Au ministre de la Santé, Gaétan Barrette,
Je vous écris à titre d'omnipraticien au CSSS des Sommets, dans les Laurentides.
Je suis avec un vif intérêt votre style de gouvernance. Je suis d'accord avec vous que le réseau de la santé mérite que l'on optimise. Il y a certainement place pour rationaliser la structure tout en préservant l'excellence des soins. De plus, c'est vrai qu'il est nécessaire d'améliorer encore l'accès aux médecins de famille.
Vous avez mon adhésion sur ces principes.
Par ailleurs, je salue la détermination que vous démontrez. C'est une qualité précieuse. L'immensité des tâches que vous devez accomplir est hors du commun. De plus, vos interventions ont le grand mérite de susciter une réflexion en médecine familiale d'une intensité que je n'ai jamais vue.
Pour atteindre vos objectifs, vous devez prendre le pari d'arriver à modifier certains comportements des médecins et employés du réseau. Amener un groupe de cette taille à se mobiliser différemment est plus corsé que de manoeuvrer un transatlantique sur le Saint-Laurent. Beaucoup d'inertie. Beaucoup d'écueils.
Le changement de comportement, c'est justement un des savoir-faire nécessaires en médecine familiale. Continuellement, nous travaillons à potentialiser la motivation des individus à adopter de saines habitudes de vie. Pour y arriver, il existe des approches beaucoup plus efficaces. En misant sur les forces des gens, nous augmentons de manière formidable notre capacité à les influencer positivement. Nous évitons aussi une logique d'opposition frustrante pour tous. Invariablement, l'opposition est infructueuse.
C'est ce qui m'amène à aborder vos projets de loi. Ils visent l'efficacité et l'accessibilité. Malheureusement, ils mènent plutôt vers un affrontement long et accablant. Et, au bout du compte, c'est la population qui écopera pour ce naufrage annoncé.
Si ces projets se concrétisent, il est très risqué qu'un nombre impressionnant de médecins d'expérience devancent leur retraite et une quantité tout aussi grande d'étudiants se détourneront de la médecine familiale. De plus, beaucoup pourraient se tourner vers la pratique privée et feront payer leurs patients.
Avec les lois 10 et 20, le réseau public se retrouvera grandement fragilisé.
Tout comme mes collègues, je sens sourdre en moi une colère profonde sans précédent. J'ai un intense besoin d'avoir la confiance que les acquis de notre système de santé seront préservés à tout prix, comme l'universalité et la gratuité. J'ai aussi besoin d'avoir l'assurance que tous les gens qui travaillent d'arrache-pied dans ce système seront respectés et que les changements à venir seront bénéfiques pour les Québécois.
Beaucoup d'initiatives ont déjà été prises et portent leurs fruits. Par exemple, depuis 2009 dans ma région, des 9 001 personnes à la recherche d'un médecin de famille, il en reste uniquement 1 310. La liste d'attente est en voie de disparition.
Je vous demande donc de réviser votre stratégie de telle sorte qu'elle se basera avant tout sur les forces existantes de notre système, dans le respect des travailleurs, en gardant en tête notre ultime priorité : le bien-être des Québécois. Je vous invite à l'ouverture d'esprit et à la concertation.
Si vous avez le désir d'entamer un dialogue constructif, je serai très ouvert à échanger avec vous. Il sera facile pour vous de me contacter en passant par le www.granulesmedicales.ca. Cela vous donnera en plus l'occasion de découvrir l'initiative bénévole d'un omnipraticien. C'est un exemple, parmi des milliers d'autres, qui pourrait vous convaincre du dévouement des médecins de famille quand vient le temps de ramer pour faire avancer les choses.
Alexandre Chouinard, md, Val-David
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