Les limites de la tolérance

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« Il faut veiller à ne pas confondre la tolérance et l’ouverture avec la complaisance pure et simple. »

Dernièrement, La Presse a présenté une série de reportages sur le projet Immersion, dans lequel trente policiers ont été retirés de la patrouille pendant cinq semaines afin de plonger au cœur de réalités sociales et culturelles qu’ils connaissent peu ou mal. En soi, l’initiative est parfaitement valable, mais soulève néanmoins de nombreuses questions, notamment en ce qui a trait à l’étendue et aux limites de la tolérance et de l’ouverture à l’autre.


Je ne vous cacherai pas que j’ai ressenti un immense malaise en lisant certains extraits de ce reportage. Pour tout dire, j’ai été particulièrement choqué – dans tous les sens du mot – par la complaisance avec laquelle ont été rapportés les propos et les idées de l’imam Foudil Selmoune, du Centre communautaire islamique de la Rive-Sud. En fait, j’ai surtout eu la désagréable impression qu’on ne demandait pas seulement à ces policiers de comprendre la réalité des musulmans au Québec, mais aussi d’accepter tout et n’importe quoi. Bref, ils étaient là pour se faire sermonner.


Mettons les choses au clair. Je n’écris pas ce texte pour casser du sucre sur le dos des musulmans. Je sais pertinemment que cette communauté est déjà victime de nombreux préjugés et que l’islamophobie est – au même titre que n’importe quelle autre forme de discrimination – une réalité que nous nous devons de prendre très au sérieux. Par ailleurs, je demeure convaincu que la tolérance et l’ouverture sont des vertus démocratiques essentielles afin de favoriser le vivre-ensemble.


Cela étant dit, je crois que la tolérance et l’ouverture ont aussi des limites qu’il faut savoir reconnaître. Entre autres choses, il faut veiller à ne pas confondre la tolérance et l’ouverture avec la complaisance pure et simple. En ce sens, bien que l’islam suscite souvent des réactions négatives, et ce, parfois de manière totalement gratuite et injustifiée, il serait pourtant mal avisé de tenter de le placer au-dessus de toute critique.


Or, bien souvent, la moindre critique de l’islam est aussitôt perçue comme de l’islamophobie. Cela s’explique probablement par la volonté de mettre à l’abri des critiques une communauté déjà éprouvée. Je comprends, mais cela ne m’apparaît toutefois pas une raison suffisante pour accepter ou banaliser certaines idées véhiculées par des imams comme Foudil Selmoune. Qui plus est, si la plupart des musulmans ne sont pas d’accord avec lui, n’auraient-ils pas eux aussi tout intérêt à ce que ses propos soient dénoncés ?


Mais de quoi est-il question, au juste ? Dans le reportage, par exemple, on nous explique sans broncher que dans l’islam, l’homosexualité est un péché, et, ce faisant, que les mariages entre conjoints de même sexe sont interdits. Évidemment, pas question de critiquer cette prise de position ni d’exiger davantage d’explications. Il faut accepter cela comme s’il s’agissait d’une opinion comme une autre.


Mais le pire, selon moi, c’est lorsque les policiers sont appelés à visiter une école coranique. Dans cette école, des fillettes de 5 ans, voilées, récitent des versets par coeur. Passons outre le fait que cela ressemble dangereusement à de l’endoctrinement, mais ce qui m’a surtout frappé, c’est que des fillettes de 5 ans portent le voile. Comment peut-on tolérer cela ?


En général, on nous demande d’accepter le voile comme l’expression d’un choix que font certaines femmes qui souhaitent extérioriser leur foi et faire preuve d’humilité. Cette humilité est notamment liée à la pudeur, c’est-à-dire à la volonté de ne pas susciter la convoitise des hommes. Bon, d’accord. Cependant, voulez-vous bien me dire pourquoi une jeune fille prépubère aurait besoin de faire preuve d’une telle humilité ? Il n’y a que moi que ça trouble ?


Il se peut très bien que les propos et les idées de l’imam Selmoune ne soient pas représentatifs de l’ensemble de sa communauté. Il se peut aussi que cette école ne soit qu’une malheureuse exception. Mais si tel est le cas, qu’attendent les autres musulmans pour s’en dissocier ? Et aussi, pourquoi avoir choisi cet imam pour accompagner les policiers lors du projet Immersion ? N’y avait-il pas un meilleur candidat en lice ? Tout cela est très troublant.