Quand la médiocrité frappe à la porte de certains journalistes…!

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Entre la propagande et les idées toutes faites


25 janvier 2013 11h27 · Mohamed Lotfi






« En principe, le journalisme met en scène une variété de points de vue sur un sujet en donnant la possibilité au lecteur-auditeur-téléspectateur de faire son propre point de vue. C’est cet équilibre de l’information qui manque cruellement au journalisme dominant. Mine de rien, le journaliste est devenu au service d’intérêts particuliers (financiers-idéologiques). Il jongle avec la concurrence, avec la convergence. Il n’informe plus, il vend. Il ne fait plus l’opinion. Il suscite la sensation. Je réclame une action humanitaire pour journalistes en déroute… ».


J’ai rédigé ces quelques lignes sur ma page Facebook suite à la publication d’une série d’articles de la Presse, signés Isabelle Hachey sur la prison de Bordeaux.


Ces articles nous révèlent que dans cet établissement carcéral, dont on a souligné le 100me anniversaire en novembre 2012, il y aurait « Des rats qui grouillent dans tous les coins. Une violence omniprésente. Des gangs de rue qui règnent en maîtres sur une aile vétuste et surpeuplée ».  D’après la réputée journaliste de la Presse, la prison de Bordeaux « semble plus que jamais au bord de l’explosion ».


Le mot « semble » indique que la journaliste n’est pas sûre, hors de tout doute, de ce qu’elle avance. Pourquoi l’écrire alors..?


http://www.lapresse.ca/actualites/201301/14/01-4611273-bordeaux-nest-pas-une-exception-selon-la-couronne.php


Dans le reportage vidéo qui accompagne la série d’articles, on entend le Père Jean (ex aumônier de Bordeaux pendant 38 ans) évoquer l’assassinat d’un jeune de 19 ans dans sa cellule.  Il parlait d’un évènement survenu en 1982.  Mais pour mousser la sensation du reportage, ce détail a été coupé au montage.  En l’apprenant, le Père Jean a été indigné d’être mal cité.  Apparemment, la journaliste n’ose pas retourner son appel.


Il se trouve que je suis aussi journaliste et je me rends à la prison de Bordeaux deux jours par semaine depuis 1989.  J’ai accès aux secteurs, aux gardiens et évidemment aux détenus.  Sachant la proximité que j’ai avec le milieu carcéral, la journaliste de La Presse m’a appelé avant la publication de ses articles pour connaître ma version des faits.


J’ai pris la peine de l’acheminer d’abord aux patrons de l’Établissement carcéral, tout en lui disant que Bordeaux n’est aucunement au bord de l’explosion puisque j’allais y lancer un grand projet cinématographique sur lequel je travaillais depuis des mois.  J’ai bien informé la journaliste que jamais je n’aurais pu réaliser ce projet, encore moins le lancer si Bordeaux était réellement au bord de l’explosion.  « Surpopulation relative? OUI, au bord de Explosion ? Non ».


Je pensais, naïvement, que je m’adressais à une journaliste, comme moi, qui considère toutes les informations utiles à son enquête.  Sans être obligée de me citer, comme je lui ai demandé, elle aurait pu quand-même en tenir compte.  « Sur la prison et les prisonniers, les journalistes arrivent toujours avec leur idée toute faîte » m’a dit un détenu (Un Souverain) suite à la parution des articles de la Presse.   Ils retiennent ce qui va dans le sens de leur idée toute faite.


Ces articles de la Presse illustrent l’ampleur de la médiocrité chez certains journalistes de médias dominants. Quand il s’agit de prison, il est très difficile, même pour des journalistes dits respectés, de s’affranchir du poids des préjugés.  Les clichés sur la prison sont aussi tenaces que le virus de l’hépatite C.


De la lecture de cette série d’articles de la Presse, le lecteur retient de cette prison qu’elle est « La Poubelle du Québec » où l’insalubrité, la vermine, les rats et la violence y règnent en maîtres.  Laisser-entendre cela, non seulement c’est une insulte envers le travail des gardiens, mais aussi envers les détenus pour qui la propreté est la règle numéro un, en dedans.  Le ménage est la discipline no 1.  Des gardiens sont affectés spécialement pour encadrer les détenus dans les travaux de ménage.


La journaliste s’est contentée de quelques images prises par je ne sais qui pour en faire la réalité absolue de tout l’Établissement.  J’ai déjà pratiqué le journalisme d’enquête.  Si j’étais à sa place, j’aurais pris la peine de les montrer d’abord aux autorités carcérales et demander d’aller sur place pour vérifier l’intégrité des sources.


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Le lancement de mon projet « La vie devant soi » le 17 janvier 2013 devrait être normalement la meilleure réplique aux articles de la Presse.  Une réplique naturelle puisque cela fait des mois que le projet est en branle.  Depuis des mois, j’organise des tournages avec l’autorisation des autorités, la collaboration du personnel et évidemment avec la participation des détenus :


http://voir.ca/mohammed-lotfi/2013/01/15/la-vie-devant-soi/  


Malgré le petit tapage médiatique autour de Bordeaux, l’évènement sur mon projet cinématographique a eu lieu comme prévu. Des médias ont été invités pour couvrir le lancement de « La vie devant soi ». Même La Presse a été invité, mais de ce journal, personne n’a répondu à mon appel!


Du Devoir, à mon invitation, la journaliste Caroline Montpetit, s’est présentée au lancement avec la photographe Annik Charboneau.  Huit jours plus tard, elle a publié un article qui se veut beaucoup plus nuancé sur la situation des prisons au Québec, mais elle non plus n’a pas échappé pas à quelques erreurs d’information.


Actualité oblige, la journaliste du Devoir qui devait faire un papier sur le lancement d’un projet culturel unique au monde, le cinéma au service de la réinsertion sociale des personnes incarcérées,  a préféré plutôt faire de ce lancement un décor de fond pour faire du millage, comme on dit, à partir de la série publiée par la Presse.


Autrement dit, elle a profité du lancement d’un projet pour avoir accès aux détenus. Résultat, elle  est passée, elle aussi à côté d’eux. À côté de l’essentiel.  C’est son droit.  C’est mon droit de le souligner.


« L’Essentiel c’est de regarder le ciel est de voir


que la terre est toujours ensoleillée.


L’Essentiel c’est de remercier le ciel est de voir


que la vie est toujours devant soi »


C’est sur ces paroles chantées en duo avec la chanteuse Marie Trezanini que le Souverain Ben, a ouvert le lancement du projet « La vie devant soi ». En présence des médias, les Souverains ont offert un spectacle d’ouverture (20mn) avec la collaboration des artistes, Mario Saint-Amant (comédien), Sofia Benyahia (écrivaine), Bruno Bouliane (cinéaste) et Georges Laraque (ex-joueur de hockey).


Étaient présents également à l’évènement: Madame Christine Saint-Pierre, députée de l’Acadie. Marc Lyrette Directeur général Adjoint des Services Correctionnels du Québec. François Landreville, directeur de l’EDM. Gaétan Vendette, directeur des Services professionnels de l’EDM, Isabelle Mailloux, directrice des services administratives à l’EDM et le Père Jean ex aumônier à l’EDM.  Sans oublier la participation de la comédienne Sylvie Moreau dans une des capsules présentées.


Le plus important à souligner de ce lancement c’est l’émotion de tous les invités (incluant les journalistes). Devant tant de beauté exprimée par les détenus dans leurs interventions musicales et dans les capsules vidéo, des yeux étaient mouillés.   On ne cachait pas son admiration devant la manière et le style hautement artistique avec lequel les Souverains ont pris la peine de faire valoir l’espoir en leur avenir.  Dans sa prise de parole, Christine Saint-Pierre, députée de l’Acadie et ex-Ministre de la Culture n’a pas caché sa grande émotion et son admiration devant tant de créations.  « Ça fait trois fois que je viens chez les Souverains, chaque fois, je suis bouleversée ».


À la fin de ce lancement, un hommage a été rendu par les Souverains à Pierre Couture, Directeur général adjoint des Services Correctionnels pour la région de Montréal jusqu’à tout récemment. Une chanson et des cadeaux ont été offerts à cet homme qui a dédié 36 ans de sa vie « au service des gens ».   Pierre Couture a grandement contribué à faire de l’ouverture des personnes incarcérées à la communauté plus qu’une démarche, une politique appuyée et soutenue par des programmes.


Tout cela s’est déroulé dans une prison qu’on prétend être au bord de l’explosion.  Je laisserai aux personnes présentes à ce lancement le soin d’en parler peut-être un jour, puisqu’une journaliste aussi respectée et chevronnée que Caroline Montpetit, a fait le choix de céder à des impératifs, normalement, indignes du Devoir.


Depuis 1989, ce n’est pas la première fois, qu’un journaliste passe à côté des hommes en dedans, ne les regardant qu’à travers le poids des clichés.  La journaliste du Devoir a jugé bon de souligner à la fin de son article le site-web des Souverains.  Ce n’était pas nécessaire Madame!


Finalement, en quoi ce petit tapage médiatique sur la prison de Bordeaux aura servis ? À faire travailler d’autres journalistes, qui, ne pouvaient espérer une meilleure rumeur pour vendre. C’est de l’encre qui aura fait couler de l’encre. Des journalistes qui font travailler d’autres journalistes.


De tous les médias, le seul qui a osé remettre en question les informations de la Presse sur Bordeaux, c’est Stéphane Gendron dans son émission de télé « Face-à-face ».  Cela n’a pas empêché un téléspectateur d’envoyer ce commentaire, « Des rats, ça vit avec des rats ».


Le journalisme n’obtiendra jamais ses lettres de noblesse en faisant de la prison une planète à part et des détenus des extra-terrestres.  Ce qui se passe en dedans est le résultat de ce qui se passe dehors.  c’est le fruit de nos choix de société.  Ce sont ces choix que les journalistes doivent questionner, sans complaisance.


Je conclue par une autre petite réflexion que j’avais rédigée sur ma page Facebook, aussitôt après avoir lu le premier article de la Presse :


« Il y a des journalistes et il y a des prédateurs et je suis gentil. J’aurais pu qualifier certains, de plus en plus nombreux hélas (même dans les journaux dits sérieux), de charognards, ceux qui profitent de l’impuissance des uns pour exercer leur puissance en toute impunité.  C’est Albert Londres qui doit se retourner dans sa tombe. Le métier de journalisme qu’il a réinventé, en portant sa plume dans la plaie, perd ses repères. Oui, il y a des jours ou il m’arrive d’avoir honte de dire que je suis journaliste ».


Site-web de « La vie devant soi »:


http://www.souverains.qc.ca/vie.html


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À souligner deux autres articles que je considère honnêtes:


« La prison fait son cinéma!« 


http://www.courrierahuntsic.com/Actualites/2013-01-25/article-3163925/La-prison-fait-son-cinema/1


« Bordeaux culturel ».


http://voir.ca/chroniques/solo-de-clavier/2013/01/23/bordeaux-culturel/?fb_action_ids=10200326055545199&fb_action_types=og.recommends&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=288381481237582



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