Carles Puigdemont et quatre autres membres de l’exécutif catalan déchu retrouvent lundi matin à Bruxelles le juge belge chargé de statuer sur les mandats d’arrêt européens émis à leur encontre par Madrid, après la déclaration unilatérale d’indépendance de leur région fin octobre.
L’audience coïncide avec une autre étape judiciaire très attendue en Espagne, où le juge chargé du dossier doit dire dans la journée s’il libère ou non sous conditions dix dirigeants indépendantistes qui, eux, ont été emprisonnés pour avoir maintenu l’organisation du référendum interdit du 1er octobre.
La décision sera scrutée de près car la « répression » de l’Etat espagnol dont seraient victimes ces « prisonniers politiques » sert de leitmotiv au camp indépendantiste dans la campagne qui s’ouvre officiellement lundi à minuit pour les cruciales élections régionales du 21 décembre en Catalogne.
Les partenaires de la coalition sortante partent divisés au scrutin, les sondages sont mitigés, et des remises en liberté pourraient affaiblir l’ » élément mobilisateur » que sont ces dix incarcérations, selon des politologues espagnols.
À Bruxelles, les cinq ex-dirigeants visés par un mandat d’arrêt européen (MAE), qui ont fui en Belgique le 30 octobre, dénoncent, par la voix de leurs avocats belges, un « procès politique ».
Lundi, lors d’une audience à huis clos prévue à partir de 09H00 (heure locale), ils retrouvent, pour l’étape des plaidoiries, le juge unique de la chambre du conseil du tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles qui doit statuer sur leur sort.
Une première audience le 17 novembre s’était limitée à un exposé des cinq délits retenus par le juge espagnol, sur lesquels le procureur n’a pas caché ses réserves en requérant une demande d’exécution « partielle » du MAE.
« Rébellion » et « sédition »
C’est sur cette acceptation « partielle » des récriminations espagnoles que le débat doit rebondir lundi. « Il n’y a pas eu de violence, ni de corruption », disent en choeur les avocats.
L’Espagne veut juger les cinq ex-dirigeants catalans entre autres pour « rébellion » (délit passible de 25 ans de prison) et « sédition », pour avoir maintenu le référendum du 1er octobre.
Or « rébellion » et « sédition » ne figurent pas dans la liste des 32 infractions pénales communément utilisées pour l’application du MAE, procédure créée par l’UE en 2002 pour faciliter l’extradition de suspects entre pays membres de l’Union en évitant l’échelon politique.
Ne pas se conformer à cette liste -- qui recense des faits punissables dans tous les pays -- est « bien entendu de nature à compliquer les choses », selon un avocat fin connaisseur de cette procédure.
« La directive européenne sur l’extradition dit clairement que le mandat d’arrêt européen ne peut être utilisé à des fins politiques, même si celles-ci sont cachées derrière des crimes », a affirmé ce week-end dans le quotidien belge L’Echo Me Paul Bekaert, avocat de Carles Puigdemont.
« Les faits tels qu’ils sont décrits dans le mandat d’arrêt européen (émis à Madrid) ne sont pas punissables dans le droit belge », a renchéri auprès de l’AFP Me Christophe Marchand, qui défend deux des ex-ministres exilés et laissés libres sous conditions en Belgique.
Jusqu’à mi-janvier
Cet avocat fustige des poursuites réprimant « un processus politique qui s’est déroulé pacifiquement et dont les intentions n’étaient pas cachées ». « On a appelé à un vote pour un référendum, on n’a pas dit Aux armes citoyens », fait-il valoir.
Les avocats, qui ont coordonné leur défense, disposent de deux niveaux de recours si la chambre du conseil devait accepter la demande espagnole. Ce qui laisse augurer d’une longue procédure, au moins « jusqu’à mi-janvier », a prédit samedi le conseil espagnol de M. Puigdemont.
Après l’audience de lundi une décision devrait être mise en délibéré. Le parquet de Bruxelles a promis de communiquer la date.
Carles Puigdemont, Antoni Comin, Meritxell Serret, Clara Ponsati et Lluis Puig s’étaient exilés en Belgique après la mise sous tutelle de la Catalogne et la destitution de son exécutif, conséquences de la déclaration unilatérale d’indépendance du 27 octobre.
Huit autres membres du gouvernement destitué, dont l’ancien vice-président Oriol Junqueras, ont été inculpés et placés en détention provisoire en Espagne. C’est sur leur cas, ajouté à celui de deux dirigeants d’associations indépendantistes également incarcérés, que le nouveau juge d’instruction espagnol doit statuer lundi.
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