Ukraine : halte aux fous !

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La grosse voix des armes se fait hélas trop bruyante

Le crime imputé à la Russie de Poutine, notamment par les dirigeants de l’Union européenne, de l’OTAN et des États-Unis, n’est certes pas insignifiant : pour la première fois sur le Vieux Continent, depuis la Seconde Guerre mondiale, un État souverain s’ingérerait dans les affaires d’un autre État souverain et prétendrait – au mépris du droit international – lui imposer par la force des armes une amputation de son territoire au prétexte de faire valoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
On ne laisse pas d’être impressionné par la répétition incessante de ce grief et par la volonté, quotidiennement exprimée au nom de la justice et de la démocratie, de s’opposer par tous les moyens, à commencer par des sanctions économiques et financières, individuelles ou collectives, aux entreprises du nouvel Hitler dont le siège est à Moscou et l’ambition planétaire. Certes, il n’est pas exact que la carte politique de l’Europe soit restée identique à ce qu’elle était en 1945 et la réunification des deux Allemagnes en 1989 est venue heureusement nous rappeler que le poids de l’Histoire et des réalités peut emporter les constructions artificielles apparemment les plus solides. De même n’est-il pas tout à fait impossible que la Catalogne, voire l’Écosse, prennent leurs distances avec l’Espagne ou l’Angleterre comme la Slovaquie s’est séparée de la Tchéquie. Mais dans ces trois cas de figure, les choses se sont passées ou pourraient se passer sans violence. Où l’on voit bien que M. Poutine ressuscite une manière de faire qui n’a plus cours au XXIe siècle.
Pourtant – mais peut-être est-ce ma mémoire qui me joue des tours –, il me semble me rappeler qu’il y a peu d’années, l’Union européenne, l’OTAN et les États-Unis, grands donneurs de leçons, grands professeurs de morale, n’ont pas hésité – sur le Vieux Continent, au XXe siècle ! – à imposer à un État souverain une substantielle diminution de son emprise en procédant à une campagne de bombardements aussi intense que persuasive. Je crois me souvenir – mais sans doute est-ce mon grand âge qui m’égare – que le Kosovo, majoritairement peuplé d’Albanais, fut ainsi arraché à l’emprise et aux persécutions de Belgrade pour répondre au vœu de sa population. Certes, les démocraties excellent à mettre les formes et il fut bien entendu, lors de la partition forcée de la Serbie, que la province rebelle n’accéderait jamais à l’indépendance et qu’y seraient respectés les droits de la minorité serbe. Quinze ans après, le Kosovo est devenu un État souverain et les Serbes n’y sont plus qu’une espèce en voie de disparition.
Ce que s’est alors permis l’OTAN au mépris des protestations de la Russie, traditionnelle protectrice de l’élément slave, serait-il interdit à la Russie sans la permission de l’OTAN ? Le droit international ne serait-il pas toujours pesé sur les mêmes balances ? Le vœu d’une fraction importante et apparemment majoritaire de la population de l’Est ukrainien d’échapper à la domination de Kiev et d’accéder à un statut de région autonome, d’État confédéré, d’État souverain, voire d’être rattachée à la Russie est-il indigne d’être pris en considération ?
La tournure que prennent les propos et les actes des uns et des autres est aussi absurde qu’inquiétante. Fort des encouragements occidentaux, le ministre de la Défense ukrainien ne craint pas d’envisager une extension du conflit qui se traduirait par « des milliers, des dizaines de milliers de victimes ». La diplomatie occidentale travaille d’arrache-pied à de nouvelles sanctions contre Moscou. La Russie ne se cache plus d’apporter aux rebelles une aide qui a d’ores et déjà mis en déroute la puissante armée ukrainienne. L’OTAN en est aux grandes manœuvres et au déploiement de troupes à proximité du théâtre des opérations. La grosse voie des armes a pris le pas sur le verdict des urnes. Un mot que l’Europe croyait avoir banni de son vocabulaire est sur les lèvres officielles : la guerre. Il est encore temps de crier : halte aux fous !


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