarde le processus. On connaît la suite : le rapport de la Commission Charbonneau a été déposé dans le chaos le plus total. La dissidence pour le moins étrange - pour ne pas dire complaisante envers le PLQ - du commissaire Lachance, l'absence de huis clos pour les médias le jour du dévoilement du rapport (ce qui va à l'encontre des règles de transparence les plus élémentaires et essentielles, surtout dans ce dossier très précis) et la possibilité bien réelle que le PLQ ait peut-être eu accès au rapport de la Commission Charbonneau avant tout le monde...

Rien pour rassurer les citoyens québécois qui ont contribué plus de 40 millions de dollars dans l'aventure incomplète, décevante de la Commission Charbonneau. Bref, rien n'est réglé et le PLQ, pourtant visé de toutes parts par des allégations et des enquêtes policières, se sert de la dissidence du commissaire Lachance pour se disculper de toutes responsabilités. Et comme les accusations tardent à venir dans les dossiers qui touchent le financement politique illégal au provincial, les libéraux font comme si tout cela n'existait pas.

Voilà qui est très grave et qui nuit à la qualité de notre système démocratique et à la confiance que porte le public dans ses institutions démocratiques et judiciaires, en la justice.

Il est essentiel que 2016 soit l'année où l'on dissipe les doutes, où des actions concrètes seront posées afin que tout ce processus accouche de quelque chose... Lors de son plus récent passage à l'émission Deux hommes en or à Télé-Québec, le député péquiste Pascal Bérubé a justement été questionné sur le peu de progrès fait par l'UPAC en 2015 par l'animateur et journaliste Patrick Lagacé (qui s'est aussi intéressé à la chose dans sa chronique à La Presse).

Le député Bérubé n'a pas mâché ses mots et il a provoqué l'ire de ses adversaires libéraux. Pourquoi ? Car il a soulevé une contradiction inacceptable de la situation actuelle, tant au niveau de la police que du monde judiciaire : il est indécent que ce soit un gouvernement qui est visé par de nombreuses enquêtes de l'UPAC qui, seul, décide du sort du grand boss de l'UPAC. Point à la ligne.

Mais Bérubé va un cran plus loin. Ceux qui ont des ambitions de grimper les échelons de la magistrature au Québec se risqueront-ils à déposer des accusations de nature criminelles contre le PLQ, quand on sait que la nomination des juges est, dans la forme actuelle, éminemment politique? La Commission Bastarache nous aura assurément éclairé là-dessus. Bérubé pose la question dans cette entrevue. Oui, il est indécent que le PLQ qui forme un gouvernement qui est visé par de nombreuses enquêtes ET qu'il se retrouve dans une position où il exerce une influence énorme dans le processus judiciaire.

Dans son rôle de journaliste, Patrick Lagacé s'est lui aussi posé cette question :

«Comme je l'ai écrit il y a quelque temps, je commence à me demander pourquoi la Couronne ne parvient pas à autoriser une seule accusation contre des personnes liées au Parti libéral et à la politique provinciale.

Après la police politique, la Couronne politique ?»

Voilà où nous en sommes. La confiance du public en ses institutions est déjà ébranlée. La finale plus que décevante de la Commission Charbonneau aura été un puissant vecteur de cynisme. Le fait que le Parti libéral du Québec dirige la province et qu'il contrôle des leviers essentiels à notre système de justice et de police en dépit du fait que l'écrasante majorité des soupçons et enquêtes le vise, voilà un autre puissant vecteur de cynisme.

Patrick Lagacé explique bien la délicate situation dans laquelle se trouve le boss de l'UPAC devant ce gouvernement sur lequel il enquête et qui détient la clé de sa propre nomination, de sa reconduction dans son poste de commissaire :

«J'ai eu un sale malaise, lundi, à voir Robert Lafrenière témoigner en commission parlementaire, lui qui souhaite ouvertement un nouveau mandat de cinq ans à la tête de l'UPAC. Un malaise sur le fond et dans la forme. Je m'explique. Sur le fond, M. Lafrenière ne devrait pas avoir à convaincre qui que ce soit de la pertinence de renouveler son mandat : cela le place dans une position de faiblesse, celle de convaincre le gouvernement qu'il est l'homme de la situation... Alors que ses policiers peuvent avoir à enquêter sur le gouvernement, ou sur des amis du gouvernement.

Le péquiste Pascal Bérubé, critique en matière de sécurité publique, l'a bien résumé, hier : "Il n'est pas normal que le gouvernement choisisse l'enquêteur en chef de l'UPAC."»

(...) Mais le manque d'indépendance, c'est justement ça, c'est le doute que j'ai face à l'indépendance de M. Lafrenière.

Je note en terminant que le Parti libéral au pouvoir a torpillé hier soir une motion déposée par le Parti québécois suggérant que le patron de l'UPAC soit nommé par les deux tiers de l'Assemblée nationale.»

Le Parti libéral du Québec tient mordicus à garder le plein contrôle sur l'UPAC, sur celui qui la dirigera, manifestement.

En tant que citoyens québécois, c'est notre devoir de suivre à la trace ce qui se passera de ce côté en 2016 (comment se passera la nomination de Robert Lafrenière justement). Il en va de la santé de nos institutions démocratiques. Des dossiers sont prêts et traînent au DPCP. Pourquoi ? Quand ceux-ci aboutiront-ils ? Lafrenière a répondu au député Bérubé il y a quelques semaines qu'il avait fait erreur en 2014 de promettre des résultats en 2015. «Ce type d'enquête prend du temps, ce sont des dossiers complexes, il ne faut pas presser les choses».

Voilà où je ressens moi aussi un profond malaise. En 2014, ces dossiers étaient sur le point d'aboutir. Fin 2015, ces dossiers sont complexes et on fait tout pour noyer le poisson. On en revient à la déclaration d'un ex-enquêteur de l'Unité anticollusion, selon qui la Commission Charbonneau avait protégé le Parti libéral...

Si rien n'aboutit en 2016 concernant les nombreuses enquêtes qui visent le Parti libéral du Québec et ses plus proches alliés et argentiers concernant la collusion, la corruption et le financement illicite, ce sera la responsabilité de la population de mettre le plus de pression possible afin de savoir qui protège le PLQ...

Après Union Montréal, le PRO des Lavallois... le PLQ ?

Lors de la courte incartade au pouvoir du PQ, les enquêteurs semblaient avoir le feu vert pour enquêter sur le financement politique au provincial comme en témoignent les 21 perquisitions faites au PLQ, dont une au domicile du chef du Parti libéral, Philippe Couillard. Pascal Bérubé le rappelle justement dans son entrevue à Deux hommes en or. Ces perquisitions doivent bien aboutir à quelque chose rappelle-t-il; elles n'ont pas été faites pour rien!.

Les corps policiers ont été beaucoup plus vigoureux dans leurs attaques contre la collusion et la corruption au niveau municipal. À tel point que sous le poids des enquêtes et des accusations, deux partis municipaux parmi les plus importants de la province n'ont pas survécu aux tumultes provoqués par leurs agissements passés. Les partis de Gérald Tremblay, maire déchu de Montréal, et de Gilles Vaillancourt, maire de Laval accusé de gangstérisme, ont tous deux été dissous. Dans les deux cas, les acteurs principaux étaient associés de près ou de loin au Parti libéral du Québec au niveau provincial.

Il n'est pas complètement illusoire de penser que si les enquêteurs avaient le champ complètement libre, si l'indépendance était totale et complète entre le politique et le judiciaire, la même chose puisse se produire avec le Parti libéral du Québec. Bien que les alliés du PLQ (dans les médias notamment) aient tout fait pour essayer de faire porter à l'ensemble de la classe politique provinciale au Québec le fardeau des pratiques délétères qui étaient déballées quotidiennement à la Commission Charbonneau, la réalité demeure que l'écrasante majorité des allégations visaient le PLQ et ses proches.

La dissidence expéditive, en trois pages, de Renaud Lachance - dissidence qu'il a très mal défendue d'ailleurs - ne visait qu'à disculper le PLQ et de ses notes manuscrites se dégage un intérêt très incliné; tout ne traite que du PLQ. En bout de ligne, cette dissidence castre tout le processus et permet au PLQ de s'absoudre - du moins pour l'instant - des 1400 autres pages du rapport. Fallait entendre Jean-Marc Fournier et Philippe Couillard s'appuyer, justement, sur la dissidence de Lachance afin d'éviter de s'étendre sur l'essentiel de la Commission Charbonneau. Plus vite on enterre la Commission Charbonneau, plus de chance le PLQ aura d'esquiver toutes conséquences de ses actions illicites passées.

Reste maintenant les enquêtes en cours et celles dont le dossier traîne en ce moment au DPCP.

Et si le PLQ réussissait à s'en tirer indemne ? Si par jeu d'influence, aucune accusation n'était déposée ? Car l'entre-deux semble plutôt invraisemblable.

Soit le «travail essentiel, dangereux d'enquêteurs, parfois au péril de leur vie» (pour paraphraser Pascal Bérubé dans l'entrevue à Deux hommes en or citée plus haut), le travail aussi de journalistes d'enquête, lui aussi capital, soit tout ça permettra d'accoucher d'accusations qui viseront des gens au PLQ (argentiers, membres, staffer, députés); auquel cas, on replongerait à coup sûr dans la couverture hyper-dommageable qui fut celle qui a eu raison d'Union Montréal et du PRO des Lavallois.

Il est évident que le Parti libéral du Québec fera tout en son pouvoir afin d'éviter que cette situation ne se produise. Et quand on se remémore un peu tout ce que l'on a entendu à la Commission Charbonneau et dans les différentes enquêtes des médias concernant les agissements du PLQ, on sait que ce parti ne reculera devant rien...

Pourtant, pour le bien de la démocratie, pour le bien des institutions qui sont mises à mal en ce moment, il est capital que toute la lumière soit faite. Et si le PLQ devait y passer, comme Union Montréal et le PRO des Lavallois, so be it, comme on dit.


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