On nous "explique" la Grèce ! (Un de deux)

Tribune libre

On nous "explique" la Grèce ! (Un de deux)

Nous venons de vivre une semaine terrible. Nous étions tous avec l'Europe qui lutte avec acharnement pour son euro et pour sa vivacité.

Ah! Quelle semaine !

Nous comprenons tous beaucoup mieux ce qui se joue en Europe, n’est-ce pas ? Nous comprenons beaucoup mieux que la Grèce est dans le trou par la faute de ses gestionnaires incompétents et "croches". Et nous ne comprenons pas l'incompréhension de ces Grecs qui foutent le bordel dans les rues. Quatre morts !

On dit que certains ne condamnent pas ce peuple anarchique qui devrait au plus vite être mis au pas par les autorités, et ce, pour leur bien, pour les protéger d'eux-mêmes, parce que bien entendu, tout le monde désire ardemment leur bien.

Ah! Quelle semaine !

Il y en a eu des gens sérieux et des réunions sérieuses. Nos médias n'ont pas lésiné à nous expliquer très sérieusement les enjeux de la Grèce et de l'Europe et aussi cette terrible incompréhension que ces pauvres Grecs nous démontrent par leurs manifestions irresponsables.

Il y a le Cirque du Soleil, mais ce cirque n'est rien en comparaison au grand cirque médiatique de l'église économique qui nous explique.

La semaine dernière, ce fut le grand branle-bas de combat. Il y a une panoplie incroyable d'analystes économiques tous plus réputés les uns que les autres qui nous ont clairement (!) expliqué la situation. Nous n'avons pas le choix de comprendre. Maintenant "on sait". On ne voit pas vraiment, mais "on sait".

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La Grèce est dans le trou, le FMI et l'UE, Allemagne et France en tête la sauve généreusement, pour sauver l'Europe entière et on craint que l'effet domino fasse tomber d'autres pays irresponsables dans ce cataclysme économique.
Angela Merkel, femme généreuse et responsable s'il en est une, a sauvé la Grèce. En Allemagne, son peuple égoïste, pour la remercier, lui a fait perdre des sièges au Parlement. Quelle bande d'égoïstes ces Allemands, incapables d'appuyer la générosité de Mme Merkel!

Une crise, une terrible crise, mes amis. Les bourses du monde entier ont réagi. Et lorsque la bourse réagit, c'est un peu comme lorsque la marmotte voit son ombre, c'est un signe. Tout un signe. D'ailleurs, le prix du brut a chuté et aussitôt le prix à la pompe a grimpé de 10 sous. Ça aurait pu être pire. La prochaine fois… mieux vaut ne pas y penser.

Il faut se serrer la ceinture, mes amis. Nous vivons au-dessus de nos moyens et les Grecs, ne s'en rendent pas compte.

Si on ne soutient pas l'euro, ça pourrait se répercuter jusqu'en Asie et il se peut que les stocks de pétrole disparaissent du jour au lendemain comme nos 40 milliards de $ de notre caisse de dépôt.

C'est du sérieux, mes amis.

Peut-être vous en êtes-vous aperçu. Toutes ces lignes précédentes ne sont qu'ironie. Vous l'aviez sûrement compris (enfin, je l'espère).

Tout ça pour dire que je ne sais pas par où commencer pour vous exprimer mon désarroi face au déploiement de ces chars d'assaut médiatiques de l'armée de l'église économique.

Toute la semaine, on nous a expliqué sans jamais nous faire comprendre quoi que ce soit. On nous maintient dans ce monde économique virtuel qui est totalement débranché de la vie humaine et de l'économie RÉELLE.

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Comme le disait Mikis Theodorakis, ce compositeur, philosophe engagé et homme politique grec (élu au parlement en 1964, 1981 et 1990):
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«Avec le sens commun dont je dispose,
je ne peux pas expliquer et encore moins justifier la vitesse à laquelle notre pays a dégringolé à partir de 2009, au point d’en arriver au FMI, perdant ainsi une partie de sa souveraineté nationale et passant à un régime de tutelle.

Et il est curieux que personne jusqu’à présent ne s’est occupé du plus simple, c’est-à-dire de notre parcours économique avec chiffres et documents, de manière à ce que, nous ignorants, comprenions les causes réelles de cette évolution vertigineuse et sans précédent, qui a comme résultat la perte de notre identité nationale accompagnée de l’humiliation internationale.»
Son texte a très peu été diffusé par la Presse officielle grecque.[1]

Monsieur Theodorakis dit:

«Le dossier grec a été géré par Obama-Merkel- Sarkozy comme tout le monde a vu. L’ampleur des mesures prises par le gouvernement socialiste (soutenu par la droite et l’extrême droite) dépasse même les prévisions de l’École Hayek. Les Grecs commencent à comparer l’austérité socialiste à l’austérité pendant l’occupation allemande.»

«…Ce qui me pose problème également c’est l’exagération des coups internationaux dont notre pays est la cible, d’une telle coordination quasi parfaite contre un pays d’une économie insignifiante, ce qui finit par être suspect. Ainsi suis-je conduit à la conclusion que quelques uns nous ont culpabilisé et nous ont fait peur, de manière à nous conduire au FMI, qui constitue un facteur essentiel dans la politique expansionniste des États-Unis et tout le reste concernant la solidarité européenne est de la poudre aux yeux, pour cacher qu’il s’agit d’une initiative purement américaine, pour nous jeter dans une crise économique artificielle, de manière à ce que notre peuple ait peur, qu’il s’apprivoise, qu’il perde des conquêtes précieuses et enfin qu’il se mette à genoux, une fois acceptée la domination étrangère.»

« Tous, autour de nous, peu ou prou, sont attachés au char des États-Unis. La seule différence c’est nous…»

«Il faudrait ainsi que nous soyons éliminés en tant que peuple et c’est ce qui arrive exactement aujourd’hui. J’appelle les économistes, les politiciens, les analystes, à me démentir… les européens pro-américains du type Merkel, la Banque Européenne, la presse réactionnaire internationale, tous ensemble ont participé au ” grand coup ” de la dévalorisation d’un peuple libre à un peuple soumis. Tout au moins, je ne peux donner aucune autre explication. Je reconnais que je n’ai pas de connaissances spécifiques, mais ce que je dis, je le dis avec mon sens commun.

En tout cas, je voudrais préparer l’opinion publique et souligner que si mon analyse est juste, alors la crise économique (laquelle, comme je le dis, nous a été imposée) n’est que le premier verre amer d’un repas de Lucullus qui suivra et que cette fois-ci viendront aussi des questions nationales cruciales, dont je ne veux pas imaginer où elles nous conduiront. Je souhaite avoir tort. »

Je crois que ce texte de Monsieur Mikis Theodorakis aurait dû être largement diffusé. On préfère nous présenter le cirque médiatique des réunions de Barroso avec Merkel et Sarkozy qui "sauvent" la Grèce. On préfère nous parler du FMI réuni très sérieusement à Washington.

C'est sans parler de notre Harper qui a fait sa grande visite promotionnelle pour mettre en place un autre volet du fantastique "libre-échange".

Le néolibéralisme qui exploite et détruit les nations va bon train.

Serge Charbonneau

Québec

[1] Crise en Grèce: Une déclaration de Mikis Theodorakis
Athènes, le mardi 27 avril 2010tiré de Initiative communiste(PRCF)
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=18973


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3 commentaires

  • Raymond Gauthier Répondre

    11 mai 2010

    Merci, encore une fois, Serge de nous apporter un tel éclairage par la bande sur notre propre réalité, grâce au support que Vigile vous donne pour le faire.
    La conscience citoyenne, endormie par nos médias bornés et mercenaires, ne pourra rester en hibernation indéfiniment. Au fait, la marmotte a-t-elle vu son ombre cette année ? Je ne m’en souviens pas. Mais il y a des signes (faut-il être doué pour les percevoir ?) qui me laissent croire que nous pourrons (nous qui les voyons et qui y croyons) faire sortir de leur trou toutes ces marmottes (moins bêtes que l’on pense) apeurées à la vue de leur ombre. La résilience qui se camoufle sous la toison de la frousse va s’exprimer, je le sens, en confiance, en audace et en détermination. L’énergie de l’indignation n’a pas dit son dernier mot. Les sceptiques seront confondus !
    Beaucoup de pain sur la planche pour les téméraires que nous sommes. Mais plusieurs visionnaires que je croise sur Vigile contribuent à former cette conscience et cette solidarité qui nous ont fait défaut pour provoquer la métamorphose, hors du cocon, de la chenille en papillon.
    Raymond Gauthier

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    La Grèce, qui a abandonné son indépendance nationale à la fédération dite Union Européenne.
    Voilà ce qui attend la nation québécoise si elle ne fait pas son indépendance.

  • @ Richard Le Hir Répondre

    10 mai 2010

    M. Charbonneau,
    Très juste ! Et on voudrait faire de nous les dindons de cette sinistre farce !
    Le pire, c'est que tout le cirque de cette fin de semaine, toutes ces annonces de milliards dont les marchés se repaissent ce matin, toutes ces bretelles qui pètent sur la poitrine des larbins de ce monde, carburent au virtuel.
    En effet, les milliards annoncés n'existent pas, sauf dans l'imagination des dirigeants européens qui agitent sous nos yeux mystifiés la carte de crédit de leur pays dont la limite est déjà défoncée. Vérifiez les comptes, et venez ensuite me dire que ce n"est pas vrai.
    Une exception, l'Allemagne. Et les Allemands qui, forts de leur expérience des années 1930, voient à l'horizon poindre les brouettes d'euros comme autrefois les brouettes de marks pour acheter une livre de beurre, ont servi une leçon à Mme Merkel aux élections qui se sont déroulées dimanche pour avoir défié leur opinion.
    Tout ce qu'on vient de gagner, c'est un répit de quelques semaines, le temps que les moins avisés découvrent la frime.
    Richard Le Hir