Ce qui se passe en Grèce est énorme. Je dois dire tout d'abord que je me méfiais des intentions « à la Hollande » de Tsipras. (« La finance est mon ennemie ». On connaît la suite . )
Le parti communiste grec (KKP) qui ne soutient pas Syriza, ce qui peut paraître paradoxal, en avait donné les raisons cet été. Raisons qui ont été reprises par Asselineau récemment. Bref Tsipras qui avait fait la tournée des maîtres du monde, leur avait laissé entendre qu'ils pouvaient le laisser être élu sans crainte, qu'il n'était pas dangereux et qu'il n'entendait absolument pas quitter l'Europe ou l'Euro. C'est alors que le KKP l'avait traité de traître à la Grèce. Or la réalité est tout à l'opposé.
Tsipras joue une partie d'échecs qui n'est pas sans rappeler celle d'un maître qui s'appelle Poutine. Il avance à coup précis et audacieux. D'une part, sauf pour les aveugles, dès les premières heures de son mandat il donne des signes de son intérêt pour Moscou. Comme le fait remarquer Bild dans « Die Russen-Connection der Griechen-Radikalos » : « A peine 90 minutes après son investiture [...], Tsipras rencontre qui ? L'ambassadeur russe en Grèce ». Cet été, déjà, Tsipras avait refusé de reconnaître le gouvernement fasciste de Kiev. Il échappe donc à la doxa européenne. Comment imaginer que la Grèce puisse rester dans l'UE en ayant une politique extérieure tout à l'opposé et sur quel sujet !
Autre élément d'importance : peu de temps avant l'élection de Tsipras, Poutine avait annoncé qu'en cas de victoire de ses couleurs, il ferait sauter l'embargo et reprendrait son commerce avec la Grèce. Énorme proposition. Après !es résultats de l'élection, les félicitations de Poutine rappellent cette avancée. Une possibilité qui est précisée ce soir :
« Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a déclaré jeudi que la Russie envisagerait d'accorder une aide financière à la Grèce si celle-ci lui en faisait la demande. "Nous pouvons imaginer que si une demande est soumise au gouvernement russe, nous l'étudierons de près, en prenant en compte l'ensemble des facteurs de nos relations bilatérales", a-t-il dit à la chaîne CNBC.Ne soyons donc pas étonnés que le nouveau ministre grec de l'Energie, Panagiotis Lafazanis ait assuré qu'Athènes était contre les sanctions et "n'a pas de divergence avec la Russie".
Ajoutons enfin, il y a deux jours, la claque la plus magistrale que l'on puisse imaginer. La Grèce a refusé de voter de nouvelles sanctions pour Moscou suite aux évènements de Mariupol.
Le Point rappelle alors des évènements antérieurs dans un article titré « Tsipras le nouvel ami de Poutine. »
« Ce n'est pas un hasard si le premier diplomate à être venu saluer Alexis Tsipras après sa prestation de serment comme nouveau Premier ministre de la Grèce est l'ambassadeur de Russie. La proximité du leader de l'extrême gauche avec la politique de Moscou, y compris pour ce qui concerne l'Ukraine, s'était déjà manifestée en mai 2014 lors d'un voyage à Moscou. Reçu par la présidente d'une des assemblées du Parlement russe, Tsipras avait alors soutenu l'annexion de la Crimée et défendu le référendum organisé, avec la bénédiction de Moscou, dans la partie orientale de l'Ukraine par les séparatistes. »
« Le Temps » souligne la même évolution : « Contre les sanctions de l'UE en Russie, contre le gouvernement ukrainien, contre l'austérité, contre l'Allemagne : Alexis Tsipras n'a pas tardé à démontrer la continuité idéologique de Syriza. Un nouvel axe se dessine : Athènes-Moscou. »
Cela n'a pas échappé au quotidien économique russe Kommersant : « le nouveau premier ministre grec, Alexis Tsipras, a, dès avant la victoire de Syriza, annoncé qu'il était favorable à un allégement des sanctions et contre la politique d'isolement de la Russie. » La Neue Zürcher Zeitung résume la situation dans la formule : « Le cheval de Troie de Poutine ».
A peine installé, le gouvernement de Syriza passe l'acte : il récuse les nouvelles sanctions contre la Russie réclamées par Bruxelles après la reprise de violentes hostilités dans l'Est de l'Ukraine. Pendant ce temps, Nikos Kotzias, le ministre des Affaires étrangères, transfuge du Parti communiste grec, défend des relations bilatérales plus étroites avec Moscou. Il aurait déjà remercié Poutine de s'être porté « au secours de nos frères orthodoxes » en Crimée. » On est donc confronté à une évolution soudaine et fascinante que très peu avaient imaginée. Que Tsipras, assuré du soutien de la Russie, trop heureuse de récupérer un tremplin sur la méditerranée, prépare une sortie de l'Europe et de l'Euro, inévitable, voici qui ouvre des horizons incroyables.
Tsipras, nouvel Hercule nettoyant les écuries d'Augias ?
« Le Point », la voix de notre maître atlantiste, n'arrive pas à en croire ses yeux. Il ne peut imaginer que Tsipras se jette d'une manière aussi directe dans les bras de Poutine.
« Les diplomates européens comptent sur le pragmatisme de Tsipras pour ne pas agiter le chiffon rouge symbole des idées de son parti, en votant contre les sanctions au risque de rompre la solidarité européenne sur un sujet majeur de politique étrangère. Beaucoup pensent que le problème du rééchelonnement de la dette grecque, sa préoccupation première, et pour laquelle le nouveau venu va devoir guerroyer ferme, le poussera à certaines concessions sur d'autres sujets. Ainsi, dans le programme de Syriza, y a-t-il une sortie immédiate de la Grèce de l'Otan et la remise en cause des droits accordés à l'alliance qui font de la Crète une de ses principales bases navales en Méditerranée. Bizarrement, c'est là une exigence qu'Alexandre Tsipras a abandonnée, juste avant les élections. »
Oui, mais maintenant il est élu, et ses premières mesures sont tout à l'opposé des conseils de la Troïka. Ses premières décisions sont tellement fidèles à ses promesses. On est si peu habitué à ça. Surtout avec cette gauche crapuleuse que nous avons en France... Parmi toutes les décisions qui honorent ce gouvernement, (arrêt de la privatisation de l'EDF grec, des ports du Pirée et de Thessalonique, salaire minimum relevé de 580 euros à 751,) le réengagement des femmes de ménage du ministère des finances est un acte fort et symbolique :
« L'un de nos premiers gestes sera une réduction immédiate et spectaculaire des dépenses du ministère qui permettra la réintégration des femmes de ménage », a annoncé le nouveau ministre des Finances Yanis Varoufakis lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur Guikas Hardouvelis.
« Avec le nouveau gouvernement, nous nous attendons à une vie meilleure pour les plus démunis », espérait Lilly Giannaki, qui devrait faire partie des agents réembauchés. Elles étaient 595 mises sur le carreau en 2013, environ 300 d'entre elles souhaitent être réembauchées.
M. Varoufakis, arrivé sac au dos et portant une simple chemise, a été le premier ministre des Finances à ne pas être chahuté par ces dures à cuire qui se sont souvent heurtées aux forces de l'ordre, devant le ministère. Les forces de l'ordre étaient d'ailleurs, pour la première fois, invisibles.
Il faut dire que de voir au pouvoir des politiques qui respectent l'humain ça fait du bien. Bon sang que c'est bon ! Tsipras, le nouvel Ulysse qui va flécher les prétendants qui ruinent son royaume et déshonorent sa femme ?
On a envie d'un peu d'héroïsme en des temps vulgaires.
Le ridicule de Hollande n'en ressort que plus qui, après les évènements « Charlie » avait décrété : « La vie reprend son cours. Il faut faire des achats. Ce sont les soldes. » Ridicule ! Oui, nous, nous avons un gouvernement à solder ! On le cède pour pas cher, même...Pour rien du tout.
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