Quand la détestation devient politique

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Le vrai Philippe Couillard





«Je déteste ce gouvernement». Petite devinette : qui a prononcé ces paroles qui témoignent de la détestation pour un gouvernement tout entier?


Réponse : Philippe Couillard. Date : 5 mars 2014. Lieu : lancement de la campagne électorale en vue d’un scrutin du 7 avril suivant.


Le gouvernement «détesté» auquel il faisait référence était celui de Pauline Marois.


En point de presse, comme vous le voyez, le chef libéral, alors chef de l’opposition officielle, n’y allait pas de main morte.


Et M. Couillard d’ajouter même ceci : «Dehors ! Fini ! Terminé ce gouvernement qui détruit le Québec.» «Il faut débarrasser le Québec de ce gouvernement dangereux, toxique, incompétent. » «Ça va faire ! Je suis tanné de ça !» «Avez-vous remarqué que je parle avec mes tripes ? Les viscères, les tripes, c’est la même affaire, hein ? Et je parle de ça parce que j’en ai assez, moi.»


Or, arrivé au pouvoir, comme par magie, voici ce qu’il disait au contraire lors de son premier discours inaugural :


«Notre fondation est constituée de trois blocs : Un ton et un comportement marqués par le respect et l’écoute ; La transparence dans nos actions et notre utilisation des fonds publics ; L’intégrité de nos administrations publiques.»


Bref, c’est un peu comme s’il y avait deux Philippe Couillard.


D’un côté, il y a celui qui «déteste» son adversaire péquiste, qu’il tient par ailleurs responsable des pires maux, y compris l’intolérance envers les minorités.


De l’autre côté, il y a celui qui, lorsque le moment le commande, est tout à fait capable de s’élever au-dessus de la mêlée en appelant à un «ton» plus respectueux dans les débats publics.


Le problème, plusieurs l'auront noté, est que le ton «respectueux» ne dure jamais très longtemps.


Ces «deux» Philippe Couillard, on les a vus à nouveau à l’œuvre dans la foulée de l’attentat meurtrier au Centre culturel islamique de Québec.


Dans un premier temps, il a su trouver les mots justes et s’est fait particulièrement rassembleur. Un véritable chef d’État salué par ailleurs de toutes parts.


Puis, deux semaines à peine plus tard, le Philippe Couillard plus mesquin retournait déjà au poste.


Se servant de la volte-face du philosophe Charles Taylor sur le port de signes religieux pour les agents de l’État dont les fonctions sont coercitives, il en profitait pour attaquer à nouveau les partis d’opposition en les faisant passer pour de dangereux intolérants.


En d’autres termes, deux semaines après l’attentat, il fourbissait déjà ses armes en vue de la prochaine élection en 2018. Et il le faisait en diabolisant à nouveau ses adversaires.


D’où le café qui, ce matin, passait plutôt mal en lisant mes journaux.


***


Dans sa chronique du Devoir, mon collègue Michel David citait le livre «Rhapsodie québécoise» de l’auteur Akos Verboczy – un «enfant de la loi 101» arrivé au Québec dans les années 1980 à l’âge de 11 ans.


Permettez-moi de citer le passage-clé de la chronique. Lequel fait référence à un épisode peu glorieux de la carrière politique de Philippe Couillard.


Un épisode qui, par contre, confirme quel est le «vrai» Philippe Couillard entre celui qui «déteste» son adversaire et celui qui «appelle à un ton respectueux».


Ce qui, si cela s’avère encore et toujours dans la prochaine campagne électorale, promet un combat politique féroce, mais surtout peu édifiant, dès qu’il sera question d’«identité».


Vous me pardonnerez la longueur de l’extrait, mais pour bien comprendre ce qui s’est passé, il est nécessaire de bien citer le texte:


«Si le discours de M. Parizeau (le soir du référendum de 1995) a été un moment malheureux de l’histoire récente du Québec, Akos Verboczy en évoque un autre, qui a été moins publicisé, mais qui n’est pas à l’honneur du premier ministre Couillard.


En novembre 2013, Jean-Marc Fournier s’était attiré de nombreuses critiques pour avoir fait un rapprochement entre la charte de la laïcité du gouvernement Marois et le régime nazi, en évoquant les propos tenus par un rabbin montréalais à l’occasion d’une cérémonie commémorative du 75e anniversaire de la Nuit de cristal, le 9 novembre 1938, quand des milliers de commerces appartenant à des juifs et quelque 200 synagogues avaient été saccagés en Allemagne.
 
M. Verboczy assistait à cette cérémonie au Centre commémoratif de l’Holocauste, à Côte-des-Neiges, où il accompagnait la ministre péquiste de l’Immigration et des Communautés culturelles, Diane De Courcy, qui avait été accueillie avec une extrême froideur, alors que la délégation libérale, dont faisaient partie MM. Couillard et Fournier, avait eu droit à l’enthousiasme qu’on manifeste à une armée de libération.
 
Pour respecter la solennité du moment, on avait demandé à l’assistance de garder le silence durant la cérémonie. Le rabbin avait raconté l’histoire d’un homme tué à Berlin durant la Nuit de cristal, après avoir refusé d’enlever sa kippa devant les chemises brunes nazies. À l’instar de cet homme, le rabbin avait déclaré qu’entre les interdictions de la charte de la laïcité et la mort, il choisirait cette dernière.
 
«Philippe Couillard et consorts ont brisé le silence prescrit, se levant d’un bond pour applaudir ce choix qu’ils considéraient [comme] plein de bon sens. Ils savaient mieux que quiconque que la mort ne figurerait pas sur le bulletin de vote, contrairement à leurs noms», écrit M. Verboczy.


Il aurait sans doute été délicat d’interrompre le rabbin au beau milieu de son discours. De là à se lever pour applaudir, il y a toutefois une limite qu’un aspirant au poste de premier ministre du Québec n’aurait pas dû franchir.


Il est vrai que la charte du gouvernement Marois ratissait inutilement large, mais la comparaison avec le régime nazi était si grossièrement injuste qu’elle tenait de l’élucubration. Il est même étonnant qu’un rabbin perde le sens de la mesure au point de banaliser de la sorte les atrocités nazies.
 
Quand Bernard Drainville avait présenté son projet de loi, M. Couillard avait crié à la trahison de l’héritage de René Lévesque. En point de presse, il avait fallu lui rappeler que le «grand Québécois» dont il évoquait la mémoire avait lui-même été traité de nazi pour avoir présenté la loi 101, contre laquelle le PLQ avait mené une lutte sans merci.
 
Le futur premier ministre avait répondu qu’il n’était pas là à l’époque. Soit, mais il était bel et bien là au Centre de l’Holocauste en novembre 2013 et il a applaudi des propos qui étaient non seulement absurdes, mais injurieux pour le Québec. S’il est incapable de le défendre, M. Couillard pourrait au moins s’abstenir d’encourager ceux qui l’accablent.»


***


Vous ai-je dit que le café a plutôt mal passé ce matin ?...



 




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