Les projets fous de Samuel de Champlain

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Ce que révèle le plus vieux manuscrit de Champlain jamais trouvé avant son arrivée en Nouvelle-France

Samuel de Champlain est un personnage mystérieux de l’Histoire. On sait que le seul portrait connu de lui est un faux. Et sa sépulture, sous une ancienne église de Québec, demeure introuvable.


Le plus ancien manuscrit connu de l’explorateur vient cependant d’être exhumé des rayons de la Bibliothèque nationale de France, par un grand spécialiste de l’oeuvre de Champlain, Éric Thierry. Et Thierry présentera ce manuscrit aux Rendez-vous d’histoire qui se tiennent à Québec du 10 au 12 août prochains.


Le dossier de quelque 30 pages, qui propose différents plans d’établissements d’une colonie française en Amérique, est adressé au roi Henri IV et remonte à 1602. À l’époque, Samuel de Champlain vit à la cour du roi Henri IV. Il n’a encore jamais navigué sur le fleuve Saint-Laurent.


« Il avait visité l’Amérique espagnole, les Antilles, Porto Rico, le Mexique », raconte Éric Thierry.


S’inspirant de la collection de cartes tracées par différents navigateurs, Samuel de Champlain propose dans son manuscrit trois sites possibles pour l’établissement de la colonie dans cette Nouvelle-France qu’on appelle alors la terre des Bretons, et qui s’étend du Cap-Breton jusqu’en Floride.


L’un est situé dans la baie de Chesapeake en Virginie, un autre est près de la rivière Kennebec, dans le Maine actuel. Champlain propose aussi un emplacement le long de la rivière Penobscot, et enfin un autre dans la baie de Fundy.


« Ce sont des endroits fréquentés par les pêcheurs, où l’on sait qu’il y a beaucoup de fourrure et des arbres qui permettent de fabriquer des tonneaux », explique Éric Thierry.


Ses plans tentent alors de répondre à deux objectifs de la Couronne française : tenir tête à l’Espagne, qui est alors en guerre avec la France, et trouver une route qui mène en Chine.


Samuel de Champlain croit alors que le Saguenay pourrait mener en Chine, et que le fleuve Saint-Laurent prend sa source dans le lac Zubgara, au Nouveau-Mexique !


« Le Saint-Laurent est alors perçu comme une route pour aller jusqu’en Chine », ajoute Éric Thierry.


En 1602, Champlain lève les voiles vers l’Amérique en compagnie de Pierre Duga de Mons. Il explorera alors tous les sites proposés, à l’exception de celui de la rivière Penobscot.


« Il se rend compte que ces endroits sont très fréquentés par les Autochtones, qui y cultivent la terre », dit M. Thierry. Champlain jugera donc impossible d’y installer un établissement français, et finira par fonder Québec en 1608.


Graphie confirmée


Il existe très peu de manuscrits de Samuel de Champlain. Celui présenté par Éric Thierry n’est pas signé, mais la graphie de l’explorateur a été corroborée avec celle d’une carte signée par Champlain, et qui est conservée à la Bibliothèque du Congrès à Washington. « C’est une écriture un peu particulière, avec des jambages et des hampes », dit-il.


M. Thierry a lui-même fait rééditer tous les livres publiés par Samuel de Champlain, aux éditions du Septentrion, mais les manuscrits de ces livres n’ont jamais été conservés.


« C’était courant à l’époque », poursuit-il. Le manuscrit présenté par M. Thierry avait déjà été attribué à Samuel de Champlain par un autre chercheur, Charles de la Roncière, dès 1904, avant de tomber dans l’oubli. M. Thierry se propose désormais de le rééditer.


Cette fascinante présentation sur Samuel de Champlain prend place dans le cadre des Rendez-vous de l’histoire, qui en sont à leur véritable première édition cette année. Ces rencontres se déroulent dans trois lieux de Québec, la Maison de la littérature, le Morrin Centre, et l’îlot des Palais.


C’est l’occasion d’y fréquenter l’histoire sous de nouvelles formes, de façon à la fois « sérieuse et ludique », décrit la présidente et fondatrice de l’événement, l’historienne Catherine Ferland.


Samedi, par exemple, Michel Thévenin donnera une conférence sur la mode capillaire masculine au XVIIIe siècle, avec démonstration à l’appui puisque Michel Thévenin servira de cobaye à Marie-Hélaine Fallu. On y discutera perruque. Au Morrin Centre, on propose une expérience immersive qui permettra d’entrer dans la peau d’un prisonnier nouvellement arrivé à la prison commune de Québec.


Diverses conférences porteront sur une foule de sujets, de la fabrication de la bière à la visite allemande à l’île d’Anticosti à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, de l’histoire des pharmaciens à celle des biscuits Vachon et des gâteaux Leclerc, en passant par celle des plantes médicinales.


Dimanche, à la Maison de la littérature, on discutera de la façon de mettre en récit l’histoire autochtone à travers le roman et la bande dessinée.


Après la tempête qui a secoué la production de Kanata, par Ex Machina, Catherine Ferland se dit « très à l’aise » avec la programmation des Rendez-vous de l’histoire, même si celle-ci a été conçue avant ce débat.


Elle signale d’ailleurs que le Huron Daniel Sioui, de Wendake, a conseillé l’organisation en ce qui concerne les orientations des Rendez-vous.



Une version précédente de cet article, qui indiquait que la conférence de Michel Thévenin et Marie-Hélaine Fallu porterait également sur les chapeaux et leur rôle social, a été corrigée.


NOUVEAU BAPTÊME DU PONT CHAMPLAIN


Le nouveau pont Samuel-de-Champlain, à Montréal, redonnerait à Champlain son titre de noblesse, se réjouit l’historien spécialiste de l’oeuvre de l’explorateur, Éric Thierry.



Samuel de Champlain était le fils d’Antoine de Champlain, lui-même fils illégitime d’un gentilhomme.



Or, du temps de Samuel de Champlain, le roi Henri IV a divulgué un édit qui interdisait aux « bâtards » de prétendre à la noblesse. « C’était pour des raisons fiscales », explique le spécialiste, puisque les nobles ne payaient pas d’impôt.



Cet édit, poursuit-il, n’a jamais vraiment été mis en pratique. Et la noblesse se transmettant par le père, les fils illégitimes ont continué d’être perçus comme des nobles.


> La suite sur Le Devoir.



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