IDÉES

Les vices cachés d’une promesse électorale à Québec

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Vendre son âme pour un plat de lentilles pourries

Vous transformez en promesse électorale le projet de ramener cinq cents résidants permanents dans le Vieux-Québec. Vous enrobez votre promesse de subventions alléchantes pour la rénovation de toitures, de façades, etc. Vous bombez la poitrine en pensant qu’un moratoire sur les Airbnb signalera le début de la solution aux exils continus. Et vous promettez des commerces de proximité. Fake news, M. Labeaume.



Il y a des vices cachés dans vos promesses. Le premier, c’est qu’il n’y a plus de vie, dans le Vieux-Québec, de vie humaine, s’entend. Si plus de 60 % de ses résidants ont fui le Vieux depuis 20 ans, c’est pour la principale raison que le Vieux est devenu invivable. Qui souhaite venir s’établir dans l’invivable ? Vous viendriez, vous, Monsieur le Maire ? Car ce ne sont pas seulement les Airbnb qui les chassent, les résidants du Vieux. Ce ne sont pas non plus ni une épicerie, ni une nouvelle toiture, ni un triple vitrage aux fenêtres qui les ramèneront. C’est tout le reste. Laissez-moi essayer de brosser en quelques mots et à grands traits le portrait de la réalité.



Vous habitez le Vieux-Silrit, mettons, ville fictive. Ville historique, capitale de la nation québécoise, site du patrimoine de l’humanité, dit l’UNESCO. L’artère principale du Vieux-Silrit est le chemin Saint-Louis. Tous les résidants permanents empruntent cette artère pour se rendre chez eux, soir et matin, tous les jours. Car il n’y a plus de commerces de proximité dans le Vieux-Silrit. Pas de transport en commun, non plus. Il faut prendre son char pour aller acheter une livre de beurre. Pas de familles, non plus, pas d’enfants, pas d’écoles (sauf pour les petits transportés de la banlieue dans les écoles privées, soir et matin). Tout le monde est parti ou n’attend que l’occasion de partir.



Ne plus y vivre



Pourquoi cet exode ? Parce que plus personne de sensé ne souhaite vivre dans le Vieux-Silrit. Votre artère principale est souvent complètement barrée durant l’année et impunément réduite à une voie entre les rues Maguire et la Côte de Silrit, où c’est la jungle circulatoire durant plusieurs semaines, le quart d’une année si on additionne ensemble toutes les activités, tous les préparatifs et tous les jours de « démantèlement » que ceux-ci nécessitent. Les grands rendez-vous comme le Festival d’été, le Carnaval, la Fête nationale, les compétitions de ski et de vélo, les courses à pied, les défilés de la Nouvelle-France et de la Saint-Patrick, Canada Day, la Grande Marche, la Grande Roue, les Grands Feux, les Grands Voiliers, etc.



Et s’il n’y avait encore que les activités pour l’amusement des touristes et des banlieues. Il y a aussi les chevaux des calèches, multipliés par cinq durant les mois chauds, une plaie qui génère des congestions monstres, de mauvaises odeurs, de la rage au volant. Ajoutez les gros transporteurs de touristes, plus hauts, plus gros, plus longs que vos maisons, et plus nombreux que jamais, parfois jusqu’à une vingtaine en même temps entre la porte Saint-Louis et la place d’Armes. Ajoutez les Vieux-Silrit Tour Buses à deux étages (cinq autobus en service, seize tours offerts par jour, d’autres en soirée, sur demande).



Ajoutez à cela le bruit. Imaginez un Festival d’été installé en bas des falaises du Vieux-Silrit, sur le belvédère du boulevard Champlain, fermé pour deux semaines à la civilisation. […]



Le Vieux-Silrit est devenu une ville comme celles de ces autres politiciens-vendeurs de villes patrimoniales aux touristes et aux commerçants — Barcelone, Athènes, Venise. Invivable ! Ils n’ont pas voulu comprendre, ces politiciens-vendeurs de non vendables, qu’ils ne pouvaient pas avoir les deux : le fric et la dignité. Ou bien plus de touristes, de commerçants, de terrasses, d’appartements touristiques, de spots zoning favorisant plus de commerçants, ou bien le bien commun, le patrimoine, les citoyens, les résidants, les personnes. Ou bien le fric du capitalisme mondialisé, sans conscience, sans culture, sans remords, à n’importe quel prix, vulgaire, ou bien la dignité.



La solution ? Il faut cesser de jouer à l’autruche. La vie résidentielle ne pourra jamais résister à la vie touristique incontrôlée.



Un. Retour du Carnaval sur les Plaines, avec le Festival d’été ; diminution des limites de décibels pour les spectacles extérieurs ; pas de musique dans les rues produite par les restos, les bars, les terrasses ; aucune artère principale fermée, sauf pour la Fête nationale ; aucune rue secondaire fermée, sauf pour la Fête nationale ; aucun Monster Bus transporteur de touristes dans le Vieux ; aucun Double-Decker Bus de Quebec Tours, surtout pas avec 16 tours par jour ; aucun cheval-calèche ; aucune nouvelle terrasse extérieure sans consultation auprès des citoyens ; aucun événement qui paralyse les artères principales des semaines durant ; aucune affiche « bilinguale » des menus de restos placardée grandeur « Green Giant» sur leurs devantures pansues, etc. On pourrait discuter.



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