Un choix de société!

Élections fédérales du 14 octobre 2008

Il serait malavisé, sous prétexte que Stephen Harper et Stéphane Dion n'ont pas l'envergure ou l'éloquence des Barack Obama et John McCain, de traiter la campagne électorale canadienne qui s'amorce comme une distraction, en attendant le grand soir américain du début novembre.
Il faut remonter à la campagne sur le libre-échange en 1988 pour trouver un scrutin au cours duquel l'électorat canadien a été confronté à un choix aussi tranché que celui qui sera sur les bulletins de vote du 14 octobre prochain.
En marge de la personnalité respective des chefs en présence, ce sont deux visions foncièrement distinctes de la politique canadienne qui s'affrontent. L'identité de celui qui remportera le prochain scrutin déterminera ce que sera la personnalité du Canada d'ici deux, trois ou quatre ans.
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L'époque où le Parti libéral et le Parti conservateur pouvaient être vus comme bonnet blanc et blanc bonnet appartient au XXe siècle. Entre les libéraux de Stéphane Dion et les conservateurs de Stephen Harper, il y a aujourd'hui des différences idéologiques aussi fondamentales qu'entre les républicains et les démocrates américains. En certaines matières, comme les changements climatiques, on pourrait même dire que l'écart entre les principales formations canadiennes est plus grand qu'entre les clans rivaux américains.
Contrairement à ce qu'a soutenu récemment le premier ministre, ce n'est pas parce que Stéphane Dion a tiré son parti vers la gauche. Le PLC n'est ni plus ni moins centriste que sous Jean Chrétien et Paul Martin. L'un comme l'autre pourraient sans malaise défendre le programme libéral actuel.
Brian Mulroney, Joe Clark et Jean Charest ne pourraient pas nécessairement en dire autant au sujet de la formation de leur successeur conservateur. Le premier ministre Charest n'a jamais semblé aussi libéral que depuis qu'on compare son gouvernement à celui de son homologue fédéral. On sait aujourd'hui qu'il n'y avait pas que de la sémantique dans la volonté de Stephen Harper de retrancher le mot «progressiste» du nom de sa formation il y a quelques années.
Aux dernières élections, le chef conservateur avait gommé ces différences pour mener bataille sur le terrain plus rassembleur de l'éthique. La modestie de son programme était conçue pour rassurer l'électorat. Les conservateurs avaient besoin d'un tour de piste pour montrer de quoi ils étaient capables.
Aujourd'hui, personne ne doute que l'équipe Harper soit à la hauteur de la tâche de piloter le Canada ou que son chef maîtrise bien les leviers du pouvoir. Le mandat que les conservateurs sollicitent est d'une autre nature. D'ici au 14 octobre, Stephen Harper va demander à l'électorat un mandat pour remodeler le modèle canadien à l'image d'un credo nettement moins activiste sur le plan économique et social, mais nettement plus militant dans des créneaux comme la défense, la loi et l'ordre, l'immigration.
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Contrairement à la dernière campagne, la vision que les conservateurs véhiculent sur l'économie, les changements climatiques, la justice, l'immigration, le fédéralisme, la politique étrangère, la place de la culture, etc., est connue.
Cette vision est non seulement diamétralement différente de celle des libéraux, mais elle diverge également de la philosophie des trois autres partis qui se disputent les suffrages dans le cadre de cette campagne électorale.
Sur le fond, le NPD, le Bloc québécois et le Parti vert défendent les mêmes valeurs que le PLC. Aucun d'entre eux ne se voit dans un rôle de soutien à un éventuel gouvernement conservateur. Pour autant, ni le NPD ni le Bloc ne sont disposés à recommander le PLC aux électeurs.
Pour le Bloc, ce serait admettre qu'un parti voué à l'opposition à perpétuité est relativement impuissant à changer le cours des choses à Ottawa. Il peut ralentir le train du gouvernement en place, mais il n'a pas le pouvoir de le faire changer de direction.
Quant au NPD, il voit la campagne qui commence comme sa meilleure chance en vingt ans de s'installer à la place des libéraux et devenir un parti de gouvernement. Pour mémoire, la dernière tentative du genre, à l'occasion de la campagne sur le libre-échange, avait résulté... en un gouvernement majoritaire conservateur.
En marge du duel classique pour le pouvoir, la campagne va donner lieu à une lutte sans merci entre les quatre formations qui se disputent le vaste terrain situé à gauche des conservateurs. À défaut de changer de gouvernement, on pourrait assister à la plus importante reconfiguration des forces de l'opposition fédérale depuis l'arrivée en force du Bloc et du Parti réformiste sur la colline parlementaire, en 1993.
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La campagne qui s'amorce se distinguera finalement par le fait qu'elle sera la première en quarante ans à ne pas faire une place centrale au débat sur la relation du Québec avec le reste de la fédération canadienne.
L'unité canadienne a disparu de l'écran radar de l'électorat du reste du Canada, en tandem avec les probabilités d'un autre référendum au Québec. Le dossier Canada-Québec est le principal chapitre de l'oeuvre de Stephen Harper que le PLC et le NPD vont s'abstenir de promettre de réécrire au cours de la campagne.
La question des relations entre Ottawa et le Québec est peut-être la seule sur laquelle les différences entre les partis fédéralistes se sont estompées plutôt que de s'accentuer au cours du dernier mandat. C'est largement attribuable à Stéphane Dion, dont la culture fédéraliste est nettement plus québécoise, dans le sens pro-provinces du mot, que celle des chefs libéraux qui l'ont précédé.
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Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star


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