Parti conservateur: Andrew Scheer croit pouvoir séduire le Québec

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Mission impossible






Le nouveau chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, doit beaucoup au Québec, dont les agriculteurs ont contribué en grande partie à sa victoire samedi soir. Mais l’héritage politique de ce conservateur pro-vie issu de la frange sociale du parti pourrait aussi lui nuire dans la Belle Province, s’inquiètent certains en coulisses.


 

Le politicien de Saskatchewan tente tant bien que mal d’écarter ses convictions personnelles de son avenir politique. « Oui, j’ai mes propres positions. Mais comme chef, je vais me concentrer sur les enjeux qui vont maintenir l’unité de notre parti et de notre mouvement », affirmait-il en entrevue dimanche, au lendemain de sa victoire-surprise au tout dernier tour de scrutin de la course à la chefferie conservatrice.


 

Père de cinq enfants, âgé de 38 ans, Andrew Scheer n’a jamais caché ses positions pro-vie. Il s’est opposé à la légalisation de l’aide à mourir, a appuyé des projets de loi proposant de criminaliser le fait de contraindre une femme à avorter ou de causer la mort d’un enfant à naître. Il s’est opposé à la légalisation du mariage de même sexe.


 

Le nouveau chef du Parti conservateur promet de ne pas rouvrir ces débats. Et ce sera suffisant, à son avis, pour rassurer les électeurs. « Je pense que les Québécois, comme les autres Canadiens, ne s’inquiètent pas des gens qui ont des positions différentes si le parti se concentre sur les enjeux comme l’économie, le budget, les impôts, la sécurité nationale, les affaires étrangères », a-t-il argué en entretien avec Le Devoir.


 

Andrew Scheer a misé gros sur le Québec, en y faisant campagne en promettant de protéger la gestion de l’offre que Maxime Bernier promettait d’abolir. Il a en outre promis de défendre l’industrie forestière et la construction d’une voie de contournement à Lac-Mégantic. Le parti a besoin du Québec, où les conservateurs ont fait le plus de gains aux élections de 2015, note-t-il. « Les Québécois sont plus conservateurs qu’on le pense », lançait-il dans son discours de victoire samedi soir. « Contrairement à Justin Trudeau et aux autres 39 autres députés libéraux, nous allons nous occuper du Québec. »



Il ne gagnera pas une élection générale avec un programme conservateur social. Il le sait.

Tim Powers, ancien stratège conservateur

Difficle à «vendre»


 

Reste que certains de ses collègues québécois sont inquiets de devoir « vendre » le nouveau chef au Québec. Officiellement, tous soulignent qu’Andrew Scheer ne fera rien de plus que Stephen Harper, qui permettait à ses élus de déposer des projets de loi ou des motions sur l’avortement sans que ces mesures soient jamais adoptées. Mais en coulisses, on admet qu’il y a « un gros risque de perception ». Les libéraux de Justin Trudeau n’ont d’ailleurs pas perdu de temps pour soulever ses positions et l’apport de groupes pro-vie à sa victoire.


 

Car Andrew Scheer doit aussi en partie sa victoire aux milliers de conservateurs sociaux du parti.


 

Autre surprise du vote : les deux autres candidats pro-vie, Brad Trost et Pierre Lemieux, sont arrivés respectivement au quatrième et sixième rang au premier tour, en récoltant à deux 15,7 % d’appuis. Et les deux tiers de ces appuis se sont rabattus sur Andrew Scheer, après que les deux candidats eurent été éliminés.


 

Des organismes pro-vie avaient fait campagne pour faire élire Brad Trost, Pierre Lemieux ou Andrew Scheer — et ils estiment avoir recruté plusieurs milliers de nouveaux membres au parti. M. Scheer avait en outre demandé à l’un de ses députés de lire une lettre au rassemblement annuel des pro-vie sur la colline parlementaire il y a deux semaines. Il y remerciait la foule de s’être présentée « pour faire entendre au gouvernement notre point de vue » et l’appelait à voter pour lui. Un message qui a créé un gros malaise chez certains conservateurs.


 

Et ceux-ci craignent que des députés pro-vie — 20 d’entre eux ont appuyé Andrew Scheer — rappellent maintenant au nouveau chef qu’il leur doit sa victoire.


 

M. Scheer martèle qu’il préfère s’attarder aux enjeux qui unissent ses troupes, mais il a refusé de préciser s’il empêcherait carrément ses députés de rouvrir le débat sur l’avortement. « Je m’occuperai de l’enjeu quand il se présentera », a-t-il dit, lassé de se faire interroger sur le dossier.


 

Il estime que d’autres de ses promesses plairont à la frange sociale du parti : accorder un crédit d’impôt aux parents qui font l’école à la maison ou qui envoient leurs enfants dans des écoles indépendantes, exempter d’impôt les congés parentaux, défendre la liberté d’expression dans les universités qu’ils priveraient de fonds fédéraux si elles censurent les débats sur leurs campus. M. Scheer s’est opposé au projet de loi contre la discrimination des transgenres, au motif qu’il menace la liberté d’expression — il a en tête le cas d’un professeur de l’Université de Toronto qui a été convoqué par ses supérieurs parce qu’il refusait d’utiliser des pronoms inventés pour s’adresser à des personnes transgenres.


 

Andrew Scheer promet par ailleurs d’autoriser la construction de l’oléoduc Énergie Est — ce qui convient très bien aux élus québécois — et de ressusciter quelques mesures de loi et d’ordre du gouvernement Harper.


 

Opération séduction


 

« Il ne gagnera pas une élection générale avec un programme conservateur social. Il le sait », commente Tim Powers, ancien stratège conservateur aujourd’hui vice-président de la firme de communications Summa Strategies. « Une campagne à la chefferie n’est pas une élection générale. » M. Scheer a courtisé la base conservatrice, en lui proposant un « changement marginal » par rapport aux politiques de Stephen Harper. Il devra maintenant élargir son discours pour courtiser une nouvelle coalition d’électeurs en vue des élections de 2019, note M. Powers en citant les «milléniaux» qui souhaiteront parler d’environnement ou d’économie du partage.


 

La campagne du consensus de M. Scheer, qui reprend le legs de M. Harper plutôt que de faire des propositions ambitieuses comme d’autres candidats, n’inquiète pas Denis Lebel. « Personne n’a attaqué M. Harper sur ses positions économiques, sa gestion. On a eu des critiques sur l’image, le fait qu’il était plus froid. » M. Scheer, lui, se présente comme un « Stephen Harper avec le sourire ».


 
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