Quelques réflexions sur le débat et ses suites

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« Sans la quête de l'indépendance, notre vie politique semble condamnée à dépérir. »

Un débat ne vient jamais seul. Il s’accompagne toujours d’un débat sur le débat. Les deux comptent presque autant. Et ce qu’on peut dire, c’est que Jean-François Lisée a remporté le débat et le débat sur le débat. Qu’on me comprenne bien. Je ne parle pas d’un triomphe. Mais sa maîtrise des dossiers et son aisance rhétorique étaient telles qu’elles ont dominé le débat sur le débat, et pas seulement dans les cercles souverainistes, naturellement occupés à célébrer leur leader. On se rappelait une chose simple: Lisée est à la hauteur du poste qu’il convoite. Il faut dire que c’était le pari de Lisée depuis longtemps: faire du débat le tournant de la campagne pour relancer le PQ. On a de bonnes raisons de croire qu’il y est parvenu, pour peu qu’on garde en tête que son véritable objectif, qu’il l’assume ou non, est moins la conquête du pouvoir que la survie du PQ. Si le 1er octobre au soir, le PQ obtient 15 députés et que ses militants rassemblés n’exultent pas, c’est qu’ils n’auront pas compris le sens de ces élections.


Cela dit, on pourrait distribuer des bons points à d’autres candidats. François Legault a tenu tête à Philippe Couillard sur la question de l’immigration, même s’il s’est emmêlé dans ses propositions, qui sont souvent intenables. Il n’en demeure pas moins qu’il a tenu sur l’essentiel: il n’a pas fait pénitence et a osé dire au nom des Québécois à Philippe Couillard qu’il n’en pouvait plus de sa manie de donner des leçons de tolérance et de multiculturalisme. Il ne devra pas hésiter à lui redire. Manon Massé, quant à elle, n’était pas à la hauteur de l’exercice, ce qui ne l’a pas empêché de prendre clairement position sur certains enjeux lui permettant d’affronter l’ensemble de la classe politique, un rôle qui convient naturellement à QS. On parle de sa candeur: elle n’est pas fausse. Ses indignations ne sont pas feintes. Philippe Couillard, enfin, a au moins le mérite d’assumer ses convictions: nous sommes devant un fédéraliste pur et dur et un multiculturaliste radical, et il en est même fier. Il nous oblige à voir ce que veut dire une pleine adhésion du peuple québécois au Canada.


On pourrait aussi distribuer les critiques. Si Lisée a remporté la bataille, il s’est montré plus faible dans la partie du débat sur l’identité, où il devait briller. Legault, quant à lui, nous a montré la limite de son autonomisme en soutenant que Justin Trudeau serait presque obligé de céder à ses revendications lors des prochaines élections fédérales. On avait envie de demander: et s’il dit quand même non? Manon Massé semblait souvent larguée. Quant à Philippe Couillard, s’il s’était fait dire par ses conseillers qu’il aurait tout à gagner à se montrer moins arrogant et au moins minimalement sensible aux préoccupations identitaires des Québécois francophones, alors c’est raté. Critique finale, aux organisateurs, cette fois: il faudra un jour en finir avec la mise en scène artificielle des questions des «vrais citoyens» qui tendent à réduire la politique à une simple question: «que pouvez-vous faire pour moi? » Mais ce n’était pas surprenant: dans un Québec qui se provincialise à grande vitesse, la politique a de plus en plus l’air d’une querelle de village. Sans la quête de l'indépendance, notre vie politique semble condamnée à dépérir.