Immigration et construction

Legault doit aller jusqu'au bout

En tout et partout

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Tribune libre

Quand on a annoncé que les travailleurs de la construction avaient décidé de faire la grève, ma première réaction a été plutôt négative. Ces travailleurs ont déjà des salaires bien au-dessus de la moyenne.  De plus, les hausses de salaires vont faire augmenter encore les coûts de construction, dont ceux des infrastructures publiques payées par nos impôts et taxes.


Mes réflexes syndicalistes m’ont vite ramené à la raison. Le mouvement syndical n’est pas un gouvernement ou un parti politique, il n’a pas à gérer la répartition de la richesse dans la société. Les syndicats se sont toujours battus pour que les travailleurs obtiennent une juste part de la valeur ajoutée dans une entreprise ou une industrie et profiter des activités qui génèrent des profits exceptionnels. Cette approche ciblée a permis d’augmenter les salaires de l’ensemble des travailleurs.


En théorie la concurrence élimine rapidement les profits exceptionnels mais en pratique il n’y a pas de réelle concurrence dans plusieurs secteurs, notamment dans celui de la construction. Les gouvernements entretiennent le secteur de la construction depuis des décennies parce que c’est le moyen le plus facile de stimuler la croissance économique, en récession, ou quand on vient de sortir d’une récession ou bien quand on pense qu’une récession s’en vient. C’est aussi le meilleur moyen de remplir les coffres des partis politiques. Même en pandémie, alors que la construction n’a pas véritablement souffert, que le secteur fonctionne à pleine capacité, au point que la main-d’œuvre manque et que les matériaux seraient rares, Québec et Ottawa annonce des milliards de dollars en projets publics pour stimuler l’économie. Les prix des travaux sont déjà en forte hausse, et ce n’est pas à cause d’augmentations de salaires.


Le gouvernement Legault devrait mettre en place une véritable planification des dépenses publiques en immobilisations et cesser de voir la construction comme un outil de développement économique. Si le Québec n’a rien à envier au reste du Canada quant à la richesse de son économie, c’est grâce à ses investissements en éducation, dans la formation de travailleurs spécialisés et dans le soutien aux secteurs de pointe, exportateurs de produits à forte valeur ajoutée. La stimulation de l’économie par les travaux publics n’est pas une politique économique à long terme. On ne peut pas s’attendre à une action significative du gouvernement Legault sur ce front, étant donné ses relations avec les milieux d’affaires traditionnels.


Cependant, le gouvernement pourrait freiner sensiblement le niveau des investissements en immobilisations publics et privés en annonçant une baisse significative et permanente des seuils d’immigration. Une bonne partie des investissements réalisés depuis plusieurs années s’appuient sur la prévision de l’arrivée de plus de 50000 nouveaux consommateurs à chaque année.


La banque du Canada s’est plainte récemment de la spéculation immobilière qui sévit au pays. Ce n’est pas simplement de la spéculation. Le gouvernement Trudeau a annoncé une augmentation importante des seuils d’immigration visant à accroître la population du Canada à 100 millions dans un avenir assez rapproché. Les promoteurs ont probablement une évaluation assez juste de ce que cela implique comme nouveaux besoins en infrastructures.


François Legault doit fixer des seuils pour le Québec et annoncer que le Québec ne contribuera pas au plan canadien. Il a déjà expliqué qu’une immigration massive ne réglerait pas les pénuries de main-d’œuvre et ne contribuerait pas à l’enrichissement du Québec. Le Canada a fait le choix de grossir, ce n’est pas le choix du Québec, qui tient à préserver son identité. La baisse des seuils d’immigration pourrait contribuer à réduire les pénuries de main-d’œuvre alors que le ralentissement de la construction amènerait des travailleurs à se tourner vers d’autres secteurs d’activité.


Comme plusieurs analystes l’ont déjà dit, la baisse des seuils d’immigration est essentielle, pour que la réforme de la loi 101 annoncée ait une chance d’arrêter le déclin du français au Québec. Legault doit aller jusqu’au bout dans le conflit avec le fédéral sur l’immigration comme dans les dossiers de la laïcité et de la langue. Il a mis de l’avant une approche pragmatique en misant sur des compromis de part et d’autre pour que les nationalistes québécois se sentent acceptés et en sécurité dans la Canada.


Sur la laïcité la cour lui offre un compromis totalement inacceptable, une partition du Québec selon la langue. Dans le dossier de la langue, malgré la timidité de la réforme et un appui tactique de Trudeau, le Canada anglais se scandalise. Il reste à démontrer l’hostilité et l’intransigeance d’Ottawa dans le dossier de l’immigration. À la suite de tous ces échecs comment réagira Legault? La question qui compte c’est comment réagiront les Québécois.



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