Six mois pour réévaluer Trans Mountain

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« C’est la pire crise que vit le fédéralisme canadien depuis le référendum du Québec en 1995. »

L’Office national de l’énergie (ONÉ) estime qu’il aura assez de temps pour refaire la portion manquante de l’évaluation environnementale du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.


Ottawa a accordé vendredi moins de six mois à l’ONÉ pour refaire ses devoirs, en tenant compte de l’impact du trafic supplémentaire de pétroliers au large des côtes de la Colombie-Britannique.


Le ministre des Ressources naturelles, Amarjeet Sohi, en a fait l’annonce en compagnie du ministre des Pêches et des Océans, Jonathan Wilkinson, lors d’une conférence de presse à Halifax, où le Canada accueille les ministres de l’Environnement et de l’Énergie du G7.


«L’Office a toutes les raisons de croire qu’il sera en mesure de s’acquitter de cette tâche dans les délais impartis», peut-on lire dans une déclaration. Il promet des informations sur les étapes à venir dans les prochains jours.


Lors de cet examen, le gouvernement compte présenter le résultat des analyses déjà effectuées pour la protection des épaulards du sud de la Colombie-Britannique, une espèce en voie de disparition.


M. Sohi nommera aussi un conseiller technique maritime spécial pour faire partie du nouvel examen de l’ONÉ, mais cette personne doit encore être nommée.


«Nous sommes convaincus que le travail déjà effectué avec les mesures entreprises par le gouvernement dans le cadre du plan de protection des océans, le travail du ministère de M. Wilkinson sur la protection des épaulards et l’expertise de l’ONÉ que nous allons pouvoir compléter ce travail en 22 semaines», a affirmé M. Sohi.


Le cabinet fédéral a ordonné à l’ONÉ de présenter une nouvelle recommandation à l’intérieur de ce délai pour déterminer si l’agrandissement du pipeline devrait se faire après avoir examiné l’impact environnemental des trois douzaines de pétroliers chargés de bitume dilué qui traverseraient la baie de Burrard chaque mois.


Ce nouvel oléoduc Trans Mountain suivrait le tracé d’un autre oléoduc déjà existant, récemment acheté par le gouvernement fédéral pour 4,5 milliards $, et qui amène le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta au port de Vancouver pour l’exportation.


Le mois dernier, la Cour d’appel fédérale a annulé l’approbation que l’ONÉ et le gouvernement avaient accordée au projet en 2016, invoquant une consultation inadéquate avec les communautés autochtones et un manque d’examen de la question du transport maritime.


M. Sohi n’a pas écarté la possibilité pour le gouvernement de faire appel du jugement en Cour suprême tout en promettant le dévoilement «sous peu» des prochaines étapes de consultation des Premières Nations.


Plusieurs communautés autochtones, groupes environnementaux et le gouvernement de la Colombie-Britannique sont préoccupés par le risque accru de marée noire si un pipeline élargi fait passer le trafic de pétroliers de cinq navires à 35 navires par mois.


4,5 milliards $ gaspillés?


L’annonce du gouvernement a été accueillie avec scepticisme par les partis d’opposition.


Les conservateurs lui reprochent de ne pas avoir d’échéancier précis qui permettrait de connaître la date de construction de cet oléoduc que l’Alberta exige avec impatience.


«L’expansion de Trans Mountain devrait être la priorité absolue du gouvernement, mais le gouvernement de Justin Trudeau a plutôt choisi de dépenser 4,5 milliards $ de l’argent des contribuables pour ensuite se traîner les pieds indéfiniment», a déclaré le député conservateur Luc Berthold.


Les néo-démocrates estiment que le gouvernement a fait de «petits changements» à un processus d’évaluation déjà défaillant.


«Le gouvernement libéral continue avec les problèmes créés par le gouvernement conservateur et c’est complètement inacceptable», a affirmé le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh.


Greenpeace Canada émet également des doutes sur la reprise de l’évaluation environnementale du projet Trans Mountain.


«Il y a des problèmes majeurs avec cette évaluation-là parce que le gouvernement a déjà pris sa décision, a déjà décidé d’investir dans ce futur projet de pipeline et se trouve à être juge et partie», a fait valoir son porte-parole Patrick Bonin.


«C’est la pire crise que vit le fédéralisme canadien depuis le référendum du Québec en 1995», a dénoncé la chef du Parti vert, Elizabeth May, qui demande que l’ensemble du processus d’évaluation de l’oléoduc soit repris de zéro.


«Peu importe ce qu’il fera, il reste que pour nous ça reste un investissement inutile du gouvernement dans un projet extrêmement polluant», a signalé pour sa part la députée Monique Pauzé, du Bloc québécois.


Seule la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, s’est dite satisfaite de l’échéancier imposé par le gouvernement à l’ONÉ.


«Notre priorité est de nous assurer que cet échéancier est coulé dans le béton», a-t-elle affirmé en ajoutant que les Albertains n’allaient pas tolérer quelque retard que ce soit.


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