Quand l'AFP regrette que "deux septuagénaires blancs" dominent la primaire démocrate

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C'est la gauche qui revient sans cesse sur la question raciale : l'Homme blanc est son nouvel ennemi

Les obsédés de la race et autres militants de la gauche identitaire en ont rêvé, l'Agence France presse (AFP) l'a fait. A l'heure de tirer un premier bilan de la primaire du Parti démocrate aux Etats-Unis, la vénérable agence a choisi d'écarter les propositions politiques des candidats pour ne les juger qu'à l'aune de critères ethniques, de genre ou relatifs à l'âge.


En résulte une conclusion étonnante où les deux favoris du moment, Bernie Sanders et Joe Biden, sont rangés dans une même catégorie… alors qu'ils défendent des programmes très éloignés. Le fait que le sénateur du Vermont et l'ancien vice-président de Barack Obama soient en tête dans les sondages a tout simplement l'air de désoler l'AFP : "Six femmes, six candidats issus de minorités, une dizaine de prétendants de moins de 50 ans: jamais une primaire n'avait affiché une telle diversité aux Etats-Unis, et pourtant, ce sont deux septuagénaires blancs qui dominent la course démocrate pour pouvoir affronter Donald Trump", regrette l'agence, dont les contenus sont destinés à être utilisés par tous les médias abonnés.


6 femmes, 6 candidats issus de minorités, une dizaine de prétendants de moins de 50 ans: jamais une primaire n'avait affiché une telle diversité, et pourtant, ce sont 2 septuagénaires blancs qui dominent la course démocrate à la Maison Blanche https://t.co/ZHyMf8EmDB #AFP pic.twitter.com/kVDiTC0Adw

— Agence France-Presse (@afpfr) April 28, 2019


Les deux vétérans de la politique américaine devancent en effet dans les études d'opinion, dénombre l'agence, "un second groupe de candidats démocrates beaucoup plus mixte et cosmopolite, avec six femmes, trois Noirs, un candidat d'origine hispanique et un autre d'origine asiatique, la première candidate de confession hindouiste et d'origine samoane, ainsi que le premier candidat de premier plan vivant ouvertement son homosexualité". Comment expliquer l'avance de ces "deux hommes blancs d'âge avancé" ? L'AFP relève que Joe Biden et Bernie Sanders bénéficient évidemment d'une notoriété supérieure mais là encore, le critère identitaire est mis en avant : l'agence cite une experte au Centre d'études sur les femmes américaines en politique (CAWP) estimant que "la politique présidentielle a été dominée par des hommes et la masculinité au cours de toute notre histoire, non seulement en termes de qui occupe la fonction, mais aussi (...) des attentes que les électeurs ont de nos présidents". Un critère qui n'avait pourtant pas empêché les démocrates de désigner Hillary Clinton comme leur candidate en 2016.


L'AFP poursuit son analyse identitaire en fustigeant "le battage médiatique qui avait accompagné en mars l'entrée dans la course du Texan Beto O'Rourke, un quadragénaire blanc au programme alors encore très maigre"; elle adresse toutefois un satisfecit à l'élu démocrate, qui avait eu la bonne idée de battre sa coulpe en déclarant : "En tant qu'homme blanc qui a eu des privilèges (...), j'ai évidemment eu un avantage tout au long de ma vie". Une citation qui permet à l'AFP d'en remettre une couche sur les deux "septuagénaires blancs", en convoquant à nouveau la chercheuse du CAWP, "pas certaine que Bernie Sanders et Joe Biden soient parvenus au stade où ils se rendent compte (...) des limites auxquelles ils sont confrontés en tant qu'hommes blancs plus âgés pour pouvoir comprendre les défis auxquels font face les femmes et les minorités". Nous y sommes : la capacité d'une personnalité à se saisir d'un problème politique est directement reliée à sa couleur de peau, son genre et son âge.


Bernie Sanders fait l'objet de critiques régulières sur sa vision de la lutte contre le racisme : au sein du Parti démocrate, beaucoup prônent une stratégie d'identity politics consistant à s'adresser directement à différentes minorités en leur proposant des politiques les concernant exclusivement. Hillary Clinton - pourtant une septuagénaire blanche - avait en large partie adopté ce discours lors de la présidentielle de 2016, tout en défendant une ligne néolibérale sur les sujets économiques. Bernie Sanders se distingue en prônant une ligne universaliste et en reliant la question des discriminations raciales à la situation économique difficile des Afro-Américains et des Latinos, surreprésentés parmi les pauvres. Soit le miroir de l'identity politics à la Clinton. "Il y a des personnes qui sont très favorables à la diversité mais dont les opinions finissent par n'être pas particulièrement sympathiques envers les travailleurs, qu'ils soient blancs, noirs ou latinos", critiquait Sanders récemment dans un entretien à GQ. "Je crois que nous devons rassembler une coalition de personnes - des noirs, des blancs, des latinos, des asiatiques, des amérindiens - autour d'un programme progressiste prêt à défier l'élite extraordinairement puissante de ce pays".


Un discours qui serait la preuve, pour la seule chercheuse citée dans cette dépêche de l'AFP, que Bernie Sanders ne serait pas à la hauteur sur la question du racisme. L'agence rappelle ainsi "les huées lancées contre Bernie Sanders par une foule de centaines de femmes issues de minorités cette semaine"; en effet, lors du forum "She the People", le candidat a été interrogé sur ce qu'il comptait faire pour combattre le suprémacisme blanc aux Etats-Unis. Après avoir déclaré qu'il avait "dédié sa vie à la lutte contre le racisme, le sexisme et toutes les formes de discriminations" et rappelé qu'il avait manifesté aux côtés de Martin Luther King en 1963 puis soutenu la candidature de l'Afro-américain Jesse Jackson en 1988, Sanders s'est attiré les quolibets d'une partie du public. Quant à Joe Biden, ce sont ses excuses insuffisantes après "ses gestes marqués d'affection en public" qui sont critiqués. "Ce n'est pas assez", estime l'universitaire du CAWP auprès de l'AFP, réclamant des "détails sur la meilleure façon qu'ils vont trouver pour comprendre les expériences des femmes et des minorités".


A aucun moment, dans l'article de l'Agence France presse, ne sera abordée la différence idéologique entre les deux favoris à l'investiture démocrate. Pourtant, entre la couverture médicale universelle proposée par Bernie Sanders et les discours sagement centristes de Joe Biden, qui ne s'attaque ni au changement climatique ni au remboursement des frais de santé, il y a un grand écart politique. Autre information curieusement manquante : les électeurs membres de minorités ne semblent, eux, pas trop tenir rigueur à Sanders et Biden d'être vieux et blancs. A eux deux, ils mobilisent plus de 50% des intentions de vote chez les démocrates non-Blancs.