Puni pour avoir parlé anglais en classe

Tribune libre

Ce vendredi, l'Agence QMI a publié cet article: «Puni pour avoir parlé anglais en classe». Ça commence mal.. mais on comprend en lisant l'article que la situation est bien différente de ce que le titre laisse présager.
D'abord, on comprend que le jeune parle anglais à l'école parce qu'on lui dit qu'il peut le faire et non parce que c'est insoutenable pour lui de ne parler que français. On lui dit qu'il peut contrevenir à un règlement, on lui dit que ce règlement est injuste. Ni la mère, ni l'enfant ne l'accepte. Plusieurs messages ont été transmis pour aviser la mère.
Il est possible que dans l'esprit des nouveaux-arrivants et d'une bonne partie des Québécois, les francophones deviennent de plus en plus de méchants assimilateurs et que les anglophones deviennent les plus accueillants. Les francophones n'ont pas le beau rôle envers les nouveaux-arrivants et les anglophones sont dans une situation idéale pour les intégrer alors que tout est bien mis en place pour que ça se fasse. Les nouveaux-arrivants étant eux-même fortement plus attirés par l'anglais (la force d'attraction dont il est question dans l'étude de Pierre Curzi), on ne peut que constater encore la situation de plus en plus vulnérable du français, de la langue commune, devant une attitude aussi défensive face au français et presque une adoration, un sentiment salvateur face à l'anglais. Elle commence ainsi l'assimilation anglaise des nouveaux-arrivants québécois et en bout de ligne, c'est l'anglais qui intègre, malgré son faible poids démographique, un très grand pourcentage d'entre eux.
On est encore au primaire dans la situation dont il est question dans l'article (imaginez au secondaire, ou plutôt constatez-le, allez vérifier, parce que c'est plus tard que l'on constate les dommages et que l'on comprend à quel point il faut agir tôt pour que le français devienne vraiment la langue commune et qu'on en soit fier collectivement). Au primaire donc, le fait que les autres jeunes dans ces écoles ne puissent comprendre ce qu'ils se disent dans leur langue, ça n'interpelle personne. Que les professeurs ne comprennent pas un mot de ce qu'ils disent, ça n'interpelle personne et cela même si ce ne sont encore que des enfants. Déjà, on favorise la division par les langues, les cultures, déjà on met les unilingues francophones en position de faiblesse, ne parlant qu'une seule langue, déjà une dynamique favorisant l'exclusion des uns, la frustration des autres, s'installe et ça n'interpelle personne. Il s'agit pourtant de source significative d'isolement culturel, de divisions linguistiques et culturelles, d'incohérence sociale et nationale, de folklorisation de la culture québécoise, parfois de préjugés et de mépris, de recul du français et de tensions politiques toujours aussi contaminantes au Québec.
« We’re Quebecers. We’re not Québécois.
We refuse to assimilate into the French-speaking community, and we compete with it to assimilate immigrants. »

Ça, ce sont les propos de Don Macpherson dans The Gazette le 27 janvier dernier. Je ne sais pas si la «madame» est très inspirée par Don Macpherson mais une chose est sûre, il inspire bien des parents et alimente, comme tant d'autres, la division et l'opposition au français comme langue commune.
Devant une situation comme celle décrite dans l'article de l'Agence QMI, il y a tous ceux qui imaginent le pire, ceux qui entretiennent des préjugés presque méprisants envers le peuple québécois, qui imaginent, par exemple, que nous devrions jouer la police et tout surveiller pour faire appliquer la loi 101 dans les écoles, qui nous disent que les jeunes seraient emmené à se dénoncer entre eux et on voit tout ça comme une terrible situation à se méfier. On nous parle aussi des merveilleux bienfaits pour un jeune de pouvoir se faire parler dans sa langue ou en anglais. On nous sort toutes les raisons sentimentales imaginables pour que nous nous sentions mal de vouloir imposer notre langue et à force de nous sentir mal et coupable, chaque année, des milliers de nouveaux-arrivants s'assimilent à l'anglais, les francophones deviennent minoritaires à Montréal, leurs poids démographique diminue au Québec, ils s'assimilent au multiculturalisme et acceptent d'être minoritaires dans leurs propres écoles francophones, acceptent le renversement de rôle et deviennent dans bien des écoles une autre communauté culturelle, une communauté qui s'isole dans sa propre ville francophone, dans son propre pays. Mais ça, nous devons l'accepter sans broncher. Sinon nous serons pointé du doigt redoutable de ceux qui nous décriraient comme des anglophobes, allophobes, voire racistes. C'est bien inscrit en nous tous, à Montréal, dans les quartiers multiculturels, aucun jeune Québécois ne veut se plaindre de subir ce qui ressemble parfois à une ghettoïsation des Québécois tellement ce sont eux qui deviennent minoritaires dans certains quartiers et dans plusieurs écoles.
En vérité, nous prenons mieux soin des nouveaux-arrivants que partout ailleurs sur la planète et la minorité historique anglophone est de loin la plus choyée du monde entier. En vérité, nous ne nous affirmons pas, nous ne nous imposons pas, nous reculons et cédons, nous subissons aussi les frappes des juges anglophones de la «Supreme court of Canada» qui invalident nos lois. Il est là le vrai problème. Le problème en est un de clarté, ce n'est pas encore clair que le français est la langue commune des Québécoises et Québécois, que d'enseigner le français et d'obliger à ce qu'on le parle à l'école, c'est un mandat fondamental de l'école publique québécoise, c'est une partie fondamentale de l'enseignement et de l'enrichissement que l'on veut offrir à nos jeunes, c'est le ciment qui tient en place notre système d'éducation. Nous imposons l'anglais à tous les francophones dès leur jeune âge, nous imposons déjà l'école, nous imposons toutes les matières, nous imposons une discipline très stricte, nous imposons l'atteinte de résultats satisfaisants, nous ne cessons d'imposer ce que l'on croit bon pour nos jeunes. On ne se croirait pas le droit d'imposer la langue commune ? Rien de tout ce qu'on impose ne possède autant d'importance que le français pour nos jeunes, pas uniquement pour qu'il soit parlé entre tous mais qu'il soit parlé honorablement, fièrement et entièrement. C'est le mandat le plus fondamental de notre système d'éducation, c'est le choix collectif qu'on a fait de se donner un État francophone et de faire du français sa seule langue commune et officielle et c'est en l'imposant et en rassemblant tous ceux qui veulent se joindre à notre nation que nous apporterons à ce peuple francophone sa plus grande richesse et sa plus grande force, que tous ceux qui se joignent à nous serons le plus fiers de l'avoir fait.


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1 commentaire

  • Daniel Roy Répondre

    5 février 2013

    J'adhère à vos propos, Monsieur Diotte. Dans l'article de Don Macpherson http://www.montrealgazette.com/opinion/Macpherson+Jean+Fran%C3%A7ois+Lis%C3%A9e+hits+brick+wall/7873361/story.html dont vous parliez, il semble tourner une réalité en un préjugé, car la langue anglaise constitue vraiment ce dont nous devons compétitionner. La pire vérité dans son article se situe lorsqu'il affirme que le gouvernement recula dans ses intentions de retirer le statut anglais à l'hôpital de Lachine et d'étendre l'application de la Loi 101 au Cégep, à cause de l'opposition des francophones. Nous sommes nos propres ennemis. Il faut travailler et manifester encore plus fort.