Le Traité sur la stabilité : vers le chaos social et le KO de l’Europe

Géopolitique — Union européenne

Gilles Raveaud - Adopté le 2 mars dernier, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance vise à réduire les déficits publics et à améliorer la coordination des politiques économiques en Europe. En réalité, aucun mécanisme de coordination des politiques fiscales, sociales ou environnementales n’est mis en place. Ne subsiste que l’obsession de réduire les déficits publics. Cette priorité peut être admise, mais sa mise en œuvre va être désastreuse, avec toujours moins de services publics et d’aides sociales, et toujours plus d’instabilité économique, sociale, et politique. Le site Euractiv raconte le sommet du 30 janvier dernier au cours duquel le Traité a été adopté. Sur le plan institutionnel, il a été décidé, à la demande notamment de la Pologne, pays qui ne fait pas partie de la zone euro, de permettre aux pays non-euros de participer aux sommets de la zone au moins une fois par an. Par ailleurs, le Traité sera juridiquement contraignant en sa qualité d’accord international et il sera ouvert aux pays de l’UE qui ne souhaitent pas y adhérer pour le moment. Le Traité repose sur trois piliers, ainsi que l’indique le communiqué officiel du Conseil européen : la stabilité, la coordination et la gouvernance. La stabilité Les budgets des Etats doivent être “en équilibre ou en excédent”. Cette règle doit être intégrée dans le droit national dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du traité. Concrètement, il faudra que le déficit structurel soit inférieur à 0,5% du PIB. Problème : ce déficit n’est pas observé, mais résulte d’un calcul théorique qui conduit à des résultats différents selon la méthode retenue. Sur le plan juridique, le communiqué indique que la transposition de la règle d’équilibre budgétaire “peut être” vérifiée par la Cour de justice de l’Union européenne. La sera-t-elle ? Mystère. Par contre, il est indiqué que, le cas échéant, “L’arrêt de la Cour sera contraignant et pourra être suivi de sanctions financières si l’État membre concerné ne s’y conforme pas”. Les États membres de la zone ‘euro s’engagent à adopter les décisions du Conseil dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs, sauf si une majorité qualifiée d’États ne s’y oppose. Coordination et convergence des politiques économiques Le Traité prévoit une coordination des politiques économiques, en réalité très faible : il est seulement demandé aux Etats de “communiquer leurs plans nationaux d’émissions de dette publique” et de “s’assurer que les grandes réformes économiques qu’ils envisagent d’entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées.” Toute idée de coordination de la politique fiscale, sociale, ou des plans d’investissements nationaux est abandonnée. Gouvernance dans la zone euro Il est prévu des sommets dits “informels” des chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro. Les pays hors zone euro pourront participer aux sommets, au moins une fois par an. Et la croissance ? Comme souvent, les dirigeants européens ont fait mine de contrebalancer ces orientations suicidaires par une action positive en faveur de l’emploi. Les dirigeants européens ont adopté le 30 janvier une Déclaration sur la voie d’un assainissement axé sur la croissance et d’une croissance favorable à l’emploi, qui requiert notamment de la part de chaque État membre qu’il adopte un plan national pour lutter contre le chômage des jeunes. Ainsi que le raconte Euractiv, la question du chômage des jeunes avait alors suscité un conflit entre le premier ministre autrichien, Werner Faymann, un social-démocrate, et son homologue hongrois de centre-droit, Viktor Orbán. En effet, certaines des propositions en faveur de la création d’emploi pour les jeunes s’inspirent de programmes pilotes conçus en Autriche. Mais M. Orbán, même s’il a adopté la déclaration, a affirmé que les jeunes devraient être obligés de travailler pour recevoir une aide sociale. Le premier ministre hongrois faisait apparemment référence au système hongrois qui vise à mettre les Roms au travail. Or ce système a été comparé par l’opposition à des camps de travail nazis ou soviétiques… Mme Merkel a quant a elle déclaré que les jeunes devraient se voir offrir un stage ou un emploi dès leur sortie de l’école. Que penser du Traité ? Il s’agit d’inscrire dans le marbre une fois pour toute la culture de l’équilibre budgétaire dans les pays européens. Cette idée ne me semble pas absurde en elle-même - même si la règle adoptée (déficit structurel limité à 0,5% du PIB) n’est pas possible à mettre en pratique. Il faudrait donc en trouver une autre, et c’est possible. En effet, la réduction des déficits est nécessaire, pour préserver l’euro et cesser de vouloir augmenter la croissance économique à tout prix afin d’accroître les recettes fiscales. Le seul problème finalement, mais il est énorme, est la manière de parvenir à l’équilibre budgétaire : si cela se faisait par une réforme fiscale taxant largement les revenus hors-travail productif, c’est-à-dire les patrimoines, les revenus financiers, et les rentes, comme les loyers perçus par les propriétaires qui ont follement augmenté, cette politique serait triplement efficace, puisqu’elle remettrait les comptes de l’Etat à l’équilibre ; réduirait les inégalités ; et créerait des emplois. Mais, bien sûr, ce n’est pas ce qui va se passer. Le problème n’est pas l’équilibre budgétaire, mais l’idéologie inscrite dans l’Union Européenne par la concurrence de tous contre tous, qui rend très difficile en pratique et quasi-impensable des politiques de coordination “par le haut”. Puisque la coordination est en effet nécessaire, elle se fait “par le bas”. Tout cela était dans le traité de Maastricht. Conclusion De manière terriblement ironique, ce traité censé promouvoir la “stabilité” va engendrer le chaos. Les déficits seront peut-être réduits - même si cela est loin d’être sûr - mais le chômage, la pauvreté, le nationalisme, la haine des étrangers et le rejet de l’Union européenne, vont eux, s’accroître.



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