Il y a quelque temps déjà avait lieu la première pelletée de terre du futur amphithéâtre de Québec. Alors que je devrais vraisemblablement me réjouir devant la mise en route de ce chantier emblématique, triste est de constater que je ne suis guère épris de l'enthousiasme collectif qui prévaut de manière générale dans la capitale ni ne partage l'optimisme des promoteurs, mais seulement en proie à un désolant malaise.
C'est qu'il y a quelque chose de déroutant, voir de légèrement malsain, dans la perception qu'entretiennent les Québécois de leur amphithéâtre à venir et d'un possible retour d'une équipe de la NHL - les fameux Nordiques. Là où prend peut-être naissance mon malaise est de voir certains se projeter outrancièrement dans ce projet et percevoir l'éventuel retour des Nordiques tel le retour d'un messie.
Il fallait voir les fidèles se ruer au Ashton du coin pour acheter leur fameuse pelle bleue et, à l'occasion de l'événement J'ai ma pelle bleue, pointer triomphalement cette dernière vers le ciel devant le maire Labeaume, pour constater le degré d'identification immodérément enthousiaste de certains. Soit, il est compréhensible que les Nordiques aient été et restent un symbole de fierté pour les habitants de la ville. Qu'on se le dise, les Nordiques font partie de notre histoire et constituaient un élément structurant de la vie collective ; comme l'écrit Francois Lisée, « Cela tenait à la fois du divertissement, de la présence de notre sport national dans nos vies et même de l’aiguisement de notre esprit compétitif. ». Mais de là l'entrain inébranlable frisant l'aveuglement de plusieurs? Lors de la Marche bleue, ils étaient près de 75 000 a prendre d'assaut la rue pour la résurrection de leur équipe de hockey – cette priorité nationale! -, et ce, malgré le montage financier douteux du futur aréna et un investissement du privé bien maigre. Petite parenthèse, où sont ces gens lorsque le gouvernement Harper fait passer des projets de loi omnibus ? Y en a-t-il seulement pour la « libarté » d'expression et le sacro-saint hockey dans la capitale ?
Par ailleurs, ce qui désole encore, ce sont ces populistes animateurs radio qui traitent du retour des nordiques ad nauseam avec cette toujours rare acuité intellectuelle qui les distingue. Ces derniers qui nous ont vendu l’idée qu'investir dans un aréna en vaut la peine, bien que le reste du temps ils se donnent à cœur joie d'affirmer que tout investissement de fond public n'est que tromperie. Ces 400 (voir plus) millions, qu'on y pense, auraient pu être investit dans de meilleurs soins à domicile ou bien dans des logements sociaux. Mais non.
En même temps, je me dis, est-ce si mal qu'il en soit ainsi, que nous soyons amoureux-fous de nos Nordiques?
S'identifier à son équipe de hockey, quoi de plus normal et sain apparaît-il ? Cela permet l’assimilation d’une propriété de « l’autre » (son équipe) et participe à la nécessaire constitution de son identité propre. Qui plus est, s’identifier à une équipe sportive, c’est laisser cours à nos pulsions de réalisation et d'accomplissement et agit comme catalyseur des pulsions agressives. Les Québécois se portent mieux lorsqu’ils peuvent «prendre part» à une partie de Hockey de leur équipe chérie, parlez-en aux intervenants et bénévoles des lignes d’écoute et de crise. La société y gagne également. On peut penser, dans le cas qui nous concerne, que cela ravivera la saine rivalité Québec-Montréal, forte utile pour davantage unifier la ville et entretenir notre compétitivité. Finalement, s'identifier à son équipe, cela agit comme un moteur collectif, une façon de progresser et de se sentir faire parti d'un tout. Tout ceci est loin d'être négligeable.
L'élément qui me désole cependant c'est que les Québécois s'identifient à ce point à l'équipe sportive qu'ils apprécient qu'il s'avère parfois que leur identité se confond avec l'objet même de leur passion. Il en va d'un « je suis ce que j'aime ». En terme psychanalytique, on pourrait presque parler d'une identification narcissique.
En effet, cette identification à un objet pulsionnel (les Nordiques) qu'aime le sujet (les québécois) amène ce dernier à « devenir », en quelque sorte, ce qu'il aime. À cet égard, certains avancent que si les québécois se collent à ce point à l'objet-Nordiques c'est pour maintenir une identité précaire; cette dernière qui peine à se redéfinir depuis le départ des Nordiques, notamment. Je ne sais trop à quel point c'est généralisé, mais chez plusieurs, il semble bien que le deuil de cette perte n'ait pas été effectué adéquatement. Il n'y a qu'à voir comment certains entretiennent leur « flamme bleue » par autant d'objets (drapeau, casquettes, t-shirts) qu'ils entreposent ou portent. L’objet satisfaisant (Les Nordiques) est remplacé par le contact réel et permanent de ces objets, et ce au service du déni de l’altérité et de la dépendance.
Il est beau d'être enthousiaste et d’avoir un projet collectif, mais pourquoi diable s'évertuer à rejouer la même partition? Que le rêve puisse éventuellement s'effriter de par le simple « test du réel », les gens y pensent-ils seulement? Difficile ne pas voir dans la quête aux Nordiques une façon bornée d'actualisée un passé chéri.
Pourquoi ne pas essayer d'aller chercher d'autres symboles, d'autres icônes, d'autres moyens de forger notre identité et d'en être fier? Ce projet d'amphithéâtre et les fameux Nordiques qu’on nous fait miroiter donnent sans nul doute de l'espoir et tendent à rallier les gens à une cause porteuse, mais celle-ci n'est-elle pas propulsée par une nostalgie considérable et opportuniste qui, ultimement, ne pourra tenir toutes ses promesses.
Une entreprise commerciale euphorique
Malaise face au retour des Nordiques
Étienne Boudou-Laforce
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8 commentaires
Serge Jean Répondre
15 mai 2013Il a fallu sortir les Nordiques de Québec pour qu'on ne les empêche pas de gagner la coupe Stanley; ça je m'en souviens.
Les Nordiques n'auraient jamais pu gagner la coupe à Québec;
ça aussi je m'en souviens pour l'avoir constaté et observé de mes propres yeux. Ces choses ne sont pas écrites sur la glace, elles se constatent par la force des événements.
Alain Côté nous a révélé accidentellement ce qui se passe réellement derrière cette entreprise la ligue nationale qui oui parfois peut faire de la politique à sa manière.
Il n'y a qu'un seul endroit en Amérique du nord où le hockey peut prendre sournoisement des allures politique et c'est à Québec. L'entredéchirement canadien/nordique nous a révélé des choses bien plus profondes que le sport lui-même. Comment expliquer que le club canadien de Montréal est incapable d'être une vraie équipe de hockey qui gagne, quand il n'y a pas de Nordiques dans les parages?
Ils étaient bons aussi les canadiens quand Mario Lemieux pourtant d'une équipe outre-frontière était sur la glace; ça aussi je l'ai remarqué à l'époque. C'est simple, quand il n'y a pas de canadiens français à abattre sur la glace, le canadien est un club moribond de bons à rien qui essaie de ressuciter ou fait semblant, depuis une trentaine d'années.
L'équipe des pigeons voyageurs millionnaires; et on tente inlassablement de faire surgir de la fierté avec un gréement pareil, qui ne représente absolument rien mais rien du Québec et de son histoire du hockey.
Un téléphone Bell et une bière molson, avec un amphithéâtre qui fait office de gare d'arrivées et de départs pour les pigeons voyageurs millionnaires planétaire du hockey; voilà ce qu'est devenu le canadien de Montréal; une usine à désespoir qu'on saoule avec la bière Molson pour oublier les fantômes du passé.
Un peuple a failli surgir avec cette équipe jadis glorieuse, et ce sont les canadiens français principalement qui détiennent le record jamais battu de cinq coupes stanley sucessives; il a fallu inventer le repêchage universel pour arrêter ça.
C'est ici également où sont nés les hommes les plus forts de la planète, ici également des inventeurs anonymes qui feraient honte aux prétentieux des prix nobels et je pourrais continuer comme ça pendant des heures dans d'autres domaines comme les lettres et les arts.
Pour nous remercier on nous envoie des contingents de Jos connaissants international, pour venir nous éduquer, nous faire sentir fallacieusement que nous sommes en retard, que nous devrions tous parler l'anglais, que nous jettions à la poubelle notre histoire de coureurs des bois, de bûcherons, de laboureur, d'arbre de Noêl et quoi d'autre encore? Ah oui, donner notre chemise, ça c'est très important pour la visite d'envahisseurs moralistes profiteurs.
Mais bonyeu, qu'est-ce qu'ils enseignent dans les écoles de la nation?
Serge Jean
Archives de Vigile Répondre
15 mai 2013Est-ce qu'il y'a une guerre entre les Sénateurs d'Ottawa
et les Maple Leafs de Toronto. "Non" Pourquoi.
Excusez l'anglisisme "Business as usual" Arrêtez vos
luttes fraticides et tenez vous en au hockey qui est
un jeu d'équipe. Veut veut pas l'amphithéatre de Québec est en construction. Il faut vivre avec peut importe si vous prenez pour les Canadiens ou les Nordiques.
Yves Rancourt Répondre
15 mai 2013@ L'inconnu(e)?
Vous me semblez bien effrayé pour ne pas avoir signé votre texte? Je vous répondrai simplement que j'habite Québec et y ai vécu presque toute ma vie. J'ai également porté fièrement le carré rouge l'an dernier et n'hésite aucunement à afficher mes convictions souverainistes. J'en ai aussi contre les radios poubelles et n'hésite pas à le dire. Enfin, je me passerais personnellement du retour des Nordiques car je crains que ça ne nuise au sport amateur, notamment au football universitaire où le Rouge et Or excelle. Cependant je ne m'y oppose pas, constatant entre autres que mes enfants en seraient bien heureux.
Cela dit, je répète ce que je disais plus haut, je déteste voir des gens venir, du haut de leur grandeur, discréditer d'autres Québécois, qu'ils considèrent comme des moins que rien parce qu'ils ne pensent pas comme eux et ont des passions différentes des leurs.
@ Serge Jean,
En tout respect pour vous, tout votre texte est basé sur les pires hypothèses: peu de joueurs québécois, on va se faire "fourrer" et quoi encore. Ce que vous dites est possible mais je vous répondrai que les Nordiques d'autrefois étaient très bien équilibrés, avec une majorité nette de joueurs québécois(les Goulet, Marois, Côté, Bernier et autres) puis les Stasny, Hunter et autres. Il est à espérer que la nouvelle équipe, si elle vient, ressemblera à la première. J'ajouterai ceci, que les gens ont oublié: pendant deux ans( 2011 et 2012), le réseau TVA et PKP ont présenté à la télé une série de matchs de hockey Québec-Montréal, voulant compétitionner TLMP le dimanche soir. Toute la mise en scène à Québec était en bleu( gilets, drapeaux, "hymne québécois" créé et chanté par Biz et Loco Locass, etc), et l'amphithéâtre était plein à craquer. J'ai cru comprendre que PKP voudrait que l'image des futurs Nordiques ressemble à ça. C'est mieux que les Canadiens des Molson, n'est-ce pas, dans lesquels bien des Québécois de l'époque ne se reconnaissaient pas et ne se reconnaissent pas encore et qui comptent peu de joueurs québécois.
Beaucoup de souverainistes, certains trop "intellectuels" pour voir plus loin que leur nez, oublient que le sport peut être un puissant vecteur de développement de notre fierté nationale. Il n'y a rien de mieux, pour rebâtir cette fierté, que de voir une équipe, aux couleurs de notre drapeau national, remporter chez nous ou ailleurs des victoires contre des équipes "canadians" ou américaines. C'est ce que je nous souhaite vivement.
Salutations.
Serge Jean Répondre
15 mai 2013Regardez-bien le beau cheval de Troie venir, regardez!
Ils viendront pour assassiner les Nordiques ou ce qu'il en reste dans la mémoire populaire; il n'y a pas de limites à la sodomie capitaliste fédéraliste mondialiste avec toute sa grappe pourrie de commettants.
Je suis triste pour ces gens qui se feront fourrer; ils croiront aduler les Nordiques alors qu'on viendra une fois de plus pour immoler, écrapoutir, enterrer, leur histoire. On peut penser sans trop se tromper, qu'il n'y aura pas beaucoup de joueurs canadien-français dans cette nouvelle édition de Troie, on viendra ici pour l'argent et pas autre chose; c'est l'émotivité qui rapporte beaucoup d'argent. Il y a encore beaucoup d'émotivité à exploiter dans ce peuple, et à Québec c'est un sanctuaire de fierté et d'émotivité. C'est par l'émotivité qu'on fourre les gens, il ne faut pas s'étonner si Québec vote toujours en se tirant dans le pied.
Un ami amateur de hockey et du canadien l'autre jour, à qui je faisais remarquer l'absence de joueurs d'impact francophones dans cette équipe, me répondit qu'il n'y avait pas assez de bons joueurs Québécois pour jouer dans cette ligue, la ligue nationale,et il le croyait sincèrement.La ligue nationale?
De quelle nationalité est-ce qu'on parle par ailleurs? Je me le demande bien.
Toujours est-il qu'il faut être rendu loin en bonyeu dans notre état de colonisé pour croire que nous ne sommes pas assez bons pour produire de bons joueurs de hockey. Un peuple qui a enfanté Maurice Richard, Guy Lafleur, Jean Béliveau, Mario Lemieux, et combien d'autres et tiens aujourd'hui soudainement, nous ne sommes plus assez bons. C'est un crime d'auto-flagellation, de dénigrement une atteinte grave contre notre estime naturelle de nous-mêmes et le plus fantastique c'est que nous croyons celà dans ce milieu.
J'arrête, je suis trop dégoûté du travail de dénigrement de nos ennemis sur notre nation. Ils sont partout, même ici sur Vigile. Ils croient qu'on ne les voit pas, ces être essentiellements méprisants et ils se croient très intelligents, au dessus de la moyenne, alors qu'en réalité ce ne sont que des cruchons bien remplis et articulés, programmés pour la destruction du monde; presque des robots. L'intelligence véritable est une force contructive dans l'univers, ça ne ressemble en rien à un club de surdoué prétentieux le verre de limonade à la main. Pauvres idiots!
Serge Jean
Archives de Vigile Répondre
14 mai 2013@ Yves Rancourt:
«Je n’en reviens pas de voir comment certains aiment exprimer et entretenir leur mépris envers certains des nôtres. Espère-t-on ainsi les convaincre d’adhérer à notre façon de voir, à notre projet de pays ?»
Viens vivre à Québec, pendant au moins un an, et dis ouvertement que tu es souverainiste; que tu te fous du retour ou non des Nordiques, car tu crois qu'il y a des choses plus importantes dans la vie; que tu hais les deux radios-poubelles; que tu appuyais les Carrés rouges, l'été dernier; puis quand tu auras vu de quelle manière les gens des banlieues comme Beauport et Loretteville, de même que les militaires de la base de Valcartier, t'auront insulté, ridiculisé, et parfois même menacé, là, tu m'en reparleras!
Yves Rancourt Répondre
13 mai 2013Je n'en reviens pas de voir comment certains aiment exprimer et entretenir leur mépris envers certains des nôtres. Espère-t-on ainsi les convaincre d'adhérer à notre façon de voir, à notre projet de pays?
J'ai cru un moment que Vigile pourrait être un lieu pour bâtir des ponts et la solidarité nécessaires à la réalisation de notre projet national. J'en doute maintenant fortement.
Salutations.
Archives de Vigile Répondre
13 mai 2013Si les gens de Québec, au lieu de s'attacher à des bébelles, avaient l'intelligence minimale de faire de leur ville une vraie capitale nationale d'un vrai pays, cela aurait pour effet de mettre cette ville sur la carte du monde, de l'ouvrir à tous les peuples et nations de la planète et de faire rayonner le Québec dans le monde, tout en ayant des équipes nationales dans toutes les disciplines sportives. Mais non, ils votent pour la CAQ! C'est est décourageant.
On peut toujours se prémunir contre la violence, mais contre la bêtise on est toujours désarmés.
Pierre Cloutier
Jean-François-le-Québécois Répondre
13 mai 2013Vous avez écrit:
«En effet, cette identification à un objet pulsionnel (les Nordiques) qu’aime le sujet (les québécois) amène ce dernier à « devenir », en quelque sorte, ce qu’il aime. À cet égard, certains avancent que si les québécois se collent à ce point à l’objet-Nordiques c’est pour maintenir une identité précaire...»
Si oui, il y en a beaucoup qui vont vivre de la dissonance cognitive, quand ils se rendront (vite) compte que la plupart des joueurs de cette nouvelle équipe, viendront pour la plupart d'ailleurs que du Québec; et pour la majorité ne voudront pas apprendre un seul mot de français. Et ce, en ayant un pied à terre à Québec, oui, mais une résidence ailleurs.
Je suppose que, en cette époque où nous sommes un peuple qui se sent presque contraint à s'excuser d'exister, et d'avoir sa propre langue, les citoyens de notre capitale nationale, ont les idoles qu'ils peuvent...