Retour sur le 
		fiasco libéral 
		(de la bataille contre le 
		Système, épisode XI)
10/05/2016 Alors qu’il est pratiquement assuré 
		que le bulldozer Trump affrontera la va-t-en-guerre Killary dans une 
		présidentielle US au potentiel désormais explosif pour le Système, nous 
		avons décidé de laisser un peu l’actualité de côté pour revenir sur le fiasco 
		libéral qui a conduit notre contre-civilisation occidentale dans 
		l’impasse mortifère où elle est encagée désormais. Car où que porte le 
		regard, les signaux sont aux rouges. La guerre hégémonique pour les 
		dernières ressources fait rage, la planète et les espèces suffoquent 
		sous l’impératif de croissance éternelle et la démocratie n’est plus 
		qu’un vernis dans la plupart des pays de notre vertueux monde-libre. Le 
		modèle de société juridico-marchand du libéralisme, dans sa version 
		ultime néolibéale, représente ainsi un fiasco complet, presque un «fait 
		social total». Ne restent plus que les slogans furieux et la fuite en 
		avant, le syndrome Titanic donc, pour une capitainerie hallucinée 
		psalmodiant qu’il n’y pas d’alternative à la croissance et au progrès 
		éternels, à la production et à l’accumulation de masse en attendant, 
		enfin, le glorieux avènement d’une société mondiale unique, sans 
		frontières ni race ni culture ni identité, où un magma de bobos-nomades 
		flotteront dans la paix du Marché, tous défoncés à la même came 
		consumériste. Sauf qu’en réalité le meilleur des mondes est déjà parti 
		en sucette. Rien ne va plus. Alors comme toujours, on fonce tête baissée 
		en croisant les doigts et en serrant les dents, histoire sans doute de 
		forcer encore un peu le sourire avant le «grounding» final.
		
		Avertissement
		Nous ne nous étendrons pas dans ce billet sur la guerre à l’extérieur 
		que notre vertueux monde-libre conduit de toute sa puissance pour
		 accaparer les dernières 
		ressources et/ou incorporer ou écraser les derniers récalcitrants à son 
		indépassable modèle de société. Que l’on garde simplement à l’esprit 
		qu’en toile de fond du fiasco libéral qui produit aujourd’hui la «Guerre 
		de tous contre tous» dans son «sanctuaire», il existe le risque d’une 
		guerre de haute intensité entre le Bloc atlantiste et ses rivaux 
		asiatiques (1), éventuellement avec épilogue nucléaire 
		d’ailleurs. Pour l’hyper-classe dominante atlantiste, la guerre totale 
		fait toujours partie des options «sur la table» lorsque ses privilèges 
		se trouvent menacés. Du fait de ses moyens illimités, l’hyper-classe a 
		en effet la conviction profonde de pouvoir toujours survivre à tout, et 
		que seule l’insurrection populaire (et son éventuelle guillotine) 
		représente un réel danger pour elle. Et de deux maux...
		Dans ce billet, nous voulons donc surtout nous attacher à mieux cerner 
		les origines de cette contre-civilisation qui est la nôtre et qui 
		perpètre dans un même élan presque joyeux l’abolition de l’homme (2)
		et le meurtre de la nature. Une contre-civilisation dont le 
		libéralisme et son dévissage vers sa version néolibérale fournissent 
		sans conteste l’essentiel du fondement idéologique.
		Pour le titre de ce billet, nous avons un peu détourné celui d’un 
		ouvrage de Jean-Claude Michéa: «La double pensée, retour sur la 
		question libérale», bouquin que nous avons bien sûr pillé au 
		passage pour enrichir notre propos.
Un Droit procédural pour les contenir 
		tous
Très schématiquement, il est communément admis 
		que le libéralisme est né de l’effroi provoqué par les guerres civiles 
		idéologiques qui ont dévasté les XVIème et XVIIème siècles. 
		L’idée était d’éviter la réédition de ces guerres par l’instauration 
		d’un pouvoir absolument neutre, qui ne repose sur aucune religion, 
		morale ou philosophie, afin d’assurer froidement à chacun protection et 
		liberté individuelle. Le libéralisme politique est donc avant tout une 
		idéologie du désespoir en ce sens qu’elle fait le constat que l’homme 
		n’est pas l’animal politique d’Aristote, mais seulement «un loup pour 
		l’homme», incapable du «vivre ensemble», et qu’il faut donc se contenter 
		d’en gérer les féroces appétits dans une approche purement mécanique.
		Pour gérer ces libertés individuelles soudain en concurrence darwinienne 
		les unes avec les autres, le libéralisme s’est alors reposé tout entier 
		sur un Droit purement procédural. Un droit sans référence ni religieuse 
		ni morale ni philosophique donc, sorte de code de la route uniquement 
		destinés à éviter les collisions entre les libertés à géométrie variable 
		des usagers.
		
		La fabrication d’un «peuple de démons»
		Sauf qu’un système ou le pouvoir se veut détaché de toute religion, 
		morale ou philosophie impose de fait un «relativisme moral et culturel» 
		total qui incite les individus à grignoter des espaces de libertés de 
		plus en plus larges, avec des prétentions de plus en plus subtiles ou 
		extravagantes, voire déviantes.
		Ne reposant que sur un vide de substance sidéral, le Droit libéral ne 
		peut en effet que naviguer à vue et légiférer «à la carte».
		Il le fait soit en fonction du degré d’agitation sociale ou des 
		exigences supposées de l’opinion publique (toutes deux se résumant 
		souvent à la surface médiatique que réussissent à occuper des lobbies au 
		service d’intérêts particuliers), soit en fonction des desseins du 
		pouvoir à un moment donné, les deux options étant souvent amenées à se 
		confondre et à se conjuguer.
		D’où l’érosion permanente de la «civilité commune» et la multiplication 
		exponentielle des micros-conflits qui agitent nos sociétés désormais 
		habitées par des «peuples de démons» encagés dans une Guerre de tous 
		contre tous appelée à s’étendre indéfiniment.
		En imposant par la violence légale des revendications idéologiques 
		souvent minoritaires mais bruyantes à une majorité par nature 
		silencieuse, le Droit libéral s’évertue aussi non seulement à diviser le 
		tissu social à l’infini, mais à y injecter des frustrations et des 
		rancœurs condamnées à la fermentation.
		Accessoirement, un Droit libéral dès lors sans cesse contraint de 
		s’adapter et de se contredire en fonction des rapports de force qui 
		agitent la société finit nécessairement par se relativiser lui-même.
		Car puisque ce qui était interdit hier (avortement, pornographie 
		dure, drogue douce, mariage gay, «street art», eugénisme, sans 
		papiers...) est autorisé ou au moins toléré aujourd’hui, les 
		usagers sont fondés à penser que ce qui est interdit aujourd’hui a de 
		bonnes chances d’être autorisé demain.
		Dans le domaine sociétal, ne pas respecter le droit aujourd’hui, 
		n’est-ce pas simplement être en avance sur son temps ?
Un Marché pour les gaver tous
Une telle société qui rejette par essence toute 
		référence morale, religieuse ou philosophique ne peut évidemment rien 
		incarner qui puisse «rassembler». Or il est d’autant plus important 
		d’avoir une référence commune que cette société est littéralement 
		atomisée par l’action du Droit «de tous sur tout».
		Pour combler ce vide abyssal, le seul dénominateur commun admissible 
		pour les libéraux ne pouvait donc être que l’intérêt particulier, 
		pendant quantitatif de la liberté individuelle. 
		Les élites et le clergé médiatique de la société libérale ont donc 
		immédiatement voué un culte véritablement religieux à l’Economie et à 
		ses deux mamelles nourricières: la science et le progrès.
		Très rapidement, le Marché est donc devenu ce Deus ex machina, ce 
		nouveau Dieu laïc, supposé neutre, dont la fameuse main invisible allait 
		pouvoir «les» gaver tous, les rassembler tous dans la grande orgie 
		consumériste, et donc susciter l’adoration. 
		Face à l’atomisation de la société, le Marché représente en effet 
		«la seule base de repli philosophique dont dispose le libéralisme 
		politique et culturel». 
		
		Briser les résistances naturelles
		Mais imposer puis maintenir sur le trône un nouveau Dieu n’est pas une 
		sinécure. Il faut d’abord s’assurer qu’il soit reconnu comme tel par les 
		individus qui doivent pour commencer accepter son message, d’où la 
		nécessité d’abord de les convertir à la nouvelle religion en les 
		réduisant en l’espèce à de dociles consommateurs. 
		C’est là que surgit un premier écueil pour le libéralisme devenu Système 
		néolibéral: car il est clair qu’il existe chez l’homme et dans les 
		peuples une inclination naturelle pour un ensemble de «valeurs» 
		partagées qui contredisent le principe fondateur du libéralisme, à 
		savoir que l’homme n’est qu’un loup pour l’homme. Comme par exemple 
		«un minimum de dispositions psychologiques et culturelles à la 
		confiance, la générosité, le sens du bien commun. Autant de «gisements 
		culturels» que le monde juridico-marchand du libéralisme se doit 
		d’assécher», puisqu’ils invalident son principe fondateur.
		Dans un rapport officiel produit sous Sarkozy on pouvait ainsi lire que
		«l’un des principaux freins à la croissance capitaliste est la 
		répugnance morale persistante des gens ordinaires envers l’économie de 
		marché et son moteur, le profit» (3).
		Dans le même genre de perles froidement produites par les «experts» 
		assermentés du Système, un rapport émanant cette fois de l’Ambassade 
		américaine en Birmanie soulignait quant à lui que «les difficultés 
		rencontrées par les entreprises américaines pour s’implanter en 
		profondeur dans ce pays tenait au fait que la recherche du profit 
		individuel et le désir de s’enrichir occupaient encore une place trop 
		marginale dans la société traditionnelle birmane» (4).
		L’avènement d’un monde n’ayant rien d’autre à offrir que la Guerre de 
		tous contre tous et l’addiction à la came consumériste nécessite donc, 
		on le voit, un gros travail de formatage en profondeur des individus et 
		des sociétés.
		La deuxième contrainte qui s’impose au libéralisme pour maintenir son 
		dieu-Marché sur le trône est de s’assurer qu’il puisse être 
		éternellement en mesure «de les gaver tous», de combler tous «leurs» 
		désirs, d’où l’impératif de croissance éternelle et le culte de la 
		science et du progrès. 
		Sans nous appesantir sur la stupidité intrinsèque du concept de 
		croissance éternelle du fait de son impossibilité pratique (et même 
		théorique d’ailleurs), relevons avec Jean-Claude Michéa le fait que cet 
		impératif de croissance «ne peux trouver ses bases que dans une 
		culture de la consommation généralisée, c’est-à-dire dans cet imaginaire 
		permissif, fashion et rebelle dont l’apologie permanente est devenue la 
		raison d’être de la nouvelle gauche». «Une économie libérale 
		[de droite donc] ne peut dès lors fonctionner, dit-il, que 
		«grâce à une culture de gauche».
Une propagande pour les enfumer tous
D’où la nécessité de cette immense œuvre 
		d’ingénierie sociale, de déstructuration des sociétés et d’abolition de 
		l’homme en cours aujourd’hui. C’est-à-dire cette fameuse «révolution 
		culturelle permanente» dont le but est «d’éradiquer tous les 
		obstacles historiques et philosophiques à l’accumulation du Capital»
		(Marx parlait aussi de l’obligation pour une société libérale 
		«de révolutionner constamment l’ensemble des rapports sociaux. 
		(...) Le but final n’est rien, le mouvement est tout.»).
		Aujourd’hui, le grand chantier de cette déconstruction sociale est la 
		chasse gardée de cette nouvelle gauche libérale dont le goût pour la 
		transgression est devenu quasi obsessionnel depuis Mai 68. L’objectif 
		est de faire éclater tous les cadres de référence, toutes les 
		frontières physiques (5) ou morales, de faire reculer 
		tous les tabous, d’invertir tous les dégoûts, pour libérer tous les 
		instincts et paver la voie au droit de tous sur tout, pour encourager 
		chez tous le désir de tous les désirs, que le Dieu-Marché sera là pour 
		assouvir. 
		L’immense Machine à enfumer du Système (qui regroupe l’industrie de 
		«l’information» désormais domestiquée, mais aussi celles du 
		divertissement et de la pub) entre alors en action pour relayer le 
		message dans les «cerveaux disponibles» avec des moyens d’ailleurs 
		quasi-illimités (cette Machine à enfumer représente le deuxième 
		poste mondial de dépenses après... l’armement).
		Un français de plus de 4 ans passe ainsi, par exemple, en moyenne 
		3,36 heures devant sa télévision chaque jour. C'est-à-dire qu’en un an, 
		il reste assis à fixer une petite boîte diffusant les messages du 
		Système durant…. 54 jours par an sans discontinuer. 
		Ce formatage cible bien sûr avec une attention et une violence toute 
		particulière les enfants et les plus jeunes dont il s’agit de cultiver 
		dès le berceau le désir, le droit et même l’obligation de consommer. La 
		multiplication des chaînes de télévision abrutissantes à destination des 
		enfants (et même des bébés désormais (6)) est 
		là pour l’attester.
		Car ça marche. La puissance de l’image sur le cerveau n’est plus à 
		démontrer et le formatage des enfants de la télé est une réalité 
		mesurable. On sait par exemple que dans les pays occidentaux comme le 
		relève Jean-Claude Michéa, «plus du 70% des achats opérés par les 
		ménages se font sous la pression morale et psychologique de leurs 
		propres enfants».
		
		Mai 68 au service du Capital
		A ce stade, un court détour par Mai 68 s’impose pour le cas français. 
		Car on ne dira jamais assez que c’est à cette occasion qu’en braquant 
		les projecteurs médiatiques sur la mouvance de Cohn-Bendit et de son 
		joyeux combat pour la libération des mœurs et contre les 
		discriminations, le libéralisme a réussi le tour de force de liquider en 
		quelques années la révolte anticapitaliste des origines.
		«Vivre sans temps mort et jouir sans entrave» ou «Il est 
		interdit d’interdire» ont été et restent les slogans les plus 
		conformes à la logique libérale du monde marchand globalisé.
		En ce sens, et c’est Cohn-Bendit qui le dit lui-même dans une 
		conversation avec Philippe De Villiers, Mai 68 aura avant tout été «une 
		révolution bourgeoise»... et libérale. Ses hérauts ont d’ailleurs été 
		grassement remerciés par le système qui leur a offert pratiquement à 
		tous de lucratives carrières dans ses moelleuses entrailles.
		A partir de ce moment-là, le prolétaire est rapidement devenu une figure 
		risible, et le combat contre le capitalisme d’un ringard absolu.
		N’a progressivement plus compté que la libération des mœurs, de la 
		femme, de l’immigré, puis du sans-papiers, puis des gays, des bi, des 
		lesbiennes et enfin des «trans», et bien sûr du consommateur. 
		En France, la création merveilleusement cynique de SOS racisme par le 
		machiavélique Mitterrand aura ensuite achevé de boucler la boucle en 
		faisant des «antifas» les crétins les plus utiles du système, les 
		gardiens zélés de l’alternance éternelle entre les deux mamelles 
		libérales du Parti unique. 
		Dès lors que le combat social était réduit à une accumulation de 
		micros-conflits sociétaux, le libéralisme pouvait savourer un triomphe 
		absolu de près d’un demi-siècle, essentiellement au profit d’une 
		hyper-classe de prédateurs apatrides accaparant la presque totalité des 
		richesses mondiales.
La décadence, pour les égarer tous
Pour soutenir cette révolution culturelle 
		permanente, il faut toutefois sans cesse offrir du nouveau, de nouvelles 
		libertés qui puissent engendrer de nouveaux désirs, et entretenir ainsi 
		l’illusion d’un monde qui avance, qui «progresse».
		Sous la poussée des modes et des tendances les plus extrêmes 
		soigneusement cultivées par l’intelligentsia libérale (de la rive gauche 
		donc), le droit procédural est ainsi pris en otage, ne pouvant refuser à 
		l’un l’équivalent de ce qu’il a accordé à l’autre. 
		Ainsi, il est clair par exemple que le fameux «Mariage pour tous» 
		(dont les opposants ont immédiatement été réduits à une horde 
		d’homophobes décérébrés) débouchera inévitablement sur la 
		banalisation de la non moins fameuse «Gestation par autrui», 
		c’est-à-dire à terme sur celle de la location généralisée du ventre des 
		femmes les plus pauvres. Sur la base de quelle référence morale en effet 
		le droit libéral va-t-il longtemps pouvoir interdire aux couples 
		homosexuels d’avoir leurs propres enfants? Au nom de quoi, de quelle 
		morale, interdirait-il ensuite ce même droit aux célibataires, voire aux 
		couples aisés dont Madame souhaiterait éviter les vergetures?
		Sous couvert de «progrès social», le dieu-Marché est ainsi en passe 
		d’étendre son emprise jusqu’à la matrice des femmes désormais.
		Déjà, le tabou des tabous, l’inceste, a été levé en Angleterre où une 
		maman vient d’accoucher de l’enfant de son fils homosexuel. Enfant qui 
		est donc son fils et son petit-fils en même temps, et qui est tout à la 
		fois le fils et le frère de son géniteur (7). Tout cela 
		sous les acclamations exaltées de notre progressisme néolibéral.
		On ne peut que le constater, il n’y a techniquement aucune limite à ces 
		dérives. Et à cet égard, l’activisme des lobbies nous promet encore à 
		n’en pas douter de merveilleux et fédérateurs progrès sociaux (8).
		Une certaine tolérance pourrait même voir le jour s’agissant de la 
		pédophilie. Il suffirait en effet qu’une association de jeunes filles ou 
		garçon de 12 ans, soutenue par un puissant lobby présidé, au hasard, par 
		un ex-ministre de la culture française, revendique le droit à des 
		rapports du fait d’une maturité sexuelle d’une précocité admirable 
		(par la grâce conjuguée de l’éducation télévisuelle et des perturbateurs 
		endocriniens de notre chère industrie agro-alimentaire), et l’on 
		est presque tenté de dire que le tour serait joué.
		On nous rétorquera que c’est pousser le bouchon un peu loin. Soit. Mais 
		souvenons-nous que dans les années 1970, des journaux comme Le Monde et 
		Libération faisaient l’apologie de la pédophilie (9).
		Question de tendance donc, d’époque et de courants de pensée auxquels le 
		Droit libéral, amoral par nature, n’a d’autres choix que de se plier.
		Pour mesurer en quelle haute estime ce Système tient le Sacré, on 
		signalera enfin le récent cas de l’Eglise du «spaghetti volant» qui a 
		été très officiellement autorisée à célébrer des mariages désormais 
		légaux en Nouvelle-Zélande (10).
De moins en moins de came pour tous
Dans cet environnement taillé sur mesure, le 
		dieu-Marché a donc pu grandir, se développer et même se déchaîner 
		jusqu’à s’émanciper, dictant désormais sa loi à tous, y compris à ses 
		créateurs.
		Sous son règne, la science enfin libérée de tous principes éthique ou de 
		précaution s’est mise au service de l’industrie pour triturer jusqu’aux 
		replis les plus intimes de la vie afin de la commercialiser, imposant la 
		multiplication des pollutions sous couvert de progrès, des ondes WIFI 
		aux OGM en passant par les nanotechnologies (11).
		Sous ses commandements, le meurtre du vivant s’est organisé à l’échelle 
		industrielle. La terre étouffe aujourd’hui sous les déchets, les cancers 
		environnementaux explosent, la fécondité humaine s’étiole 
		dangereusement, les espèces disparaissent et les animaux «utiles» 
		crèvent dans un univers carcéral industriel d’épouvante. Quant aux 
		océans, ils agonisent sous le poids d’une libre-circulation des 
		marchandises qui entraîne le déversement quotidien de 5000 tonnes de 
		produits chimiques dans ses eaux par les navires marchands.
		Mais ces dommages collatéraux ne sont bien évidemment rien pour le 
		dieu-Marché, car la production et l’accumulation de masse sont tout.
		Le seul vrai problème qui se pose à lui aujourd’hui vient du fait que la 
		croissance éternelle censée fournir la came nécessaire à son adoration 
		commence à faire défaut.
		Or la diminution de la came à partager pose un problème réellement 
		existentiel aux sociétés libérales. Car si le mythe de la croissance 
		éternelle s’évanoui, c’est le dieu-Marché qui s’effondre, et donc le 
		chaos qui surgit puisqu’il ne restera dès lors qu’une guerre de tous 
		contre tous sans plus rien au Système pour rassembler derrière lui.
		
		Le chaos assuré donc, avec des peuples rendus irascibles par la cure de 
		sevrage imposée, et dont l’Hyper-classe libérale apatride aurait en 
		effet tout à craindre.
		Alors bien sûr, le clergé politico-médiatique libéral nous assure que le 
		progrès éternel nous conduira tôt ou tard à la troisième, quatrième, 
		millième révolution industrielle qui nous sauvera tous et relancera la 
		machine.
		Il faut avoir la foi. La croissance éternelle va renaître de ses cendres 
		et tout va continuer. 
		La came va revenir, meilleure qu’avant, c’est promis.
		
		Des vertus de la «précarité choisie» 
		Dans l’intervalle, les apôtres du dieu-Marché nous demandent toutefois 
		quelques ajustements, temporaires bien sûr, qu’ils nomment pudiquement 
		l’austérité.
		Fin avril dernier, lors d’un débat télévisuel tenu sur une chaîne 
		française à propos de la Loi sur le Travail, un politicien libéral 
		expliquait même sans sourciller le moins du monde combien la 
		«précarité voulue» à venir serait merveilleuse, par opposition à la
		«précarité subie». Car cette précarité voulue allait enfin 
		rendre les Français libres, libres de «s’épanouir dans deux ou trois 
		emplois» [mal payés] au lieu de s’ennuyer avec un seul job [bien 
		payé]. Il fallait oser.
		Autre méthode de sevrage : la vertueuse importation de millions 
		d’immigrés permettant d’abord de fournir des travailleurs bon-marché aux 
		industries, puis de faire baisser les salaires de tous (sevrage 
		donc), et enfin de payer les retraites d’une Europe quasiment 
		stérilisée par des décennies d’abus de came consumériste.
		Sans compter que ce «grand remplacement» des populations (12) 
		a l’avantage d’être le plus court chemin vers cette Société mondiale de 
		bobos-consommateurs «hypes» et «smarts» dont rêve le Marché, et qui 
		passe évidemment par la destruction de toutes les frontières, races, 
		cultures et identités honnies. 
		L’avenir à la sauce libérale semble donc tout tracé en attendant le 
		prochain arrivage de came: aimer sa servitude dans la pauvreté et la 
		monoculture «world» globalisées, tout en cherchant éventuellement un 
		sens à sa vie en fréquentant l’«Eglise du spaghetti volant», et en 
		allant se cultiver devant un «plug anal» géant Place Vendôme, ou le 
		«vagin de la reine» à Versailles (13).
		Nous sommes libres, totalement libres.
Le totalitarisme ou la guerre pour 
		tous ?
Dans les démocraties libérales, soulignait Guy 
		Debord, «les droits dont nous disposons sont essentiellement des 
		droits de spectateurs». C’est-à-dire, précise Jean-Claude Michéa, 
		des droits «qui nous laissent libres de critiquer le film qu’a 
		décidé de nous projeter le Système, mais en aucun cas d’en modifier le 
		scénario».
		L’exemple du Traité constitutionnel européen, rejeté par référendum en 
		2005 par la France et les Pays-Bas, puis ratifié par voie parlementaire 
		par ces deux pays sous l’appellation de Traité de Lisbonne, suffit à 
		démontrer qu’en effet le Système ne tolère pas que le peuple s’immisce 
		dans ses choix fondamentaux. 
		Il n’en reste pas moins qu’en période de vaches grasses vous avez, 
		contrairement aux dictatures pures et dures, la liberté de ne pas aimer 
		le goût de l’eau dans laquelle on vous noie et de le dire.
		Oui mais voilà. En période de vaches maigres, la donne change. 
		Et que se passera-t-il si la came consumériste vient à manquer 
		massivement et durablement, ce qui est aujourd’hui le scénario le plus 
		probable. 
		S’il est évident qu’un certain degré de libertés individuelles est 
		nécessaire à toutes sociétés libérales, la possibilité d’une dérive vers 
		le totalitarisme, voire la dictature, doit être envisagée en cas de 
		pénurie.
		Surtout que la très opportune guerre contre le terrorisme de ces 
		15 dernières années a permis à toutes les armées de notre merveilleux 
		monde libre de se doter de moyens très performants en matière de 
		surveillance globale et de contre-insurrection (le modèle 
		indépassable en la matière restant Israël, qui a prouvé qu’avec les 
		technologies modernes de répression, un petit groupe pouvait très bien 
		prospérer dans un océan d’hostilité et de pauvreté en jouant sur les 
		seuls curseurs des atrocités et des privations (14)).
		Comme le rappelle Jean-Claude Michéa, le pape du libéralisme moderne 
		Hayek himself, en se fondant sur l’expérience du Chili, «avait fini 
		par défendre la légitimité philosophique d’une dictature provisoire 
		libérale destinée dans certaines circonstances bien précises à 
		remettre sur les rails une économie capitaliste menacée par des 
		insurrections populaires».
		En cas de pénurie durable de came, les sociétés libérales n’hésiteront 
		donc pas une seconde à basculer dans le totalitarisme et la répression 
		pour pouvoir «perdurer dans leur être».
		
		Premières crispations totalitaires
		L’actualité récente montre d’ailleurs qu’il nous faut déjà relativiser 
		la réalité de cette liberté de spectateur dont parlait Debord.
		Car au fur et à mesure que la panique grandit face à la pénurie de came, 
		le Système néolibéral se crispe et exige non seulement que vous adhériez 
		à ses choix et à ses dérives, mais que vous souteniez sa narrative. Il 
		devient alors de plus en plus difficile d’exercer ce droit de spectateur 
		et de critiquer le film. Car désormais, vous devez «penser» comme le 
		Système et on observe une élévation spectaculaire du niveau 
		d’intolérance du clergé-Système depuis quelques années. 
		Interdiction de spectacles ou de livres se multiplient et les 
		accusations de racisme, d’homophobie, de complotisme et autres 
		extrémismes divers sont là pour interdire désormais tout débat de fond, 
		pour frapper ceux qui rejettent le catéchisme officiel, ceux qui ne 
		«pensent» pas comme il faut, comme ils doivent, et qu’il faut donc 
		«repérer et traiter» (15).
		Enfin, si la répression et la police de la pensée ne suffisent plus à 
		«dociliser» les peuples en cure de sevrage, la guerre globale de haute 
		intensité restera toujours l’une des options sur la table pour un 
		dieu-Marché aux abois.
Du bon usage du déclin
Certes, il est indéniable que le capitalisme et 
		sa version libérale ont permis l’émergence d’un certain nombre de 
		libertés et de progrès remarquables avant de se fracasser au fond de 
		leurs impasses.
		L’abondance de matière et de richesse a, durant une période de quelques 
		décennies, notamment durant les Trente Glorieuses, assuré l’élévation 
		spectaculaire du niveau de vie d’un nombre toutefois réduit de personnes 
		dans un nombre encore plus réduit de pays. 
		Mais il ne faut jamais oublier deux choses.
		Premièrement: sous la poussée du nihilisme néolibéral, l’orgie 
		consumériste occidentale s’est très bien accommodée du fait que la 
		moitié de la planète crevait de faim en parallèle, et que des pays 
		entiers étaient livrés à la guerre civile et aux massacres de masse pour 
		permettre l’abondance de la came justement. 
		Deuxièmement: le modèle consumériste occidental a broyé la presque 
		totalité de l’écosystème mondial et a accumulé une dette financière et 
		écologique qui pèsera pour des siècles sur les épaules des générations à 
		venir. Nous sommes ainsi les premières générations dont l’organisation 
		sociale les aura poussés à voler leurs propres enfants, à considérer 
		leur avenir et leur santé avec la plus invraisemblable désinvolture.
		
		A ce prix-là, il ne manquerait plus que l’orgie ait été décevante.
		
		La fête est finie 
		Sauf que la fête est finie.
		Notre démocratie néolibérale est aujourd’hui encagée dans deux impasses.
		La première est que du fait de ses dérives transgressives sans fin et de 
		sa guerre de tous contre tous, le néolibéralisme politique et culturel 
		rend la cohabitation de plus en plus impossible dans une société 
		littéralement atomisée et livrée à la seule concurrence des intérêts 
		particuliers de chacun.
		La deuxième impasse est que le règne du dieu-Marché ne peut tout 
		simplement pas survivre à un défaut de croissance éternelle. 
		
		Des cerveaux de moins en moins «disponibles»
		Enfin, un problème nouveau se pose au Système néolibéral. Un problème 
		qui concentre et autorise toutes les espérances. Car fort heureusement, 
		le modèle nihiliste du néolibéralisme n’est pas parvenu à assécher 
		totalement les «gisements culturels», à abolir l’homme, ce qui montre 
		que l’humanité n’a pas encore jeté l’éponge.
		Tous les mouvements dissidents, alternatifs ou antisystèmes qui se 
		développent massivement aujourd’hui démontrent même que cette humanité 
		arrive à saturation devant le vide glacé et l’absence totale de sens 
		qu’impose aujourd’hui aux peuples les sociétés néolibérales. Dans la 
		plupart des nations occidentales, les populations sont écœurées par la 
		farce d’une démocratie d’opérette qui suinte l’indécence de tous ses 
		pores. 
		L’effarante tentative d’ingénierie sociale globalisée pour abolir 
		l’homme, le faire régresser, lui arracher sa dignité, sa spiritualité et 
		pour finir son humanité afin de le reconfigurer selon les besoins du 
		Marché est un cuisant échec.
		Alors les néolibéraux peuvent bien rêver de transhumanisme et 
		de singularité,  de 
		googeliser le monde et les hommes, les «cerveaux disponibles» pour le 
		grand formatage le sont de moins en moins.
		L’homme résiste, petitement, maladroitement, malgré le poids écrasant de 
		la Machine, ou peut-être même à cause de ce poids.
		L’humanité s’ébroue.
		Elle est prête à se réveiller de sa narcose et à revendiquer son droit à 
		la vie. 
		Il y a toujours une alternative au suicide.
Épilogue
Après ce détour un peu bavard sur le fiasco 
		libéral, nous revenons sans transition dans l’actu, le Big Now, ou se 
		construisent déjà des échéances spectaculaires pour le Système 
		néolibéral à la sauce atlantiste. 
		En novembre prochain, ce sera donc le grand affrontement entre le 
		bulldozer Trump (s’il n’est pas assassiné avant) et Killary 
		(la va-t-en-guerre de Wall Street).
		Et quel que soit le résultat, il y a fort à parier que l’Amérique à 
		venir sera encore un peu plus ingérable, un peu plus paralysée, un peu 
		plus impuissante qu’aujourd’hui, avec même des risques de guerre civile 
		et de dislocation selon les options choisies par l’establishment pour 
		conserver le contrôle du processus. 
		Or nous devons avouer que ce chaos washingtonien en gestation nous 
		réjouis au plus haut point. 
		La présidentielle US telle qu’elle se profile représente en effet un 
		évènement hautement explosif pour la cohésion de l’Empire. Le petit 
		Obama a beau réaffirmer sans cesse la puissance supposée des Etats-Unis 
		et son exceptionnalisme, ses mots apparaissent tragiquement déconnectés 
		de toute réalité et relève du fantasme monomaniaque (16). 
		En réalité, l’Amérique du Nord est en train de s’effondrer sur elle-même 
		au terme d’une histoire aussi courte que vulgaire.
		Or nous l’avons toujours pensé, la chute des USA en tant qu’axe central 
		autour duquel gravite toute la machinerie du Système néolibéral actuel 
		sera le détonateur d’une implosion généralisée du Système avec, dès 
		lors, la possibilité d’un changement réel de paradigme.
		
		L’occasion, enfin, de nous ressaisir
		L’occasion rare pour les peuples de reprendre leur destin en mains, de 
		tirer la chasse sur le néolibéralisme et sa globalisation mercantile 
		mortifère, d’en finir une fois pour toute avec ce Système lugubre qui 
		n’est en rien réformable et dont il convient de tout rejeter en bloc, 
		absolument tout, pour ne plus sentir sur notre nuque le souffle de la 
		bête, et pouvoir enfin œuvrer à l’édification d’une société totalement 
		nouvelle, libre, égalitaire et décente.
		Les idéologues du Système, son clergé de «Surmorts», objecteront bien 
		sûr en ricanant qu’il ne s’agit là que d’utopie, de rêverie, car leur 
		ruse la plus pernicieuse est bien de faire croire qu’il n’y a pas 
		d’alternative (le fameux TINA : There is no alternative) au 
		modèle consumériste actuel. C’est l’un de leurs mensonges fondateurs.
		Mais en réalité, la soumission au dieu-Marché du néolibéralisme 
		globalisé, à sa démocratie représentative faussaire et à son hystérie marchande et technologique qui conduit à 
		l’effacement de notre humanité, ne sont pas une fatalité. 
		D'autres
		modèles de sociétés alternatifs existent, fondés sur la 
		collaboration, la sobriété heureuse, la gratuité, l’échange, le partage, 
		l’entraide, la bienveillance, le bien commun, le «donner, recevoir et 
		rendre».
		Le changement est nécessaire mais aussi possible, et l’Histoire va 
		peut-être nous fournir bientôt, enfin, une occasion de nous ressaisir.
		Mis en ligne par 
		entrefilets.com le 10 mai 2016
2
		
		Contre l’abolition de l’homme
3
		Conversation avec 
		Jean-Claude Michéa
4 «La double pensée, retour sur la question 
		libérale», Jean-Claude Michéa
5 Regis Debray : «La frontière n’est pas du tout la 
		fermeture angoissante. La frontière est une marque de modestie. Je ne 
		suis pas partout chez moi. Il y a une ligne au-delà de laquelle il y a 
		d’autres personnes que je reconnais comme autres.»
6
		
		BabyFirst, une chaîne de télé pour les moins de 3 ans
7
		
		Royaume-Uni : une mère donne naissance à l'enfant de son fils
8
		
		Vers une reconnaissance de l’identité de genre
10
		
		L’Eglise du « spaghetti volant » célèbre son premier mariage légal en 
		Nouvelle-Zélande
11
		
		L’épandage sans contrôle des nanotechnologies : prochain scandale 
		sanitaire ?
13 En référence à deux expositions d’artistes 
		contemporains qui avaient là encore heurté le bon sens de gens 
		ordinaires immédiatement taxés de dangereux extrémistes réactionnaires 
		par le clergé médiatique libéral
14
		L’«infestation», 
		ou la guerre du Système contre les citoyens
15  «Tous 
		Américains», «Tous Charlie», tous en guerre !
16
		
		Obama sans filtre sur la domination américaine
									
									
						
						
	   
	












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