Ottawa et les provinces ont un manque à gagner de 100 millions $ en ne taxant pas Netflix, soutient la fiscaliste Marwah Rizqy. Au Québec, cette perte s’élève à 27 millions $, selon la professeure de l’Université de Sherbrooke.
« Ces 100 millions $ perdus, c’est seulement pour Netflix. Imaginez si on ajoute les Google et Facebook. Ce chiffre risque d’exploser », regrette Marwah Rizqy, professeure de fiscalité à l’Université de Sherbrooke.
Le gouvernement du Québec promet maintenant d’imposer la TVQ à Netflix. Après la sortie du ministre de la Culture et des Communications, Luc Fortin, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a juré mardi agir bientôt au nom de l’équité fiscale. Le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a aussi demandé à plusieurs reprises que le géant américain paie ses taxes comme les autres.
Le PDG du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), Léopold Turgeon, n’a pas mâché ses mots mercredi à l’endroit de la classe politique qui n’en fait pas assez pour protéger les entreprises québécoises, dans un discours prononcé à la conférence eCommerce-Québec au Palais des congrès de Montréal.
« L’argent sort de partout au pays », a-t-il déploré.
Selon lui, les grands joueurs étrangers comme Uber, AirBnb et Netflix font de plus en plus mal aux compagnies d’ici parce qu’ils ne sont pas obligés d’exiger les taxes et les douanes.
« C’est totalement inéquitable », estime-t-il.
Netflix reste populaire
Netlflix a plus de 100 millions d’abonnés dans le monde. Au Canada, Solutions Research Group estime ce chiffre à 5,9 millions de personnes. Selon Marwah Rizqy, environ 6 millions de Canadiens sont abonnés aujourd’hui à ce service et 1,37 million le sont au Québec.
Photo courtoisie
Marwah Rizqy, professeure
Un foyer québécois sur trois est abonné à Netflix (33 %), vient ensuite le Club illico (19 %) et Extra Tou.tv (4 %), selon une étude du CEFRIO, un organisme de recherche et d’innovation, parue cette semaine.
Selon Mme Rizqy, Québec devrait aller plus loin et taxer les Netflix de ce monde à plus de 15 %.
« Il faut juste avoir un peu de courage politique. Si Ottawa ne demande pas de TPS, pourquoi la province n’exigerait pas le 9,975 % de TVQ plus le 5 % de TPS pour un total de 15 % ? », s’interroge-t-elle.
Elle ne saisit pas non plus pourquoi Netflix aurait aussi droit à de généreux crédits d’impôt.
« L’insulte pour les entreprises d’ici, c’est que cette compagnie profitera également de crédits d’impôt de près de 200 millions $ sur leurs fameux investissements de 500 millions $ promis », déplore-t-elle.
Géants attaqués
En Europe, les géants du web sont attaqués de toutes parts. La Commission européenne demande à Amazon de rembourser 367 millions $ au Luxembourg. L’Irlande est aussi montrée du doigt pour n’avoir pas encore perçu les 19 milliards $ d’impôt impayés par Apple.
« Et si le Canada essayait dans le fond d’attirer les multinationales ici en montrant qu’il est possible de faire des ententes un à un plutôt que de payer ses taxes ? », se demande à voix haute la fiscaliste.
La proposition de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, de ne pas taxer Netflix et d’accepter un montant de 500 millions $ dans des productions originales d’ici sans quota francophone continue de susciter l’indignation dans la population.
Les artistes de la Coalition pour la culture et les médias ont vivement critiqué la proposition de la ministre.
Pour la présidente de l’Union des artistes, Sophie Prégent, l’entente avec Netflix manque de transparence et « n’est pas viable » pour les artistes.
Pertes fiscales liées à Netflix en 2017
Taxe provincialeTaxe fédéraleTotalQuébec18 M$9 M$27 M$Ontario24 M$15 M$39 M$Alberta0 M$5 M$5 M$Total Canada59 M$40 M$99 M$
Source : Marwah Rizqy, professeure de fiscalité à l’Université de Sherbrooke