Revenu Canada est aux trousses d’un roi de l’enfouissement

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Cette histoire sent l'évasion fiscale à plein nez


L’ancien magnat québécois des ordures Lucien Rémillard, qui dit avoir déménagé à la Barbade, est dans la mire de Revenu Canada. Le fisc vérifie son lieu de résidence et le relierait notamment au Québec, à une luxueuse propriété appartenant à son fils Maxime Rémillard, patron du Groupe V Média.    


Lucien Rémillard est un nom bien connu au Québec. Aujourd’hui âgé de 72 ans, il a fait fortune dans l’enfouissement.         


Il se considère depuis 2013 comme un contribuable barbadien, mais il est engagé dans un bras de fer avec le fisc canadien depuis au moins trois ans.          


On savait depuis des années que M. Rémillard était installé à la Barbade et y brassait des affaires, mais le fait qu’il est visé personnellement par une vérification des autorités fédérales est inédit.         


Revenu Canada s’est même adressé à l’Internal Revenue Service (IRS) des États-Unis et au Département fédéral des finances de la Confédération suisse pour obtenir des renseignements sur l’homme d’affaires aujourd’hui officiellement retraité, apprend-on dans une procédure déposée à la Cour fédérale en septembre 2019.         


Une société du nom de Galleria Investment, reliée à la banque privée suisse Pictet, intéresserait notamment Revenu Canada.         


Luxueux domaine  


M. Rémillard soutient être devenu depuis 2013 « un non-résident [canadien] pour les fins de la Loi de l’impôt sur le revenu », selon ses avocats.         


Irrité du fait que le fisc fédéral s’entêterait à le dépeindre comme un contribuable canadien, c’est lui-même qui a initié la procédure contre Revenu Canada, que nous avons consultée.         


« Les demandes étrangères [...] représentent le demandeur comme étant un résident canadien et qu’il demeure [...] à Saint-Mathieu-de-Beloeil, au Québec, écrivent les avocats de M. Rémillard. Ces deux informations sont erronées. »         


Le luxueux domaine de Saint-Mathieu-de-Beloeil, sur la Rive-Sud, auquel fait référence le fisc est à vendre pour 7,9 millions $. Il appartient actuellement à Maxime Rémillard, le fils de Lucien.         


Ironiquement, au moment où le fisc pourchasse son père, Maxime Rémillard est présentement en attente de l’approbation d’un autre bras du gouvernement, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), pour pouvoir vendre la chaîne V à Bell.         


Fisc trompeur ?  


Les avocats qui représentent le riche retraité demandent à la cour de déclarer que le fisc a effectué des « déclarations trompeuses » dans le cadre de ses vérifications, « agissant ainsi à l’encontre de son obligation de ne pas induire en erreur les autorités compétentes étrangères ».         


« Les demandes étrangères constituent une expédition de pêche prohibée », martèlent-ils.         


Lucien Rémillard réclame que soient « cassées » au plus vite les demandes du fisc fédéral à l’étranger.         


Qui est Lucien Rémillard ?  


Il a fait fortune dans la collecte des ordures au Québec         


A vendu RCI Environnement au géant américain Waste Management en 2013         


Ex-président du conseil d’administration de Remstar (propriétaire de V), mais à titre purement « honorifique » selon une déclaration de Maxime Rémillard en 2008         


Ex-propriétaire de l’Hôtel St-James à Montréal, un établissement jet-set qui a accueilli des vedettes internationales comme Madonna et Paris Hilton         


Il n’en est pas à ses premiers démêlés avec le fisc. En 2009, sa famille avait notamment dû payer 30 millions $ en impôts pour des transactions entre une de ses entreprises et une fiducie à la Barbade.                


Qui est Maxime Rémillard ?  




radiodiffuseurs privés

Photo Chantal Poirier





Un des deux fils de Lucien Rémillard         


Ancien conjoint de la comédienne Karine Vanasse         


Cofondateur de Remstar, qui est notamment propriétaire de Groupe V Média.         


En juillet 2019, il a annoncé son intention de vendre la chaîne généraliste V au géant canadien des télécommunications Bell.         


Le CRTC doit se prononcer sur cette transaction en février prochain.                


  


Des documents rendus secrets  


Les avocats de Lucien Rémillard se sont adressés d’urgence à un juge à Ottawa, il y a une dizaine de jours, pour empêcher notre Bureau d’enquête de publier le contenu des documents alors disponibles à la cour concernant leur client.  


Dans un courriel envoyé tôt le matin du 17 janvier, à 2 h 22, l’avocate Élisabeth Robichaud, du cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg, nous a écrit qu’il ne nous serait plus possible de rendre compte de certains documents qui étaient pourtant publics au moment où nous les avons obtenus.         


Des questions mystères  


« Veuillez trouver ci-joint une ordonnance rendue à l’instant par la Cour fédérale dans le dossier qui nous occupe. L’ordonnance prévoit que certains documents contenus au dossier de la Cour sont provisoirement considérés confidentiels et ne peuvent faire l’objet d’une publication », nous a-t-elle écrit en pleine nuit.         


La veille, notre Bureau d’enquête avait posé des questions à une relationniste du clan Rémillard, Isabelle Pelletier, au sujet de Maxime Rémillard, le fils de Lucien Rémillard, en lien avec ce dossier.         


L’ordonnance obtenue par les avocats nous empêche entre autres de révéler la teneur de ces questions.         


« Monsieur Rémillard est un homme d’affaires retraité et n’est plus résident du Canada. En tout temps, il a dûment acquitté tous ses impôts au Québec et au Canada. Tel qu’il appert de sa demande de contrôle judiciaire, celle-ci vise à faire valoir ses droits à l’égard de gestes posés par l’Agence du revenu du Canada. Puisqu’il s’agit d’une affaire judiciarisée devant la Cour fédérale, nous n’émettrons pas d’autres commentaires », nous a écrit Isabelle Pelletier.