Opposition officielle - Quelle influence?

Québec face à Ottawa - JJC sans le Bloc


Il fallait que la victoire soit grande: non seulement Stephen Harper souriait hier, mais il a accepté, en point de presse, de répondre à plus de cinq questions. Il s'est alors aventuré à confier que oui, cédant aux pressions de son équipe, il avait bu la veille deux doigts de champagne pour célébrer. Fin des détails. Même en ce 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, il y a des limites à ne pas dépasser! Cinq questions de fond vite expédiées, deux minutes de frivolités, et le premier ministre majoritaire pouvait congédier son auditoire...
La conférence de presse de Jack Layton qui a suivi n'en semblait que plus surréaliste. À ce premier ministre auréolé d'une majorité que peu lui avaient prédite et que nul n'avait vue aussi forte, le nouveau chef de l'opposition officielle à Ottawa a dit vouloir tendre la main! Confondant opposition parlementaire et groupe de pression, M. Layton se voit proposer, influencer, discuter, s'appuyer sur l'opinion publique pour faire bouger le gouvernement. Comme une réminiscence de son passé de conseiller municipal à Toronto, où le jeu d'alliances compense l'inexistence des partis politiques.
Mais la Chambre des communes, M. Layton le sait bien, relève d'une tout autre dynamique et M. Harper n'a aucune raison, ni structurelle, ni politique, de se plier aux envies néodémocrates. Majoritaires, les conservateurs n'ont pas de concession à faire pour diriger le pays. S'il fait preuve de pragmatisme (en résistant, par exemple, à ses députés désireux de relancer le débat sur l'avortement), ce sera par calcul stratégique: les troupes de M. Layton n'y auront aucun mérite.
Par ailleurs, le gouvernement Harper est passé maître dans l'art de se jouer des règles. Dans «l'ancien Parlement», même des députés aguerris n'ont pas toujours empêché les élus conservateurs de se moquer des comités parlementaires. Face à une opposition néodémocrate dont la majorité des députés ont tout à apprendre, il faut bien voir que les conservateurs ont le champ libre devant eux. Le NPD ne deviendra pas une redoutable opposition officielle du jour au lendemain: cela prendra du travail et du temps.
Le premier ministre est d'autant plus maître du jeu que le futur président des Communes n'aura pas l'autorité de son prédécesseur, Peter Milliken, qui a occupé le poste pendant dix ans et dont l'expertise faisait l'unanimité. Il pouvait, lui, affirmer que le gouvernement Harper était coupable d'outrage au Parlement. Ces jours sont révolus.
Hier, le premier ministre interprétait son nouveau mandat comme le signal que les Canadiens «s'attendent à ce que nous poursuivions dans la même veine». Ceci a des implications de fond (la loi et l'ordre plutôt que l'environnement, les privilèges aux grandes entreprises plutôt que la lutte contre la pauvreté...) et de forme. Le gouvernement Harper ne renoncera pas à l'idéologie, au mensonge, au contrôle. À trop voir son travail à travers des lunettes orange, l'équipe néodémocrate risque de ne jamais apprendre à les débusquer. Ce qui est pourtant l'essence de sa tâche.


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