Lucien Bouchard prend la plume pour contribuer encore une fois au débat sur le projet de Charte de la laïcité du Québec. Son texte est reproduit en page A 15 dans La Presse du 28 janvier 2014 sous le titre, je cite: « Le dur test de la réalité » Faisons lui honneur en décryptant son message.
Précisons que la «réalité» dont il se gorge n’est pas l’actualité. Il fantasme sur une réalité future de là le choix de l’expression “ Lucien le devin “. Il affirme en bon avocat deviner les situations “hypothétiques” qui attendent de pied ferme les applications de la future Charte de la laïcité du Québec. Lucien le devin a déjà prédit que l’indépendance du Québec était impossible avant dix ans. Faisant fi de tout principe de pédagogie, Lucien n’a pas été retenu comme entraîneur des athlètes aux jeux de Sotchi. Il les aurait tous démotivés à se surpasser.
La devise de Lucien Bouchard est connue: « là où j’ai échoué, personne ne peut réussir ! » Ce monsieur est tellement motivant, tellement inspirant pour le Québec tout entier. Avons-nous vraiment besoin de ses encouragements, je devrais dire, de ses découragements ?
Lucien Bouchard retient comme argent comptant que les fonctionnaires actuels qui portent des signes religieux ostentatoires choisiront le congédiement au lieu de respecter la volonté majoritaire des Québécois exprimée par leur Assemblée Nationale demandant de retirer leurs signes religieux ostentatoires durant leurs heures de travail.
Cette vérité ex-cathedra de Lucien le devin, à savoir que la Charte engendrera des congédiements à la tonne, est-elle une approximation sur son pif ou repose-t-elle sur des études qu’il peut rendre publiques ? Sait-il combien de fonctionnaires en poste actuellement choisiront de défier la volonté populaire du peuple du Québec exprimée dans une Charte de la laïcité du Québec ? Est-il conscient que son jeu de devinette ressemble à une invitation à la désobéissance civile ? Pour un avocat, ça promet.
Sait-il que le voile de la musulmane est un étendard politique tel qu’expliqué par Djemila Benhabib dans les dernières pages de son livre « Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident » VLB Éditeur, 2011 ? Sait-il que le port du voile par les musulmanes est une position des imams extrémistes à l’oeuvre au Québec ? Sait-il que le port du voile ne fait pas partie des cinq piliers de l’Islam qui sont: la foi en Allah, la prière, l’aumône, le jeûne et le pèlerinage ?
Sait-il qu’entre 2001 et 2011, les Québécois s’affichant de religion musulmane ont vu leur nombre croître de 124%, passant de 106 620 à 243 430 personnes et qu’en 2001, près de 70% des québécois de religion musulmane venait des immigrants. On peut penser que cette proportion a augmenté selon les chiffres du recensement de 2011 ?
Le 70% de 2001 veut dire que, majoritairement, la religion musulmane n’est pas le fait des Québécois de souche et que ces Québécois musulmans, imbus de multiculturalisme de la Charte de Trudeau, sont informés et encouragés par les adversaires du Québec à exercer leur droit à la non-intégration comme l’explique Alexandre Delorimier dans son excellent texte-essai intitulé «Le Québec à la croisé des chemins », septembre 2013. Monsieur Bouchard a-t-il fait ses devoirs sur les impacts de l’islam implanté au Québec depuis 1990, tel qu’expliqué sur le site postedeveille.ca ?
Lucien Bouchard parle d’expérience quant aux réalités passées. À titre de personnage public, il a vécu dans sa chair plusieurs durs tests de la réalité. Les Québécois se souviennent de l’aventure du « Déficit zéro » dans les années 1997 et 1998 alors qu’il était le premier ministre du Québec.
Le dossier des gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent nous fournit un autre exemple de son implication dans une aventure d’échec à la tête de l’Association des pétrolières et gazières du Québec. Il faut un brillant frappeur de relève d’André Caillé qui dut se retirer pour surmenage. Faute de sa part de voir clair, ce sont des milliers de Québécois qui lui ont fait comprendre qu’on ne voulait pas détruire notre environnement de l’unique et irremplaçable Vallée du Saint-Laurent avec des milliers de puits de gaz.
Nous reconnaissons la propension au pathos, aux effets de toge du plaideur d’une mauvaise cause dans l’extrait de son article produit dans La Presse du 28 janvier 2014: « Le spectacle de jeunes préposées aux garderies dépouillées de leur gagne-pain, de médecins de l'Hôpital Juif ou d'enseignants clamant leur désarroi chaque soir au téléjournal pourrait bien en effet déclencher l'indignation de Québécois aujourd'hui rassurés par des raccourcis faciles. » Les raccourcis faciles semblent plutôt son fait, le tout dissimulant à peine une invitation à la désobéissance civile dans l’éventualité de l’adoption du projet de loi 60.
Son attention envers l’Hôpital Juif de Montréal nous rappelle l’infâme vote de blâme de l’Assemblée Nationale contre le citoyen Yves Michaud. Il n’y a pas que le voile musulman qui est une ruse. La kippa juive l’est aussi. Lors de l’arrestation de Michael Applebaum le 17 juin 2013, celui-ci avait pensé enlever la kippa de sur son chef.
Lucien Bouchard a la mémoire bien courte parlant de congédiements. C’est bien lui qui à titre de premier ministre du Québec, obnubilé par les diktats des marchés financiers, a comme «congédié» dans les années 1998 et suivantes des milliers d’employés de l’État dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Selon des observateurs, les méfaits de ces mises à pied se font sentir encore aujourd’hui.
Voici ce qu’on lit dans Le Soleil du 12 février 2009 sous le titre, je cite: « Déficit zéro: douloureux coup de barre » du journaliste Simon Boivin: « Un programme de mise à la retraite a entraîné deux fois plus de départs que prévu dans l'appareil public, soit 30 464 salariés directs ou indirects. Le secteur de la santé et des services sociaux se vide de près de 10 % de son effectif.»
Au lieu de s’empresser comme prophète de malheur de couler la chaloupe du sociologue Guy Rocher, peut-il laisser la chance au coureur, le coureur de la démocratie en marche sous l’oeil attentif du courageux Ministre Drainville, de toute l’équipe du Gouvernement Marois et de la participation de milliers de Québécoises et de Québécois ?
La proposition de Lucien le devin est de s’en remettre au rapport de la Commission Bouchard- Taylor, co-signé par quelqu’un qui lui est proche, son frère Gérard, aux côtés de Charles Taylor, ultra-libéral en faveur des tribunaux de la charia. Ce rapport du 22 mai 2008 commence à dater et est suspect à plus d’un chef: il y a comme commanditaire, le PM du temps, John James Charest qui a agi comme déconstructeur du Québec entre 2003 et 2012. Il y a aussi le fait que les recommandations de cette Commission ne devaient pas brouiller l’eau, comprendre s’insérer dans l’esprit des droits individuels et du multiculturalisme à la sauce canadienne.
La position de Lucien Bouchard, une fois de plus, feint d’ignorer toute la dynamique du piège pour le Québec contenu dans l’art. 27 de la Charte des droits et libertés de Trudeau-1982 qui se lit comme suit, je cite: « Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ».
Chaque mot de l’article 27, pour l’avocat Lucien Bouchard, devrait résonner comme un bruit de chaîne qui sabotent les aspirations du Québec vers son indépendance et c’est ce que lui et son frère n’ont pas compris en tant qu’intellectuels patentés.
Pour le Québec, cet article 27 oblige à un combat de tous les instants, pas dans dix ans. Au lieu d’un travail de vigilance et de courage, les frères Bouchard s’enlisent dans un déni stérilisant que nous dénonçons avec toute notre énergie. Je suis certain que les Québécoises et les Québécois sont légions à rappeler aux frères Bouchard que le projet d’indépendance du Québec vaut le coup et ce n’est pas en s’alliant avec tous les Charles Taylor de la terre qu’on est en bonne compagnie.