Les Québécois invisibles

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« Les élites auraient intérêt à sortir de leur patelin mental. »




Je serai la première à l’admettre, l’image des Québécois que nous renvoie l’appareil médiatique colle de moins en moins à la réalité et se rapproche du fantasme collectif.




Contrairement à l’évidence, nous ne sommes pas devenus un peuple de hipsters.




Tous les Québécois n’ont pas remplacé les patates par du quinoa, ni ne boivent de smoothies au chou kale pour déjeuner, préférant des toasts de pain blanc, Map-O-Spread ou cretons. Il y aura beaucoup plus de pâtés chinois sur les tables du Québec ce soir que des croquettes au tofu, sauce à l’aubergine chinoise bio.




La plupart des hommes ne portent pas un chignon. La majorité ne court pas de marathons.




Qu’importe, une image « plateauisée » ou « saintrochisée » de la société québécoise domine. Des élites autosatisfaites imposent des modes de vie difficile à reproduire, à moins d’avoir entre 20 et 40 ans, de vivre près du centre-ville, d’être fortuné et sans enfants.




Encore le vélo




Prenons le vélo. Les élus sont-ils au moins capables de comprendre que le vélo 24/7, en été comme en hiver, ce n’est pas pour tout le monde ? Notre société est vieillissante : papi à vélo frise le ridicule... et l’accident.




Imaginons aussi mamie dans le métro, ligne orange, à 17 h 30... En vieillissant, le sens de l’équilibre se détériore. Les gens préfèrent l’auto. Ils s’y sentent en sé-cu-ri-té.




Depuis que le transport en commun s’appelle collectif, plus personne n’offre sa place aux vieux, aux parents ou aux femmes enceintes. Le mode de vie urbain actuel est chiche côté civisme (ce que nous appelions la bienséance). Dire que nous apprenions cela à l’école, avec renforcement à la maison. J’entends maman : « Enlève tes coudes de la table ! » (Levez la main si vous saviez que les coudes sur la table, c’est impoli.)




Je suis allée au dernier Salon de l’auto pour QUB radio. C’était rempli de ces Québécois « ordinaires » qu’on ne met jamais en valeur dans les médias. Des papas qui passaient du bon temps avec leurs fils, une femme voilée, en jeans, avec ses deux petits, des ouvriers en bleus de travail. Le peuple. Quel beau mot.




Les chantres du progressisme comprennent-ils les milieux de vie autres que ceux qu’ils fréquentent ?




Réalités rurales




Depuis trois ans, j’habite la campagne. Quelle éducation. Un jour, je vous raconterai comment j’ai troqué Holt Renfrew contre Tigre Géant sans perdre le sourire, ou le look. Hier, j’ai appris le prix des pneus de tracteur (cher).




J’ai appris que la ruralité est un mode de vie énergivore. Essentiel pour nourrir la ville.




Dominic Champagne tomberait raide mort dans mon « agri-patelin » en voyant les gros 4x4, les Ski-Doos, les VTT, les Ford F-150 et les multiples véhicules dans le garage nécessaires quand la pinte de lait la plus proche est à 12 km. Sans oublier les laboureuses, les moissonneuses-batteuses, etc.




Nos agriculteurs méritent leur voyage dans le Sud l’hiver. En avion. Avec nos remerciements.




Les élites auraient intérêt à sortir de leur patelin mental. On ne peut pas refaire le monde sans y inclure tout le monde.