Lettre à Victor-Lévy Beaulieu
28 mai 2008
Bonjour Yan Parent.
Comme je suis un lecteur assidu de Vigile.net et de sa tribune libre, il est certain que j'avais lu votre article. En lisant VLB, je me suis demandé où j'avais vu cette expression: reine-nègre. Et bien c'était vous. Je recommande à tous d'aller lire votre texte du 7 mai 2008. Je cite:
"On croit généralement que les rois-nègres sont des souverains à peau noire. En réalité la couleur de la peau n’a aucune importance. C’est sûr qu’il y en a eu en Afrique mais l’expression vient du fait qu’un roi nègre est un personnage colonisé qui a acquis la confiance du colonisateur pour soumettre son propre peuple aux désirs du conquérant, de l’envahisseur. Le premier qui a refusé ce statut est Moïse. Aussitôt qu’il a su qu’il était d’ascendance juive, il a tout fait pour sortir son peuple des griffes du Pharaon. Il a réussi, lui. Un conquérant ne pourrait jamais garder un pays qu’il envahit sans avoir des complices, des rois-nègres qui sont souvent plus durs pour leur population que le conquérant lui-même."
Et vous référant à Michaëlle Jean, vous employez l'expression "reine-nègre" qui était déjà dans le titre de l'article mais, au pluriel, pour faire un parallèle avec les "rois-nègres". Je soupçonne Bernard Frappier d'avoir trouvé ce titre. Je vous cite encore:
"Avec le 400ième de la ville de Québec on avait une chance d’avoir une visibilité accrue à travers le monde et particulièrement en France et les pays francophones. C’était trop beau pour le Québec alors avec la complicité évidente de Charest, le fédéral a monopolisé les représentations de cette manifestation jusqu’à envoyer notre « reine-nègre » (la première fois que je peux féminiser ce mot) à Paris rencontrer Nicolas Sarkosy, un admirateur de George W. Bush et de son petit caniche Steven Harper."
Vous avez préparé le terrain à VLB. Merci de nous l'avoir souligné. Pierre Falardeau nous a rappelé hier (à LCN) que, dans son film, Le temps des bouffons il avait appelé Jeanne Sauvé, gouverneure générale, "reine-nègre". Cela enlève un argument à Dany Laferrière. Nos amis de la communauté haïtienne sont tellement obnubilés de voir une des leurs qui, selon eux, a réussi, qu'ils ferment volontairement les yeux sur l'instrumentalisation politique de Michaëlle Jean à laquelle elle collabore à 200%.
Ils ne peuvent pas ne pas voir cette instrumentalisation. D'ailleurs, au moment de sa nomination, un chauffeur de taxi haïtien, fier de voir une Haïtienne nommée à un tel poste de prestige, avait fait une pause puis ajouté: "Ils vont se servir d'elle..."
Il avait compris mais était quand même déchiré. C'est ça le machiavélisme de cette nomination faite par Paul Martin pour que les Haïtiens deviennent plus des Canadiens que des Québécois à part entière. Je ne parlerai pas du député libéral de Viau, Emmanuel Dubourg, qui a perdu le nord, veut retreindre la liberté d'expression et punir le coupable. Je me suis dit quand même que si les Haïtiens de Montréal étaient aussi puissants que les Juifs de Montréal et du Canada, VLB aurait été blâmé par l'Assemblée nationale comme Yves Michaud l'a été.
On est placé devant un dilemme: dire la vérité et déplaire à la communauté haïtienne
(et éventuellement se nuire "électoralement"); ou se taire et être complice d'une imposture, le détournement par Ottawa du sens des fêtes du 400è anniversaire de la belle ville de Québec, berceau de la Nouvelle-France et de la civilisation française en Amérique du Nord. La gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, en France et à La Rochelle, a joué un rôle qui lui mérite un Oscar dans ce scénario-là. Qu'elle en assume les conséquences et qu'elle ne nous demande pas, en plus, d'applaudir.
Robert Barberis-Gervais, 28 mai 2008