« The Promise » tient ses promesses

«The Promise» "Le serment" de Peter Kosminsky



Un film exceptionnel, qui permet de préserver la mémoire de ce moment clef de l'histoire de XX e siècle, la naissance de l'Etat d'Israël et le drame des Palestiniens.


Thierry GANDILLOT Chef de service - Peter Kosminsky, membre de la Royal Television Society, croule sous les récompenses. Ses réalisations pour le petit écran - « Les Graines de la colère », « L'Affaire David Kelly », « Voleur d'enfance », « Les Années Tony Blair » - ont remporté les plus prestigieuses récompenses. Il y a onze ans, après la diffusion par la BBC de « Warriors », regard sans concession sur la vie des soldats britanniques en Bosnie, Kosminsky reçut une lettre. Elle émanait d'un ancien combattant le félicitant pour la qualité de son travail, mais regrettant que personne ne se soit encore intéressé à la tragédie des 100.000 soldats britanniques envoyés en Palestine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Kosminsky charge alors ses documentalistes de réunir les témoignages de soldats britanniques ayant participé à cette guerre traumatisante et humiliante. Son équipe rencontre également des Israéliens et des Palestiniens, qui acceptent de parler de la période du mandat britannique, mais aussi de leur vie d'aujourd'hui sur ces terres.
Le résultat est exceptionnel, d'une intelligence foudroyante, ce qui n'exclut pas la polémique. « The Promise » permet de préserver la mémoire de ce moment clef de l'histoire du XX e siècle - la naissance douloureuse de l'Etat d'Israël et le drame des Palestiniens chassés de leur terre -et d'éclairer les aspects les plus complexes de la situation contemporaine. Les dialogues sont pensés et mesurés à l'aune de la responsabilité, le jeu des acteurs, sobre et tendu, est à la hauteur de l'ambition de ce film qui ne fera pas l'unanimité, mais fait preuve de sincérité. En Grande-Bretagne, où la série a déjà été projetée, les taux d'écoute de Channel 4 - la BBC qui avait commencé à développer le projet y a renoncé, le sujet étant jugé trop sensible pour une chaîne publique -ont connu un pic historique d'audience. En France, Canal+ et Arte se sont associés (Arte projettera la mini-série en 2012) pour que « The Promise » puisse voir le jour.
Subtile construction
La réussite du film réside aussi dans la subtile construction du scénario qui multiplie les allers-retours entre 1947 et aujourd'hui. Jeune Londonienne de dix-huit ans, Erin s'apprête à passer les vacances d'été qu'elle espère joyeuses et ensoleillées, en Israël, chez sa meilleure amie, Eliza Meyer, qui part pour y effectuer son service militaire. Juste avant son départ, elle découvre le journal écrit en 1947 par son grand-père, qui, après avoir libéré les juifs des camps de la mort nazis se retrouve en Palestine sous mandat britannique, pris entre deux feux.
Erin réalise que son grand-père, Len, qui est en train de mourir dans une chambre d'hopital, avait le même âge qu'elle lorsqu'il écrivait ces lignes. Peu intéressée a priori par ce passé, elle est fascinée par la lecture du journal de Len. Au départ totalement acquis à la cause des juifs, le jeune soldat se retrouve confronté à une situation beaucoup plus complexe et sanglante qu'il ne l'imaginait, échappant de peu à l'attentat du King David ou assistant impuissant au massacre de Deir Yassin.
Surtout, Erin apprend que Len avait, en quittant la Palestine après l'échec du mandat, fait une promesse qu'il n'avait pas pu tenir, et que ce manquement à sa parole lui avait pourri le restant de ses jours. Elle comprend aussi, peu à peu, que son grand-père a été contraint de quitter l'armée dans des conditions déshonorantes. Elle veut savoir pourquoi.
Commence alors une quête aussi passionnante que risquée de Haïfa en Cisjordanie, de Tel-Aviv à Gaza ou à Hébron. A la fin de son périple initiatique, Erin, de retour à Londres, dira seulement : « I learned a lot. » Nous aussi.
THIERRY GANDILLOT, Les Echos


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