Tel L’homme qui rit, roman de Victor Hugo

Un Québec mutilé par Ottawa/Toronto

À l’image d’autres peuples minoritaires

Tribune libre

La figure ricanante du Joker de Batman au cinéma (Chevalier Noir de Christopher Nolan), on le sait peu, prend son origine dans le personnage Gwynplaine du roman de Victor Hugo L’homme qui rit (1869). Moins connu que Les Misérables, ce roman véhicule les mêmes valeurs, prophétisant le sauvetage de l’humanité par les faibles, les handicapés, les monstres, mis au ban de la société.
Pour faire valoir son point, Victor Hugo décrit la rapacité de l’humain sur l’humain dans le scélérat commerce des comprachicos, situés dans l’Angleterre des années 1700. Ces gredins avaient utilisé comme clown un enfant (rejeté par la noblesse) à la figure vicieusement mutilée en large rire par les commissures de la bouche tranchées jusqu’aux oreilles. Cette trouvaille exhibée dans les cirques et théâtres de rue amenant un succès tellement hilarant chez les foules incultes, ces comprachicos (acheteurs d’enfants) s’ingénièrent à fabriquer d’autres monstres à partir de très jeunes enfants.
« Un enfant destiné à être un joujou pour les hommes, cela a existé. Pour que l’homme hochet réussisse, il faut le prendre de bonne heure. Le nain doit être commencé petit. On jouait de l’enfance. Mais un enfant droit, ce n’est pas bien amusant. Un bossu, c’est plus gai… cela faisait des êtres dont la loi d’existence était monstrueusement simple : permission de souffrir, ordre d’amuser… Cette fabrication de monstres se pratiquait sur une grande échelle et comprenait divers genres… de la Chine, on apprit le moulage de l’homme vivant. On prend un enfant de deux ou trois ans, on le met dans un vase de porcelaine plus ou moins bizarre, sans couvercle et sans fond, pour que la tête et les pieds dépassent. Le jour on tient ce vase debout, la nuit on le couche pour que l’enfant puisse dormir. L’enfant grossit ainsi sans grandir, emplissant de sa chair comprimée et de ses os tordus les bossages du vase. Cette croissance en bouteille dure plusieurs années. À un moment donné, elle est irrémédiable. Quand on juge que cela a pris et que le monstre est fait, on casse le vase, l’enfant en sort, et l’on a un homme ayant la forme d’un pot. C’est commode; on peut d’avance se commander son nain de la forme qu’on veut. »
« Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur la terre, qu’un distributeur d’oubli. » V. Hugo
Ce roman plein d’enseignement dit aussi : « Les grands sont ce qu’ils veulent, les petits sont ce qu’ils peuvent » et encore : « Le peuple donne son sang et son argent, moyennant quoi on le mène. »
François Rabelais est celui qui a dit : « Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. »
Maintenant, sommes-nous surpris de constater qu’un empire conquérant se donne comme mission d’éliminer les peuples conquis par des méthodes rabaissantes? S’il n’ose plus recourir au génocide par la force militaire, il ne se prive pas de tuer l’estime de soi, d’humilier, par l’appauvrissement, l’aveuglement, l’impotence. Au Québec, nous nous reconnaissons facilement, en tant que minorité culturelle et linguistique sur un continent unilingue anglais, comme une nation mutilée et exhibée pour rire, à la face du monde. Voilà le but de cet assaut assimilationniste fomenté par Lord Durham et jamais démenti depuis.
Pour les gens « accommodants », qui y voient exagération victimisante, pour les « libérés naïfs » qui pensent encore obtenir justice par un courriel à l’Office québécois de la langue française, comparons-nous à l’Angleterre du 18e :
Minorisés par ruse. Dès la conquête, il fallut réduire notre poids démographique : éloignement du commerce et de la politique, fusion dans la population du Upper Canada, création d’un pays à une province française, multiculturalisme consacrant l’immigration comme moyen d’aplanir notre culture dans l’accueil massif du monde entier.
Voilà une mutilation assimilable au blocage de croissance d’un bébé dans un vase…
Aveuglés. Cette mutilation, on la reconnaît dans les gestes délibérés de l’enseignement dilué de l’Histoire et de la langue française. Citoyens créolisés, plus faciles à manipuler par des médias orientés dans la pensée de l’assimilateur. Qui n’admettrait pas que l’école et les médias actuels travaillent en collusion pour remplacer le sens national de la minorité par le concept moins « replié » de multiculturalisme? (Cours Éthique et culture religieuse.)
Appauvris. Coïncidence : nation de culture distincte de plus en plus pauvre dans l’échelle comparative canadienne. Les relents de monarchie britannique sciemment maintenus dans la Constitution rapatriée ouvrent toute grande la porte à l’exploitation des ressources naturelles sur notre territoire sans obligation de redevances à la population. Territoire amputé donc pour démoraliser tout comme dans l’action de délocaliser les industries multinationales, dans l’action de walmartiser le commerce de détail (les pauvres et l’économie de bouts de chandelles), dans l’action toujours impunie de piller l’épargne et les transactions immobilières, dans l’action de saigner sans équité les ressources fiscales du peuple pour des projets somptuaires d’infrastructures en éducation ou en santé au profit d’une fausse minorité dominante à Montréal.
De façon semblable à l’Angleterre, du 18e siècle, la classe dominante n’a pas plus d’égard pour les descendants de Nouvelle-France que pour les négligeables enfants de la rue décrits par Victor Hugo.
Privés de leurs droits fondamentaux, les Québécois ne bénéficient même plus de la protection de minorité dont se vantait le Canada. Que ce soit aux sports olympiques, à la défense nationale, aux cérémonies officielles, à l’extérieur comme dans le Québec, les droits du français sont niés, dans des gestes déguisés en oubli. Les citoyens d’expression française choisissent-ils d’élire des députés nationalistes, ils sont aussitôt privés de services publics (routes, postes), punis de voter contre la majorité, pris en otage d’un bloc monolithique tyrannique. Amputés de leurs droits.
Aux fins de cette sinistre métaphore, pouvons-nous ajouter que les tortionnaires vont jusqu’à exhiber leurs créatures monstrueuses pour amuser le monde cruel? Parlerions-nous de nos athlètes du sport professionnel? De nos « volontaires » recrutés comme chair à canon pour l’Afghanistan? De nos politiciens condamnés au strapontin à l’ONU ou aux corridors de Copenhague? Voire même dans le bilinguisme forcé de nos élus municipaux ou provinciaux? Qui a vu le français autrement qu’abaissé dans ce pays qui n’est pas le nôtre?
Face à pareil destin piégé, pourquoi le Québécois rit-il autant? Parce qu’on l’a mutilé en L’homme qui rit?
« Il y a du consentement dans le sourire, tandis que le rire est souvent un refus. » (V. Hugo)
Après avoir fui l’Assemblée nationale, notre tortionnaire rit bien fort ces jours-ci au Danemark comme leader du « second Canada ». La fourberie faisait aussi dire à George W.Bush au journaliste lui demandant s’il torturait à Guantanamo : « No, Sir! Nous ne torturons pas les prisonniers de guerre. Et ceux qui le disent ne connaissent rien aux Etats-Unis d’Amérique. » On l’a dit aussi en Iran, en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Mexique, au Chili, à Cuba, Haïti, République dominicaine, Russie de Lénine, Asie, Afrique… au Canada guerrier, et les dynasties de tyrans sont increvables : Le fils Trudeau infeste déjà le parti tzariste :-); Castro se clône à l’infini; L’Argentine commence à peine à retrouver ses comprachicos réclâmés par les mères de la Plaza de Mayo; Le petit-fils de Pinochet n’a pas été élu…cette fois-ci.

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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2 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    18 décembre 2009

    Erratum et Addendum.
    Dans la foulée de ma conclusion où je parle de la fourberie du tortionnaire Doubleyou, je nomme aussi le nôtre, qui a attaqué Ottawa en arrivant à la conférence pour amadouer son peuple comme tout tyran, puis a fini par flatter ce régime qui le paie bien. Mme Payette a feint une faible hypothèse de nationalisme chez notre démolisseur. Même lubie qu’on nous proposa sur Bourrassa…
    Dans mon énumération de pays ayant été leurrés, j’ai nommé la Russie de Lénine alors qu’il aurait fallu lire la Russie de Staline des Goulags.
    Aujourd’hui, M. Fortin (Réflexion) nous propose d’élever notre cœur à l’unisson avec Castro et Chavez… on lui reconnaît au moins la prudence de ne pas y avoir inclus l’Argentine qu’on a vue souvent agir en voyou avec ses voisins : Chili, Paraguay, Bolivie, Uruguay, alors qu’avec le Brésil, la tentation fut parfois freinée par la grosseur de la bouchée. L'orgueil dictatorial alla jusqu'à défier aux Malvinas (Malouines) la brutale force britannique de Thatcher. Le peuple alors humilié ne s'en remet toujours pas...après 28 ans.
    Les ennemis anciens sont souvent à redouter... Merci aux amis de trekking à la barranca du Condorito pour ces franches conversations sous le soleil de plomb des Andes.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 décembre 2009

    Passé, présent et avenir du Québec :
    « Que la rage du peuple à présent se déploie »
    CORNEILLE
    « L'avenir du présent se venge quelquefois »
    DELILLE
    « Le présent n'est jamais notre fin ; le passé et le présent sont nos moyens ; l'avenir est notre fin »
    PASCAL
    « Le passé m'interdit et le présent m'accable »
    VOLTAIRE
    « L'avenir l'inquiète et le présent le frappe »
    RACINE