Les Français en rupture avec leurs médias

Un sondage dont les résultats n’ont pas fait grand bruit...

«Le fossé entre le « peuple » et son élite a atteint des proportions inquiétantes et menace désormais la cohésion du pays.»

Le Monde publiait le 25 janvier les résultats d’une grande enquête intitulée : « France 2013 : les nouvelles fractures ». Réalisée par l’institut de sondage Ipsos, le Centre d’études politiques de Sciences Po (Cevipof) et la fondation Jean Jaurès, elle montre que le fossé entre le « peuple » et son élite a atteint des proportions inquiétantes et menace désormais la cohésion du pays.
Les Français rejettent en bloc l’Europe, s’insurgent contre la mondialisation, craignent l’islamisation du pays, souhaitent d’avantage d’autorité et n’accordent plus aucun crédit aux politiques… ni aux médias : tels sont les principaux enseignements de ce sondage.
65 % des sondés pensent ainsi qu’« il faut renforcer les pouvoirs de décision de notre pays, même si cela doit conduire à limiter ceux de l’Europe », 61 % estiment que « la mondialisation est une menace pour la France », 70 % qu’il y a trop d’étrangers en France, tandis que 74 % d’entre eux jugent la religion musulmane « intolérante et incompatible avec la société française ».
D’autre part, 72 % des sondés estiment que « le système démocratique fonctionne plutôt mal en France », 62 % pensent que les hommes et femmes politiques sont « corrompus pour la plupart », 82 % qu’ils « agissent principalement pour leurs intérêts personnels » et 87 % sont d’avis que l’« on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre » ! Pour le directeur du Cevipof Pascal Perrineau, le « ressentiment » observé depuis une trentaine d’années cède désormais la place à « l’hostilité » franche.
Cette hostilité vis-à-vis des élites touche également les médias. 72 % des sondés estiment en effet que les journalistes sont « coupés des réalités et ne parlent pas des vrais problèmes des Français », 73 % pensent qu’ils ne sont pas indépendants et « ont tendance à céder aux pressions du pouvoir politique » (les électeurs du Front national et du Front de gauche étant les plus nombreux dans cette catégorie) et 58 % considèrent qu’ils font mal leur travail…
L’écart entre le discours répété en boucle par les hommes politiques, journalistes, experts, etc… et l’attente des Français est devenu proprement sidérant. Il s’agit d’un véritable déni de réalité de la part des élites qui ont fait sécession d’avec le reste du pays. La réception même de ce sondage, qui aurait dû provoquer un électrochoc, est révélatrice du malaise. Pour le journaliste Gérard Courtois qui l’analyse dans Le Monde, ces craintes et cette hostilité ne sont que fantasme, « résultat du travail d’incendiaires » de « ceux qui attisent ces peurs »…
La mondialisation libérale a généré une société française profondément inégalitaire et communautariste que les formules creuses du « vivre-ensemble » ne parviennent plus à cacher. Jusqu’où ira le déni de l’élite ? « Si les affaires publiques et la démocratie ne parviennent pas à mettre au clair, discuter et reconnaître les vrais antagonismes de la société, alors, et parce que “la guerre est la simple continuation de la politique par d’autres moyens” (Clausewitz), la situation deviendra ingérable », prévenait le géographe Christophe Guilluy dans son livre Fractures françaises paru en 2010.
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Approfondir le sujet avec Alain Soral et Kontre Kulture : Abécédaires de la bêtise ambiante.


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