Réplique à Henri Marineau

Le vrai courage est encore ailleurs, esquivé

Tribune libre

M. Marineau, je ne partage pas du tout le point de vue et le ton doucereux assez complaisants de votre éditorial sur le courage de Pauline Marois de s’être présentée à la réunion-bilan du PQ de samedi dernier.* Le vrai courage aurait été d’annoncer publiquement au préalable, qu’elle y serait à cette assemblée. Pourquoi? Parce qu’alors une mascarade aurait pu être évitée et des représentants de circonscriptions mieux préparés, si décidés à y être. Car, probablement que beaucoup d'entre eux, à cet effet protocolaire de camouflage de bavures et de cafouillage stratégiques, auraient refusé d’y donner caution par une solidarité factice et ainsi servir de faire-valoir.

En conséquence, grâce ou à cause de cet effet surprise, les « vrais » problèmes ont été mis sous le tapis, différés dans le temps. Cela ne vous rappelle-t-il pas la cachette de la candidature de PKP aux hauts dirigeants du PQ? Je trouve ces attitudes de secrets et de sournoiserie tactique déplacées dans un cadre où la collégialité est si déficitaire, et sans doute une des causes essentielles de la décrépitude du PQ, de l’interne se reflétant dans l’opinion publique. Quand Marois est descendue jouer de la casserole avec les étudiant(e)s dans la rue, elle avait sans doute déjà en tête de les instrumentaliser en ne faisant pas l’amnistie nationale sur les procès juridiques en cours (en s'entourant de la centaine de juges et avocats qui défilèrent dans la rue au Printemps érable); souvenons-nous des lourdes séquelles physiques subies à cause d’un pouvoir policier coercitif illégal et abusif.

Vous l’avez oublié M. Marineau, c’est la différence intergénérationnelle entre deux mémoires sélectives, l’une plus présente versus une plus reculée et généralisatrice dans le temps, mais aux élections du 7 avril 2014, les jeunes, eux, s’en souvenaiennt encore, de ces trahisons du PQMarois. Tout comme ne pas abolir la mini-centrale libérale de Val-Jalbert, c’était écologiquement impertinent, indéfendable et de trop! en totale dérogation d'un parti dit social-démocrate. Que dire d’Anticosti et du pétrole de l’Ouest à présent, négociés avec le privé sans débat public et avis d'experts pris en compte. Ces décisions sont passées, dans le sens du temps et de l'acceptation obligée, certes, mais leur effectivité est en cours plus que jamais, le PLQ reprenant la route du Plan Nord, jubilant d'une telle complicité implicite de la part du PQ... néolibéralisé.

L’indépendance avec les gens d’affaires, je veux bien croire que c’est inévitable et souhaitable, mais la faire cette supposée « indépendance » en arrachant la chemise de nos ressources naturelles nationales et les droits au peuple que doit d’abord protéger l’État avant d’être au service du secteur privé, voilà qui m’apparaît non seulement impensable, mais contraire à l’origine sociale-démocrate du PQ et son mandat de nationalisation des richesses et de déprivatisation des sociétés d’État.

Si HQ et la SAQ sont sur le bord d’être vendus au privé, c’est bien que pour les affairistes grugeur du bien commun, la conscience et le respect de l’autonomie économique d’un État reliée à une indépendance nationale de fait (État dit Nation), c’est le dernier de leur souci. Auprès d’eux aussi, pas que dans le peuple, il y a pédagogie à faire pour contrer l’analphabétisme politique. Est-ce que Mme Marois a fait école en ce sens? Elle a plutôt distribué des bonbons d’argent, poursuivant le travail d’édentation de l’État par le PLQ, perpétuant l’ignorance ou l’indifférence des milieux d’affaires concernant l'indépendance et rendant plus suisse encore le gruyère de l’État en abris fiscaux facilités. Augmenter la facture d'électricité au peuple et l'éliminer pour l'entreprise, c'est pour le moins réduire le PQ au pécule d'un privilégisme marchand.

Déprivatiser l’État, c’est non seulement un prérequis à une indépendance nationale lucrative, mais une nécessité pour un équilibre fiscal reposant sur une conscience démocratique.

Et celui dont la présidence non disputée m’inquiète le plus, c’est Raymond Archambault, tout aussi monarchiste qu’un Stéphane Bédard pantois et pavoisant, agenouillé devant la « sacrée » Reine et sa cérémonie d’assermentation.

M. Archambault, au-dessus de la tête de Marois la cheffe, a mis fin à toute possibilité de coalition des indépendantistes durant la campagne électorale 2012, tout un ultrapouvoir, en proclamant unilatéralement que le PQ est le seul parti qui représente l’indépendance, la vraie, aux autres partis de s’y rallier en se sabordant. Plus mentalité de roitelet non diplomatique et fermée, tu meurs. Si Archambault y reste président à trôner avec de telles idées, le PQ perdra plus que quelques plumes encore, tout simplement sa peau.

La collégialité rassembleuse seule, c'est-à-dire l’inversion de la pyramide en stratégies et promotion de l’indépendance par, pour et avec la base militante, en valorisant tous les mouvements et participants indépendantistes, voilà la renaissance pour la vie du PQ, non pas pour prolonger une agonie incessamment répétée de l’idée même d’indépendance.

S’il fallait choisir une extrémité de pensée, la plus convenable pour l’avenir et la collégialité réelle du PQ, ce serait la suivante, résumée dans la position émise par M. Hugo Girard** : « C’est pas plus compliqué que ça le problème du mouvement indépendantiste qui s’en remet tout le temps au politicien de l’"establisment" pour promouvoir ses idées.
Oubliez ça les politiciens, il n’y a aucun espoir là-dedans.
Il faut soulever des leaders citoyens. Les appuyer à fond afin qu’ils ne soient pas récupérés. Quelqu’un qui n’est pas achetable et qui ne céderait pas au chantage.
Quelqu’un prêt à mourir pour la cause ! Il y en a plus qu’on pense qui sont prêts à se battre pour la cause.
Faut choisir les bons dirigeants. Des personnes prêtent au sacrifice. »

Entre cette extrémité d’agir sacrificielle et l’inertie vers et par le haut des décideurs du PQ, il y aurait lieu de prendre les moyens de moyenner, de faire preuve de sens « praxis » selon mon expression, et d’avancer vers une « gouvernance-indépendantiste » unifiée, pour le vrai nécessaire nécessairement du haut au service du bas. Servir la base à l’interne du PQ, c’est servir l’indépendance au niveau du peuple. Le charismatique qui n’est pas reconnu colporter massivement l’idée d’indépendance se complaira lui-même dans l’imaginaire d’une fausse représentation électorale. Le 7 avril dernier, le « vol » électoral des Libéraux fut facilité par une cheffe qui était absente non seulement par elle-même, mais par le délaissement des idées qu’elle refusa de défendre ouvertement – et 18 mois durant nous l’avons vu pratiquer ce délaissement et cet absentéisme d’idées/actions. De quoi nous conditionner à fuir le vote péquiste, jeunes et vieux. Défendre ces idées ouvertement, c’est la base du « mouvement » indépendantiste et de l’indépendance en actes, en réalisation, elle-même.

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*Texte du 5 mai 14 sur Vigile, intitulé « La dame d’honneur ».

** Commentaire du 4 mai 14, sous l’article de M. Ouhgo (Hugues) St-Pierre, intitulé Parizeau 2014 : « Jean-Martin Aussant, en 2012, recrute au-delà de 6000 membres, des jeunes. (sic).


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mai 2014

    J'espère que votre texte sera lu par le plus grand nombre. Il y a une limite à faire semblant. Le PQ doit se recentrer sur sa raison d'être et je crois qu'un écrit comme le vôtre va dessiller les yeux des aveugles volontaires pseudo souverainistes, Super Bravo!
    Ivan Parent

  • Claude G. Thompson Répondre

    6 mai 2014

    M. Lauzon.
    Brillante analyse.
    Merci

  • Stéphane Sauvé Répondre

    6 mai 2014

    J'aurais aimé écrire votre texte. Bravo.
    La collégialité rassembleuse seule, c’est-à-dire l’inversion de la pyramide en stratégies et promotion de l’indépendance par, pour et avec la base militante, en valorisant tous les mouvements et participants indépendantistes, voilà la renaissance pour la vie du PQ, non pas pour prolonger une agonie incessamment répétée de l’idée même d’indépendance.