Les États-Unis ont encore renforcé lundi leur campagne de « pression maximale » pour faire plier l’Iran, leur ennemi numéro un au Moyen-Orient, en annonçant des sanctions contre tout pays qui continuerait à acheter du pétrole iranien, au risque de tensions avec plusieurs alliés.
Le président Donald Trump a décidé de mettre fin dès le 2 mai aux dérogations qui permettaient encore à huit pays (Chine, Inde, Turquie, Japon, Corée du Sud, Taïwan, Italie et Grèce) d’importer du brut iranien, pour « porter à zéro les exportations » et « priver le régime de sa principale source de revenus », a annoncé la Maison-Blanche.
Cette mesure, qui a provoqué une forte hausse des cours du pétrole, s’annonce particulièrement délicate pour Pékin, engagé dans de complexes négociations commerciales avec l’administration Trump, et pour New Delhi, allié stratégique des États-Unis et troisième importateur mondial de pétrole, dont environ un dixième des achats vient d’Iran.
« Si vous ne respectez pas cela, il y aura des sanctions », a mis en garde le chef de la diplomatie des États-Unis, Mike Pompeo.
La Turquie et la Corée du Nord, autres alliés de Washington, ont vivement déploré la décision américaine.
« Nous n’accepterons pas de sanctions unilatérales et de contraintes sur la manière dont nous gérons nos relations avec nos voisins », a lancé le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, dont le pays entretient déjà des relations très tendues avec l’administration américaine. La diplomatie sud-coréenne a elle promis de continuer jusqu’au bout « à faire tout son possible » pour obtenir un « renouvellement de l’exemption ».
Après s’être retiré il y a près d’un an de l’accord international de 2015 censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, jugé trop laxiste par Donald Trump, Washington a rétabli en novembre de dures sanctions économiques contre la République islamique. Surtout, il a accompagné sa décision de la menace de mesures punitives également contre les pays qui continueraient malgré tout d’échanger avec l’Iran.
Les sanctions américaines sont « illégales dans leur principe même », a réaffirmé lundi le gouvernement iranien.
L’interdiction d’acheter du pétrole iranien, dont les ventes représentent selon Washington 40 % des revenus du régime, était la principale de ces sanctions, qui se veulent « les plus fortes de l’histoire ». Les États-Unis avaient toutefois attribué des dérogations pour six mois, jugeant que le marché mondial ne pouvait supporter une trop brusque annulation des ventes de brut iranien.
Ryad va « stabiliser » le marché
Lundi, Donald Trump a promis que l’Arabie saoudite et d’autres membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, comme les Émirats arabes unis, feraient « plus que compenser » la baisse de l’offre.
Le gouvernement saoudien s’est aussitôt dit prêt à « stabiliser » le marché.
Selon l’agence spécialisée S&P Global Platts, l’Iran a exporté en moyenne 1,7 million de barils par jour en mars, dont près de 628 000 vers la Chine et plus de 357 000 vers l’Inde.
La décision américaine intervient deux semaines après une autre annonce symbolique : l’inscription des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique, sur la liste noire américaine des « organisations terroristes ».
La campagne de « pression maximale » contre l’Iran vise selon Washington à mettre fin aux « activités déstabilisatrices » de Téhéran au Moyen-Orient, notamment au Liban via le mouvement chiite Hezbollah, au Yémen à travers les rebelles Houthis et en Syrie par son soutien au régime de Bachar al-Assad.
En mai 2018, Mike Pompeo, qui assure vouloir changer « le comportement du régime iranien » et non le régime lui-même, avait énoncé douze conditions draconiennes pour un nouvel accord global aboutissant à une levée des sanctions.
Un an plus tard, aucune de ces conditions ne semble être respectée, mais l’administration Trump estime que l’Iran a été privé de plus de 10 milliards de pétrodollars depuis onze mois.
« Téhéran souffre clairement de la pression », dit à l’AFP Behnam Ben Taleblu, chercheur au cercle de réflexion Foundation for Defense of Democracies qui milite pour une ligne dure contre l’Iran. « Outre l’incapacité à approvisionner en pétrole » le régime Assad en Syrie, « le plus vieil allié de l’Iran, le Hezbollah libanais, appelle à des contributions pour compenser la chute de ses revenus en provenance d’Iran », relève-t-il.
Pour Michael Fuchs, du think tank proche des démocrates Center for American Progress, cette stratégie « stupide » risque toutefois de « pousser l’Iran à quitter l’accord nucléaire et à commencer à construire une arme atomique », tout en suscitant « la colère de tous les alliés des États-Unis ».