Les vacances de Trudeau chez l’Aga Khan continuent de le hanter

Parti à la rencontre des citoyens, le premier ministre est rattrapé par les questions éthiques

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Des vacances qui vont lui coûter cher

Le premier ministre Justin Trudeau a-t-il contrevenu à la Loi sur les conflits d’intérêts en acceptant de se rendre sur l’île privée du philanthrope Aga Khan pendant ses vacances des Fêtes ? La question se pose alors que M. Trudeau a admis jeudi qu’il avait effectué une portion du voyage dans l’hélicoptère privé de l’Aga Khan mis à sa disposition.

M. Trudeau entamait jeudi une tournée pancanadienne de trois semaines au cours de laquelle il entend multiplier les séances de questions-réponses avec des citoyens et les arrêts impromptus dans des cafés, restaurants et haltes routières. Mais les questions d’éthique, que cette tournée vise probablement à occulter, ont rattrapé le premier ministre lorsqu’il a été questionné en point de presse à propos de ses vacances de Noël.

On savait que M. Trudeau avait voyagé à bord du Challenger du gouvernement jusqu’à Nassau, aux Bahamas, mais on ignorait comment il avait parcouru les quelque 100 kilomètres séparant Nassau de l’île privée Bells Cay appartenant à l’Aga Khan. Jeudi, M. Trudeau a confirmé que c’était par hélicoptère.

« Le voyage aller-retour entre Nassau et l’île s’est déroulé à bord de l’hélicoptère privé de l’Aga Khan mis à notre disposition, a répondu M. Trudeau. Nous sommes dans le processus d’expliquer cela en détail aux médias et c’est quelque chose dont nous serons prêts à discuter avec la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Mais nous ne voyons pas de problème à cet égard. »

La Loi sur les conflits d’intérêts stipule qu’il « est interdit à tout ministre, ministère d’État ou secrétaire parlementaire et à tout membre de leur famille […] de voyager à bord d’avions non commerciaux nolisés ou privés pour quelque raison que ce soit, sauf si leurs fonctions de titulaire de charge publique l’exigent ou sauf dans des circonstances exceptionnelles ou avec l’approbation préalable du commissaire ». Il n’y a pas eu de telle approbation préalable et rien n’obligeait M. Trudeau à séjourner là-bas.

Le guide d’interprétation de la Loi rédigé par le bureau de la commissaire, Mary Dawson, donne des exemples de « circonstances exceptionnelles » : « urgence, panne de l’avion commercial, pas d’autre avion commercial ». Comme il s’agit d’une très petite île (1,6 kilomètre dans sa portion la plus large), aucun vol commercial ne la dessert. En fait, les images satellites ne font état d’aucune piste d’atterrissage. Ce passage donne donc à penser que l’exception s’applique à M. Trudeau. Mais il est à noter que la version anglaise du guide ne dit pas du tout la même chose. Elle stipule plutôt : « Il existe des circonstances exceptionnelles, comme une urgence ou un bris d’avion commercial et qu’il n’y a pas d’autre vol commercial raisonnable dans les circonstances. » Mis au fait de cette disparité linguistique jeudi soir, le bureau de la commissaire a indiqué qu’il fallait s’en tenir au texte de la Loi.

Mis devant, plus tard en cours de conférence de presse, à cette apparente entorse à la Loi, M. Trudeau a répondu qu’il répondra à toutes les questions que la commissaire Dawson « pourrait avoir ». Puis il a réitéré que « l’Aga Khan est un ami de la famille personnel et le voyage pour se rendre à l’île et en sortir ne peut se faire que par des moyens privés ». La commissaire Dawson a été saisie de ce dossier à la demande du député conservateur Andrew Scheer.

Le chef par intérim du NPD, Thomas Mulcair, conclut pour sa part qu’il y a eu violation de la Loi. « M. Trudeau soutient que c’était pour des vacances familiales, et non pour des affaires gouvernementales. Il ne s’agissait pas de circonstances exceptionnelles, alors cela ne justifie pas l’utilisation d’un hélicoptère privé. Il y a un conflit d’intérêts évident, et c’est préoccupant de voir à quel point le premier ministre a été vague sur les détails de ce voyage », a-t-il fait savoir par communiqué de presse.

« Justin Trudeau savait que ce qu’il faisait était illégal. Il n’avait qu’à dire non, mais il n’a pas pu résister à l’envie de vivre comme un milliardaire », a pour sa part commenté Rona Ambrose. La leader par intérim des conservateurs a fait ce commentaire sur Twitter, en fin de journée jeudi.
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