Philippe de Villiers : «Obama parle comme un grand chef de tribu»

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La France «est devenue le toutou de l’Amérique»


La France «est devenue le toutou, le télégraphiste, l’élève de l’Amérique» alors que la classe politique française est «tachée par les pétrodollars», estime l'ancien candidat à la présidence, Philippe de Villiers.

RT France : Hier, le journal américain The Atlantic a publié une interview du président des Etats-Unis Barack Obama dans laquelle plusieurs questions internationales ont été évoquées. Barack Obama a notamment parlé des relations des Etats-Unis avec la France, en critiquant par exemple, l’engagement des gouvernements européens, notamment celui du gouvernement français, en Libye. Il s’est dit «déçu de leur manque d’implication après la chute de Kadhafi». D’après vous, Barack Obama, aurait-il raison sur ce point ?

La politique étrangère de la France est aujourd’hui aux ordres de l’Amérique et des pétrodollars

Philippe de Villiers : Les choses sont très simples. La France est devenue – pardonnez-moi l’expression – le toutou, le télégraphiste, l’élève de l’Amérique. La France est devenue un protectorat. C’est-à-dire que l’armée française, la politique française, la diplomatie française sont aux ordres de l’Amérique depuis que Nicolas Sarkozy a fait rentrer la France dans le commandement de l’OTAN. Donc la France fait partout dans le monde ce que l’Amérique commande. Quand on voit la position de la France sur l’Ukraine, c’est l’Amérique qui a commandé à la France cette position absurde. C’est aussi l’Amérique qui a commandé à la France de suivre l’Allemagne pour les sanctions contre la Russie. Quant au Moyen-Orient, quant à l’Afrique, quant aux Printemps arabes, la France et les Etats-Unis marchent ensemble. Là, il faut reconnaître que sur la Libye, c’est Nicolas Sarkozy qui prend l’initiative avec Bernard-Henri Lévy de dégommer Mouammar Kadhafi au mépris de toute l’expérience que les diplomates doivent avoir des équilibres libyens, qui sont extrêmement complexes et fragiles.

Dans le cas de la Libye, c’est Nicolas Sarkozy qui a mené la dance. Pour une fois, les Etats-Unis ne sont pas directement concernés. Et des printemps arabes, ils sont tous coupables. Quand on voit ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, quand on voit que la Russie a repris le flambeau de la chrétienté pour défendre les chrétiens d’Orient, d’où la rencontre entre le patriarche et le pape, la France de Saint-Louis a honte aujourd’hui de voir nos gouvernants remettre la Légion d’honneur au ministre de l’Intérieur de l’Arabie saoudite qui soutient le terrorisme et l’islamisme. Je suis désolé d’avoir à déplorer que la politique étrangère de la France soit aujourd’hui aux ordres de l’Amérique et des pétrodollars, ainsi que la classe politique française tâchée par les pétrodollars.

Angela Merkel vient de s’incliner, de rendre hommage au «sultan» Erdogan

RT France : Barack Obama critique la politique française au Moyen-Orient. La France, devrait-elle changer de politique dans cette région ?

Philippe de Villiers : D’abord, on n’aurait jamais dû faire les Printemps arabes. On n’aurait jamais dû contribuer à la destitution de tous ces hommes peu recommandables, mais qui tenaient leur pays. Que ce soit Saddam Hussein, Hosni Moubarak, Ben Ali ou Kadhafi. En politique, il vaut mieux le relatif que le pire.

Deuxièmement, la politique de la France qu’on appelait jadis «la politique arabe», est une politique qui consistait à protéger les chrétiens d’Orient depuis les croisades et la protections du Saint Sépulcre.

Or aujourd’hui on voit bien qu’au lieu d’aider Bachar al-Assad avec son armée pour infliger une défaite à Daesh : on a deux ennemis là-bas. On a l’Etat Islamique et Bachar al-Assad, et on soutient un certain nombre d’organisations troubles qui combattent Bachar al-Assad. En d’autres termes, on n’a pas tiré de leçon des erreurs commises avec le Printemps arabe. On se propose de faire en Syrie ce qu’on a fait en Libye. Une fois qu’on aura abattu Assad, on aura des islamistes en Syrie. C’est d’ailleurs ce que voit très bien le président Poutine, qui a une vision de l’histoire et qui empreinte de réalisme. Que fait la Russie en Syrie aujourd’hui ? Elle soutient Bachar al-Assad parce que c’est la seule manière avec des troupes au sol de faire reculer l’islamisme. L’attitude de Vladimir Poutine par rapport à la Turquie me paraît juste, prudente et sage.

Alors que nous, nous sommes des alliés des Turcs, et quand je dis «des alliés», c’est pire que ça. Angela Merkel vient de s’incliner, de rendre hommage au «sultan» Erdogan. Et on est prêt à payer deux fois 3 milliards d’euros pour que les Turcs nous règlent les problèmes que nous sommes incapables de régler : celui des migrants. Vous vous rendez compte ? Aujourd’hui l’Europe demande à la Turquie de la remplacer. L’Europe donne à la Turquie une sorte de délégation de puissance publique pour résoudre un problème qu’elle n’est pas capable de résoudre parce que au nom de la religion du «sans-frontiérisme» et du multiculturalisme, elle refuse que les Etats se protègent avec les frontières nationales. C’est une politique absurde, car contraire au bon sens. Pourquoi ? Parce qu’elle est fondée sur l’idéologie du mondialisme, du multiculturalisme. Parce que c’est l’Amérique, la fille difforme des Lumières, une puissance messianique, millénariste qui veut imposer au monde son millénarisme, c’est-à-dire le consumérisme et l’hédonisme avec la transformation du monde en un marché planétaire de masses où le citoyen devient un simple consommateur asexué, apatride, désinstitué, nomade, déraciné.

Aujourd’hui, les pays [du traité] de Maastricht sont des colonies de l’Amérique

RT France : A part la France, le président américain critique la Grande-Bretagne, la Russie et ainsi de suite. Serait-ce un point de vue personnel ou une position politique ?

Philippe de Villiers : Je pense que c’est une vision américaine, impériale. Les Américains parlent de l’«impérialisme russe». Il n’y a pas d’impérialisme russe. Par contre, il y a un impérialisme américain. C’est quoi l’impérialisme américain ? C’est un budget militaire qui est celui d’une puissance coloniale et à l’écouter, [Barack Obama], je me suis dit qu’il parlait comme un chef d’Etat parle de ses gouverneurs coloniaux. C’est-à-dire qu’il a des protectorats avec l’OTAN, qui est un instrument politique et militaire de discipline américaine, et de compatibilité militaire avec l’Amérique. Et aujourd’hui, les pays [du traité] de Maastricht sont des colonies de l’Amérique. Parce que quand vous n’avez plus la possibilité de vous défendre vous-mêmes, vous finissez par ne plus penser par vous-mêmes. Vous pensez par celui qui vous a colonisé, non seulement sur le plan militaire, mais sur le plan politique, diplomatique et philosophique. Et donc [Obama] parle comme un grand chef de tribu.


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