Où sont passés les militants de Philippe Couillard?

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Démobilisation libérale : le PLQ manque de ferveur et de militants

Trois courts passages dans des locaux électoraux et c'est tout. Contrairement au Parti québécois qui multiplie les événements festifs, Philippe Couillard n'éternise pas ses soirées avec les militants. En neuf journées de campagne électorale, le Parti libéral du Québec reste avare de rassemblements d'envergure. Et ce n'est pas près de changer, affirme-t-on.


C’est la question que beaucoup se posent : pourquoi Philippe Couillard ne parade-t-il pas, le soir, auprès de centaines de militants libéraux d'un bout à l'autre du Québec?


Si le chef libéral a bien tenu un discours de lancement en Mauricie devant près de 200 personnes, le 23 août, avec de nombreux candidats et leurs proches, ses interventions auprès des membres de son parti sont rares et courtes.


Visite éclair à Saint-Félicien, le 26 août, dans sa circonscription, passages tout aussi vifs les jours suivants, en fin d’après-midi, à Rivière-du-Loup et Montmagny : Philippe Couillard ne reste au micro qu’une dizaine de minutes, devant à peine quelques dizaines de militants.


Depuis le lancement de cette campagne, aucun grand rassemblement populaire n’a été organisé par le premier ministre sortant.


Rien comparé à l’envergure du Parti québécois, par exemple, qui, quasi quotidiennement, réunit des centaines de sympathisants pour des soirées festives, durant lesquelles Jean-François Lisée s’exprime sur un ton jovial, en maniant souvent l’humour, pendant parfois plus de 30 minutes.


Philippe Couillard prend une femme dans les bras.Philippe Couillard est allé inaugurer son local électoral, à Saint-Félicien, le 26 août dans l'après-midi. Photo : Radio-Canada


Une valeur ajoutée en baisse, dit le parti


Électoralement, « ce n’est plus payant », glisse-t-on dans l’entourage du chef libéral pour expliquer cette décision qui tranche avec les performances de Jean Charest par le passé.


À l’époque - et même en 2014 lorsque Philippe Couillard briguait le poste de premier ministre pour la première fois - l’idée était de viser les téléjournaux de 22 h, dont les cotes d’écoute, aujourd’hui, ont considérablement diminué, explique le parti.


« La valeur ajoutée n’existe plus autant qu’avant, reprend ce stratège libéral. Sans compter que ça allonge les journées et, logistiquement, c’est compliqué. Ça nous faisait arriver à l’hôtel vers minuit, parfois 1 h. »


Désormais, le PLQ préfère mettre son « énergie » dans des mesures « beaucoup plus productives » pour faire sortir le vote, ajoute-t-il.


Une base militante déficiente


Des personnes dans une salle.Le chef libéral est allé soutenir l'un de ses nouveaux candidats à Montmagny le 29 août. Photo : Radio-Canada


Bien que des experts reconnaissent une logique dans ce raisonnement, plusieurs autres éléments seraient cependant à l’origine de ce revirement. Notamment, la baisse radicale du nombre de militants ces dernières années.


Entre 2014 et 2015, le PLQ avait perdu près de 30 % de ses effectifs, selon un rapport interne divulgué à la fin de 2016. L’année passée, le nombre de membres était évalué à 30 000. Désormais, le parti refuse de dévoiler une mise à jour des chiffres.


« Il y a un problème dans l’organisation du parti, juge le professeur de l’UQAM Martin Pâquet, spécialisé en politique québécoise. Il manque un chaînon dans cette machine qui, auparavant, était bien huilée. Les militants, maintenant, sont relativement invisibles. »


Un grand rassemblement prévu


Le Parti libéral du Québec a prévu organiser un grand rassemblement « plus tard dans la campagne », contrairement à ses adversaires qui ont déjà réuni leurs troupes. Celui-ci ne devrait pas être organisé à Montréal, mais « dans un champ de bataille électoral », laisse-t-on entendre. La région de la Mauricie est entre autres étudiée, avec la CAQ qui menace ce secteur libéral.


Outre de nombreuses soirées devant quelques centaines de sympathisants, le PQ a rassemblé 1000 personnes, jeudi soir, à Pointe-aux-Trembles. Environ 400 membres de la CAQ étaient présents à Boucherville, samedi dernier. Plusieurs événements ont également été organisés du côté de Québec solidaire, par exemple jeudi soir à Québec, avec plus de 200 militants.


S’il reconnaît que ces rassemblements sont « à la base des moments pour la télévision », ces événements se révèlent indispensables pour mobiliser et motiver les troupes, soutient quant à lui Thierry Giasson, politologue à l’Université Laval.



Voir peu de rassemblements m’indique que les stratèges libéraux sont peut-être conscients qu’ils ne sont pas à la tête d’un parti de membership, mais d’un parti d’élite.


Thierry Giasson, professeur à l’Université Laval


« Les militants ont besoin d’être réunis, de voir qu’ils appartiennent à une famille politique. C’est eux qui vont faire la campagne sur le terrain et sortir le vote », dit-il.


La première conférence de presse tenue par Philippe Couillard, dans un stationnement vide le 23 août dans la région de Québec, symbolise, selon Martin Pâquet, ce choix stratégique qu’il remet en cause.


Philippe Couillard dans un stationnement.Le 23 août, Philippe Couillard a lancé sa campagne électorale dans la circonscription de Jean-Talon, à Québec. Photo : Radio-Canada


« C’était étonnant et c’était une erreur de communication, juge-t-il. Il aurait fallu inviter des militants pour montrer un soutien populaire. »



On a l’impression que le Parti libéral n’est plus capable de mobiliser son électorat. Pourtant, c’est important de montrer que les militants sont derrière un chef.


Martin Pâquet, professeur à l’Université Laval


Pas un « grand tribun »


Mais Philippe Couillard a-t-il réellement la fibre militante et apprécie-t-il ces moments, à l’instar d’un Jean Charest ou d’un Jean-François Lisée?


Son manque d’entrain vis-à-vis des partisans libéraux serait décrié, même à l'interne, où certains le considèrent avant tout comme un intellectuel. Ses discours, d’ailleurs, depuis le début de la campagne, n’ont pas suscité d’engouement exceptionnel.


« Philippe Couillard n’est pas un grand tribun », souligne Thierry Giasson.


« Il garde une certaine distance avec les gens », complète Martin Pâquet, avant d’évoquer l’expérience professionnelle de l’ancien neurochirurgien.


« Un médecin spécialiste a cette disposition et, avec la pratique, ça devient inconscient », précise-t-il.


Au PLQ, on soutient cependant que « Philippe Couillard prend beaucoup de plaisir » avec les militants, tout en mettant de l’avant son rythme de vie.


« Il se couche tôt, entre 20 h et 21 h maximum. Et c’est vraiment quelqu’un du matin », confie son entourage, en indiquant qu’il peut être actif dès 4 h 30 ou 5 h. Une heure où les militants dorment encore.