Construction

Une collusion qui coûte cher

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)

Au moment où le Québec investit des milliards de dollars dans ses infrastructures, une enquête de Radio-Canada démontre la collusion entre les grandes entreprises de construction.
Ces entreprises s'entendent pour truquer les appels d'offres publics et gonfler les prix. Avec la mafia en toile de fond, cette pratique serait maintenant généralisée dans la grande région de Montréal.
En février 2003, François Beaudry, conseiller au cabinet du sous-ministre des Transports, a reçu un appel d'un entrepreneur de la construction. Celui-ci lui a prédit une journée à l'avance le résultat des appels d'offres pour 10 contrats d'importance à Laval.
Le lendemain, les prédictions se sont avérées, à quelques détails près. Selon nos informations, la Sûreté du Québec (SQ) mène une enquête à ce sujet. « De toute évidence, il y avait eu collusion et un petit changement de dernière minute pour 2 des 10 projets », a expliqué François Beaudry à Radio-Canada.
M. Beaudry a servi d'intermédiaire entre son informateur et la SQ. Entre autres informations, il a appris le langage secret utilisé par les entrepreneurs pour truquer les appels d'offres: un jeu de golf fictif qui indique à quel prix soumissionner. Information confirmée par un entrepreneur toujours actif, qui s'est confié à Radio-Canada sous le couvert de l'anonymat.
« Je donne un exemple, à 11 h, O.K., on va partir au 4e trou. On va être neuf joueurs. Pis ça, on sait que dans le domaine de la construction, le 4e trou, c'est 4 millions. On va être neuf joueurs, c'est en haut de 900 000 $. Peu importe le prix que tu vas rentrer, ça, c'est avant taxes. Fait que tu peux rentrer 4 978 000 $. Tu sais que, automatiquement, le joueur qui a organisé la partie de golf, à lui la game, parce que, lui, il va être juste en bas du 4 900 000 $ », a expliqué l'entrepreneur anonyme.
Une enquête que Radio-Canada mène depuis quelques mois démontre qu'un petit nombre d'entrepreneurs contrôlent la majorité des gros contrats à Montréal. « On a un groupe à Montréal qui contrôle l'approvisionnement sur l'île, qui se passe les uns après les autres les contrats, on les nomme les Fabulous Fourteen. C'est comme une mauvaise course de poneys à Blue Bonnets: "C'est à mon tour, c'est à son tour, c'est à l'autre tour" », a expliqué le président de Maçonnerie LM Sauvé, Paul Sauvé.
Et pour que le système fonctionne, l'intimidation et les menaces règnent. « C'est la mafia montréalaise, la mafia italienne montréalaise qui contrôle ce qui se passe à l'intérieur de la ville de Montréal au niveau de la construction routière. Il y a un contrôle, selon ce qu'on en déduit, d'environ 80 % des contrats », a dit le conseiller François Beaudry.
Ce système de collusion coûte une fortune aux contribuables. Les prix des grands travaux sont gonflés d'au moins 20 %, selon des études internationales. Mais selon nos sources, en ce moment à Montréal, ce chiffre serait beaucoup plus proche de 35 %.
D'après un reportage de Marie-Maude Denis
La version complète de ce reportage sera présentée à l'émission Enquête, jeudi à 20 h, sur les ondes de Radio-Canada, et en rediffusion dimanche à 18 h à RDI. (Consultez le site de l'émission)


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