The Financial Crisis. Who is to Blame?, par Howard Davies,
Polity Pres, 2010, 229 p., 18,95 euros.
Préparant un cours sur la crise financière et ses explications, Howard Davies, le directeur de la célèbre London School of Economics, s'est trouvé confronté à une multitude de jugements. Il a eu alors deux bonnes idées: rassembler tous ces arguments de manière synthétique, mais aussi rechercher les contre-arguments proposés. On se retrouve au final avec une succession de 38 chapitres (plus un 39e combinant plusieurs explications pour donner la version de l'auteur), remarquables de concision et de lisibilité, qui porteront témoignage pour l'avenir de la façon dont nous avons appréhendé sur le vif la dimension financière de la crise.
Macro/micro
On navigue dans une multitude de registres. Côté grand angle, on trouve des développements sur notre crise comme symbole de la crise générale du capitalisme ou comme expérience in vivo de l'échec des théories libérales et de la science économique dominante, ou encore comme conséquence d'une abondance d'épargne mondiale et de politiques monétaires généralement insuffisamment préoccupées par les dérapages des prix des actifs.
On focalise ensuite davantage sur le rôle des banques et de leur comportement spéculatif: recours à des sociétés ad hoc pour développer des activités hors bilan, insuffisance de capital par rapport aux risques pris, comportement trop procyclique qui fait exploser le crédit quand tout va bien et le rationne quand tout va mal. Un chapitre s'attache à étudier les conditions dans lesquelles les banques gèrent leurs liquidités, l'argent dont elles peuvent disposer rapidement au cas où les marchés sur lesquels elles ont l'habitude d'emprunter se fermeraient, comme ce fut le cas après la chute de Lehman Brothers. Doit-on les forcer à détenir un minimum de liquidités?
Le spécialiste britannique Charles Goodhart rappelle cette histoire où un voyageur débarque du train en pleine nuit et est tout heureux de voir un taxi en tête de station… avant de s'entendre répondre qu'il ne peut le déposer chez lui car la loi veut qu'il y ait toujours un taxi en tête de station. Comme le taxi, la liquidité censée répondre aux crises n'est pas toujours disponible et réclame des régulations plus énergiques qu'un simple minimum réglementaire.
Errements
Le livre passe également en revue les errements des régulateurs, le rôle des marchés de produits dérivés, des fonds spéculatifs et des paradis fiscaux, et condamne l'action des normes comptables, des cabinets d'audit et des agences de notation. Il n'oublie pas non plus le rôle des grands médias qui, dans les pays anglo-saxons plus que chez nous, ont été mis en cause pour s'être laissé prendre aux discours lénifiants des financiers.
Howard Davies n'oublie en fait rien dans sa liste. On trouve ainsi un chapitre qui explique la crise par le fait du développement des jeux vidéo qui surdéveloppent la recherche d'excitation sur celle du comportement mesuré (mais les vieux banquiers ont aussi fait des bêtises…). Et un autre montre que lorsque les traders réalisent des profits, cela fait monter leur niveau de testostérone, ce qui les inciterait à des comportements de plus en plus risqués! Mais les chercheurs précisent avec prudence que la biologie n'est que l'un des paramètres de la tolérance au risque, avec l'éducation, l'expérience, la personnalité et la culture.
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Christian Chavagneux
Alternatives Economiques n° 298 - janvier 2011
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