Jean-François Lisée vient de publier dans son blogue un récit plein d'émotions, Remous-meninges sur une défaite, qui nous apprend que «Pauline Marois a toujours été très jalouse de sa responsabilité de chef indépendantiste et n’a jamais indiqué, devant nous, une trajectoire, au-delà du livre blanc sur la souveraineté.»
Je me demande si Pauline Marois avait une «trajectoire»...
Ce récit de défaite de Lisée est critique et autocritique, mais sans aucune démolition. Je ne veux pas plus que lui démolir le dernier chef du PQ, je veux démolir ma naïveté, qui a fait que, même si je constatais que le projet de pays était de plus en plus nébuleux, j'espérais que le PQ-Marois y travaillait en secret et allait nous révéler bientôt sa lumière.
Lisée nous apprend que «Pauline Marois a toujours été très jalouse de sa responsabilité de chef indépendantiste et n’a jamais indiqué, devant nous, une trajectoire, au-delà du livre blanc sur la souveraineté.» Pas seulement devant lui, mais «devant nous». Ce qui veut dire que le haut cerveau pluriel péquiste ignorait la trajectoire concrète du chef vers le pays. Pauline est une grande écouteuse, certes, mais écouter ne suffit pas pour organiser un haut cerveau pluriel pour le pays. Un livre blanc est un recueil d'informations objectives et factuelles destiné à un public déterminé pour l'amener à prendre une décision sur un sujet particulier. C'est une chose absolument nécessaire à faire pour alimenter une grande discussion nationale, mais c'est loin d'être suffisant. De toute évidence, ce cerveau pluriel péquiste ignorait quelle trajectoire la chef voulait prendre parce qu'elle n'en parlait pas et qu'ils n'en discutaient pas sérieusement. Un tel vide intellectuel explique l'improvisation durant la campagne électorale, improvisation qui, sur un sujet aussi existentiel et angoissant, ne pouvait qu'effrayer et mener à la dure défaite. Constatant que le peuple ne voulait rien savoir d'entreprendre dans ces conditions une discussion nationale dans un prochain mandat, Lisée est retombé sur terre et a cherché à fermer la porte du référendum. Ce passage du récit de Lisée est très révélateur :
«Dans mon cas je ne perdais pas seulement, avec l’équipe Marois, la campagne électorale. Je perdais 15 ans d’espoir souverainiste. Ça enlève du ressort dans le pas. Ça enlève la boussole professionnelle qui m’avait guidée toutes ces années.
C’est pourquoi j’allais déclarer que je n’avais jamais été aussi pessimiste pour la souveraineté. Ce n’était pas prévu. C’était pendant un point de presse de Pauline et de Diane de Courcy sur la langue. Moi et d’autres candidats étions de corvée de plantes vertes.
Un journaliste décide de me poser une question directe sur la souveraineté. C’était après le premier débat ou Pauline avait martelé : « IL N’Y EN AURA PAS DE RÉFÉRENDUM, sauf si les Québécois sont prêts. » Oui, oui, on entendait très bien les majuscules et les minuscules.
Pauline me permet de répondre. Je savais depuis quelques jours que si moi, très associé à la souveraineté, je déclarais mon pessimisme, cela pourrait aider à convaincre les Québécois réfractaires que les chances étaient bien minces qu’elle soit débattue de sitôt, donc qu’ils pouvaient voter PQ en toute quiétude. Je l’ai donc dit. Dit la vérité toute crue. Et il faut voir la tête de Pauline pendant que je parle. Elle n’est pas certaine que ce soit une bonne idée. Elle ajoute au micro qu’elle est un peu plus optimiste que moi, pour faire bonne mesure.»
J'ai vu ce point de presse. Il nous montrait que le cerveau pluriel péquiste n'était pas bien coordonné, que Lisée et Marois pouvaient faire en pleine campagne électorale des commentaires sur le débat national qui se contredisent et ajoutent la confusion au flou! Marois venait de dire au débat que NON-NON IL N'Y AURA PAS DE RÉFÉRENDUM tant que les Québécois ne seront pas prêts, puis Lisée dit en point de presse qu'il est très pessimiste quant à la possibilité de débattre de la souveraineté dans le prochain mandat, mais Pauline le contredit en affirmant qu'elle est plus optimiste, ce qui veut dire qu'elle pense pouvoir convaincre le peuple bientôt de voter OUI !... Je pense qu'elle ne voulait pas accepter l'évidence que ce ne sera pas elle qui fera le pays, étant donnés son âge et le vide intellectuel du cerveau péquiste pour la souveraineté qu'elle n'a pas réussi à bien former.
Qu'a donc fait le comité sur la souveraineté dont Pauline Marois nous présentait les membres le dimanche 19 février 2012? Lisée en faisait partie.
Jamais le Québec ne deviendra un pays sans un cerveau souverainiste bien informé, discipliné et coordonné de manière à convaincre en inspirant confiance.