Selon l’émission Enquête de Radio-Canada

Pertes d’impôts de 141 milliards $

Tribune libre

La plupart des gens de mon âge ont joué au Monopoly lorsqu’ils étaient jeunes. Vous achetez quelques hôtels puis vous n’avez plus qu’à attendre que l’on passe sur vos propriétés pour récolter. Voilà un jeu qui représente bien la société dans laquelle nous vivons où chacun reçoit un petit capital à la naissance qu’il doit faire fructifier.
Certains verront le jour doté d’une grande intelligence, d’autres naîtront dans une famille qui leur laissera une fortune à faire fructifier… D’autres malheureusement seront parmi les 32 000 enfants qui meurent chaque minute, éliminés très vite du jeu de la vie, car ils n’ont pas eu la chance de naître dans la bonne famille ou le bon pays…
Dans la vie comme au Monopoly, il y a le talent et la chance, mais ce qui fait avant tout la différence ce sont les règles qui conditionnent le jeu. Par exemple, dans notre société moderne si vous faites des gains sur votre capital, ce revenu ne sera imposé que sur 50 % du total gagné, contrairement à ceux et celles qui dépendent d’un salaire qui lui, sera imposable à 100 %!
Je me suis souvent demandé comment il était possible qu’une personne puisse gagner 40 000 $ par jour comme le PDG de Bell Canada! Une personne peut-elle vraiment être jusqu’à 400 fois plus intelligente ou productive que celle qui gagne 100 $ par jour? Je ne crois pas. Comme au Monopoly, ce sont les « règlements » qui permettent cette situation.
En 2007, le parti libéral du Québec accordait une baisse d’impôt, qui a profité surtout aux mieux nantis et qui a fait perdre 907 millions de revenus au gouvernement. Mais celui-ci a eu tôt fait de récupérer cette somme en disant à tous, peu importe leur revenu ou presque : « passez à GO et payez la taxe santé ».
Monsieur Charest récidive en 2008 en abaissant la taxe sur le capital entraînant une autre perte de revenus de 869 millions. Le ministre fédéral des finances du gouvernement conservateur reconnaissait que les baissent d’impôts des entreprises de 28 % à 15 % depuis qu’ils sont au pouvoir a permis aux riches de disposer de 526 milliards… malheureusement pour« jouer » à la bourse.
Parmi les règles de cette partie de Monopoly maintenant mondialisée, il y a les abris fiscaux. En effet, comme l’objectif du jeu c’est de faire en sorte que les riches soit encore plus riches il y a des règles qui leur permettent de placer leur argent à l’abri de l’impôt.
Au Canada, chaque année, ces règles permettent de sortir du pays 141 milliards de dollars (émission Enquête), exempts d’impôts. L’Afrique quant à elle, qui peine à nourrir sa population aura été saigné de 846 milliards de 1998 à 2008.
À l’échelle de la planète, plus de 21 000 milliards échappent ainsi à l’impôt. Cet argent retiré de la « partie » fait en sorte qu’il y a moins d’argent de disponible. Ainsi les gens achètent moins, puis les usines produisent moins, donc le chômage augmente et les gouvernements s’endettent …et nous sommes en présence d’une crise mondiale…
Une partie de Monopoly peut-être enivrante et les joueurs éliminés vont sûrement s’en remettre, mais quand le jeu s’applique à la société, les exclus deviennent des chômeurs, des assistés sociaux, des sans-abri.
Les banques alimentaires tenteront de diminuer la souffrance dans les pays qui peuvent se le payer, mais cette mauvaise répartition de la richesse crée un terrain fertile à l’indignation, la violence, l’extrémisme religieux, l’intolérance, au terrorisme et aux guerres.
Heureusement, les règles du jeu peuvent être changées ! C’est ce que tente de faire le gouvernement Marois en demandant au mieux nantis de payer quelques centaines de dollars de plus, eux qui ont bénéficié de centaines de millions de dollars de baisses d’impôts depuis 10 ans.
Considérant que 82 000 contribuables se partagent environ 29 milliards de revenus « déclarés » chaque année ce changement aux règles apparait bien minime.
Évidemment, les riches propriétaires des médias n’ont pas apprécié les différentes mesures annoncées et ils ont réussi à faire reculer le gouvernement en donnant la parole aux chambres de commerce et représentants des partis politiques qui défendent leurs intérêts… Les dés sont jetés pour que la partie continue comme avant !
Pierre Lavergne


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