Hommage à Micheline Lanctôt

Une goutte d’eau salée dans un océan de points de vue douceâtres

Tribune libre

Au cours de l’émission de Marie-France Bazzo diffusée le 17 octobre dernier, le public a eu droit à un billet fort intéressant de Micheline Lanctôt au sujet de Paul Desmarais en particulier, et des magnats de la finance en général. Enfin un peu d’objectivité ! C’était thérapeutique ! Oui, enfin un personnage public qui ne craignait pas d’égratigner au passage l'image "mur à mur" positive que nous a présentée du riche financier l'ensemble des médias « traditionnels » – lire « contrôlés par l’establishment ». Des journalistes à la langue engourdie au venin paralysant, voilà le triste tableau qu’on nous a donné à voir sur toutes les tribunes au lendemain du décès du richissime de Sagard.

Même chose lorsqu’il est question de la Charte des valeurs québécoises. On assiste à un front massif des médias, Radio-Canada en tête de file, contre celle-ci. Qui pis est, tous ces mêmes médias prétendent effrontément représenter la population en affirmant que celle-ci est contre la charte de manière massive, ce qui est totalement, mais totalement faux.
Pour peu qu’on en discute autour de soi, on se rend bien compte que le courant de fond anticharte qui déferle dans les journaux, à la télévision et à la radio n'est qu'une construction des médias, et que la réalité est tout autre dans la population.
Le fait de constater qu’ils sont incapables d’infléchir l’opinion publique met les journalistes hors d’eux-mêmes. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à l’entrevue accordée à Bernard Drainville par Anne-Marie Dussault le 18 octobre dernier, sur les ondes de Radio-Canada. L’animatrice faisait preuve d’une telle émotivité, d’une telle agressivité à l’endroit du ministre que c'en était disgracieux. Elle n’avait plus aucune préoccupation quant à la réserve et à l’objectivité auxquelles sont tenus les journalistes. Son jupon partisan – multiculturaliste?? – dépassait de tous côtés et jusqu’à terre… Comme celui de bien des journalistes mâles, du reste.
Bravo Madame Lanctôt ! Bravo de ne pas faire partie de cette masse d’informateurs partiaux et d’user de votre libre arbitre. Au Québec, on a vraiment, mais vraiment un très grand besoin de personnes comme vous, des personnes qui ont le courage de leurs convictions !
Dominique Page
Pour ceux et celles qui n’ont pas regardé l’émission de Bazzo diffusée le 17 octobre, le lien suivant les y conduira. Les lecteurs trouveront également ci-dessous une transcription du billet de Madame Lanctôt.
https://twitter.com/search?q=%23Desmarais&src=hash
Texte de Madame Lanctôt :
« [… ] la roche dans ma bottine, cette semaine, c’était le concert d’éloges absolument unanime qui a entouré le décès de Monsieur Paul Desmarais, le concert si totalement consensuel qu’il en était presque harassant. Je voudrais rendre hommage au Devoir qui a publié deux tout petits billets qui étaient […] un peu dissonants par rapport à l’ensemble, et sans vouloir porter atteinte aux qualités personnelles de Monsieur Desmarais qui était fort bel homme et que l’on a si abondamment vanté, sa discrétion, son honnêteté, son audace, sa générosité, sa solidarité familiale, et j’en passe, on en a vraiment vu de toutes les sortes, j’ai pas pu m’empêcher de me demander pourquoi il y avait tant d’unanimité pour cet homme qui, visiblement, pesait extrêmement lourd et de façon pas toujours nette sur le milieu politique, tant ici qu’à l’étranger.
« Je m’étonne que son décès n’ait pas été l’occasion pour les médias de façon générale, pour les gens en particulier, de réfléchir sur les rapports louches entre la puissance de la grande finance et le pouvoir politique. On en avait un assez bel exemple, merci. Est-ce qu’il est concevable qu’un seul homme à la tête d’un holding dont les organigrammes sophistiqués s’étendent à travers la planète, dont la fortune personnelle équivaut au PIB d’un petit pays, dispose de tant d’influence sur des gens que NOUS élisons pour NOUS gouverner.
« On a beaucoup parlé de ses […] « amitiés prestigieuses » et des personnalités de marque, pour la plupart des hommes d’État, grands financiers, capitaines d’industrie, conviés, voire requis, voire sommés de se rendre sur le domaine de vingt-deux mille acres de Sagard, vingt-deux mille acres, le chiffre fait rêver, hein ? Et qu’est-ce qu’ils venaient chercher, au-delà du gîte et du couvert, très certainement substantiels et de bon goût ? On s’en doute… À quels jeux d’influence se livrait ce prince de la finance à qui on a donné le titre de « grand bâtisseur » ? Mais bâtisseur de quoi ? Je me le demande, parce que la spéculation ne bâtit rien, en principe elle manipule. Apparemment, c’est un spéculateur sagace et on a dit de lui qu’il a enrichi les petits actionnaires et montré la voie du Québec inc. Permettez-moi de croire que celui qu’il a enrichi au premier chef, c’est lui-même : 4,5 milliards de dollars en actif, c’est pas mal. Alors philanthrope, je veux bien, mécène, je veux bien le croire aussi, mais outre le bonheur de sa famille avec lequel on nous a largement bassiné les oreilles après le décès de Monsieur Desmarais, à quoi lui a servi cette colossale fortune ? Question : on parlait de sa discrétion, bien il n’y a pas loin de la discrétion à l’omerta d’un pouvoir byzantin sans aucune transparence ni contrepoids. Quand on dispose d’une telle puissance, c’est facile de confondre audace et arrogance, et il n’y a rien de très généreux à retourner une INFIME partie de ses avoirs à une société qui les a rendus possibles […].
« Apparemment, on n’est pas trop nombreux à voir dans cette réussite du canayen-français – parce qu’on en a beaucoup parlé, on nous le pose en modèle – l’illustration de ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui où tous les États sont inféodés à l’argent et où le discours de la prospérité enterre les voix discordantes des 99 %, qui N’ONT PAS, ni NE détiennent RIEN. Paul Desmarais, c’était le 1 %, bien sûr, avec le levier politique qui vient avec. Il n’est pas anodin que la plupart des éloges publiés viennent d’anciens chefs d’État. Mon Dieu qu’ils s’en sont donné à cœur joie ! À quels renvois d’ascenseurs se sont-ils livrés? Que venaient-ils chercher auprès de Paul Desmarais, dont plusieurs se sont dits le « nami » ? Des conseils de chasse et pêche ? Je suis et je serai toujours mal à l’aise avec l’apologie complaisante de ces fortunes sans commune mesure avec les soucis du monde réel. Pour avoir côtoyé des gens richissimes en Californie et pour avoir constaté avec quelle DÉSINVOLTURE ils se vantaient de faire et de défaire les gouvernements, je ne pense pas qu’il faille leur décerner des médailles. Et devant un bilan financier aussi inéquitable, je me demande où s’arrête la cupidité. Quand les riches en ont-ils assez ? Ça prend combien de milliards pour satisfaire une famille de quatre? Et puisqu’il est question de laïcité encore abondamment dans les journaux, je me dis : "Puisque la laïcité doit en principe soustraire l’État aux pouvoirs religieux, est-ce qu’il ne faudrait pas penser à une charte des valeurs où l’on aurait peut-être l’occasion de soustraire l’État aux pouvoirs de la finance ?"»


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