Le riche et le pauvre

Tribune libre

Moi, je fais partie du groupe des pauvres, matériellement parlant, bien sûr. Étant dans l’incapacité de travailler , invalide pour être franc, je dois vivre du revenu que je reçois chaque mois de la régie des rentes du Québec, version invalidité, là n’est pas la question, le problème c’est l’opinion que les gens se font de moi, le jugement, je parle pour moi, en tant que citoyen ordinaire.
Je possède tous mes membres, je peux marcher quelques minutes et je dois m’asseoir, j’ai la sclérose en plaques depuis 1985 et maintenant, je suis rongé par l’arthrose et atteint d’emphysème, et oui, ex-fumeur mais, extérieurement, rien ne paraît.
Il m’est arrivé dans le passé, même quand je travaillais, d’avoir des contraventions que j’ai tardé à payer, ça m’a coûté cher, j’ai perdu mon permis, j’ai du prendre entente avec Hydro afin de ne pas me faire couper le courant, j’ai aussi eu de la difficulté à payer des loyers, je ne m’en cache pas, j’ai même déclaré faillite, il n’y a pas de honte à çà, ça ne fait pas de moi un bandit, un criminel, une pourriture ou un idiot.
Il y a une différence énorme entre voler et vouloir payer mais, en être dans l’incapacité, c’est juste que je ne suis pas dans le même contexte que d’autres, je ne suis pas né sous la même étoile et je n’ai pas eu les mêmes opportunités, un parcours différent, c’est tout.
Je n’ai pas les moyens de voyager autour du monde, financièrement et physiquement, je n’ai même pas les moyens de voyager au Québec pour être franc. J’ai eu la chance d’obtenir un bon forfait internet, grâce auquel je peux me cultiver, voyager virtuellement, échanger, m’exprimer et, j’ai aussi un forfait satellite pas cher qui me permet de regarder quelques postes de télévision, j’ai un cellulaire, c’est vrai, je l’oubliais, à la carte qui me coûte 34.00 $ taxes incluses pour 75 jours, un autre bon ‘forfait’ Solo.
Je l’emmène avec moi quand je sors, question de me sécuriser vu mon état de santé précaire et je possède une Chevrolet Lumina van 1995 qui a 306 000 kilomètres au compteur que je vais user jusqu’à la corde car, quand elle me lâchera, je n’aurai pas les moyens d’en acheter une autre, donc je serai à pieds, comme on dit.
Maintenant que je vis aux crochets des mieux nantis, lorsque j’émets une opinion, si j’essaie de donner mon avis sur un sujet, ça pèse pas fort dans la balance, je me suis même déjà fait dire en pleine face ‘ TABARNAK, LE GOUVERNEMENT M’ENLÈVE LA MOITIÉ DE MA PAIE POUR FAIRE VIVRE DES ESTIS D’INFIRMES COMME TOUÉ’, lui, il avait le droit de me dire ça, il a un revenu de 70 000.00$ l’an et sa conjointe en a un de 55.000.00 $ l’an, ils ont deux enfants, quatre VTT, un gros pick-up et la roulotte qui va avec.
Ensemble ils font 12.5 fois mon revenu, ses trois amis présents l’ont appuyé, faut croire qu’il n’avait pas tout à fait tort, lui, il doit payer ses médicaments que son assureur lui rembourse à 80 %, moi, je ne paie pas, c’est lui qui paie pour moi avec la moitié de sa paie que le gouvernement lui enlève chaque semaine, ( cela inclut de bons avantages sociaux et, bien sûr, un fond de pension blindé mais, pour lui ça n’a pas l’air de compter), tout ça pour dire que, j’en ai de la chance.
Depuis 1985, il y a eu de bonnes périodes, quand j’avais un regain d’énergie, pendant lesquelles j’ai travaillé et cotisé au système, j’ai même eu ma micro-entreprise, et il y a eu aussi des périodes de bénévolat, aide aux devoirs et aide au centre de bénévolat pour le dépannage alimentaire des plus démunis que moi, et oui, il y en a, des moments valorisants, rémunérateurs intérieurement, qui ne se monnaient pas mais, personne ne peut m’enlever le sens valorisant d’aider des gens.
Et bien sûr, il y a eu des périodes de chômage, aussi de l’assistance sociale le temps que les spécialistes réévaluent mon état, que voulez-vous ? Une rechute, et le temps que je reçoive à nouveaux des rentes d’invalidité et que la régie rembourse l’assistance sociale dont, j’ai bénéficié en attendant…obligé sans cesse de raconter ma vie, périodes humiliantes.
Depuis quelques années, je suis condamné à siphonner des moitiés de paie de travailleurs plus riches, triste sort, les regains d’énergie n’arrivent plus, la machine vieillit et je suis devenu un jeune ‘retraité’ par la force des choses, un boulet pour plusieurs, ceux qui paient pour moi.
Quelle richesse que de travailler, je devrais dire, quelle richesse que de pouvoir gagner sa vie, le sentiment d’en faire partie de cette vie, non seulement de la regarder passer, quel bonheur cela procure, le sens de liberté que cela apporte, c’était de très belles années, ceux que j’ai travaillées, rentrer à la maison avec la fierté d’avoir accompli quelque chose, ça n’a pas de prix.
Je pouvais argumenter et on m’écoutait et me respectait. Aller faire les courses avec l’argent que tu as gagné, ça ajoute de la saveur aux aliments, le goût en est moins amer, si j’avais besoin de médicaments, j’allais chez mon pharmacien et je payais comme les mieux nantis, mais, durant ces périodes, je ne consommais pas beaucoup de médicaments, c’est sûr, j’étais en forme pour travailler, j’étais riche et la vie était belle.
Pour une majorité de gens, surtout ceux qui ne me connaissent pas ‘intimement’, et ça je l’affirme par expérience vécue, je suis un ignorant, je ne suis jamais sorti de chez-moi, je suis un gros B.S. je n’ai aucune idée de ce qui se passe ailleurs dans le monde, quand j’émets une opinion, comme je le disais plutôt, je déblatère, je suis un anarchiste gauchiste qui profite du système et se laisse vivre, pour ces gens, je ne devrais pas avoir internet, la télé et encore moins le cellulaire, je devrais vivre en ermite dans un taudis et fermer ma gueule.
Ce sont eux qui paient pour moi, ce sont eux qui travaillent fort pour faire vivre les parasites, ce sont eux qui possèdent tous les droits et qui passent en priorité. Maintenant cela m’affecte de moins en moins, j’ai compris que ceux qui ont des préjugés, ce sont eux les ignorants, ceux qui sont attachés au matériel plus qu’à leurs proches bien souvent, à leur faux sentiment de sécurité, eux qui, même s’ils vivent sous un même toit, se disent souvent, même à leurs enfants, des ‘je t’aime’ virtuels, sans s’en rendre compte, ils écoutent chacun leur télé et sont tellement soumis et ancrés dans l’engrenage qu’ils ne s’en sortiront jamais.
Il y a aussi les vrais riches, ceux qui de par leur fortune arrivent à ne jamais payer d’impôts, fortune acquise bien souvent en exploitant des travailleurs ou en exploitant tout simplement les citoyens et le système, les êtres supérieurs, ceux qui se construisent des domaines complètement abjects, ceux qui construisent de grosses cabanes sur le bord du fleuve et du Richelieu en hauteur, grises et brunes et très laides qui cachent toute la vue, pour que les pauvres n’y aient plus droit, vous, je vous déteste, vous qui méprisez les plus démunis, vous qui menacez de quitter advenant que le Québec devienne un pays, allez mais, emportez vos horreurs avec vous et décontaminez ce que vous avez pollué.
Moi, il y deux choses que j’ai réussi à conserver, deux choses qui ne s’achètent pas, deux choses que ni les gouvernements, ni les riches, ni le syndic ont réussi à m’enlever, mon cœur et ma conscience, ma fortune personnelle que je n’hésite pas à partager avec ceux qui en sentent le besoin ou le désir.
Je vous souhaite de joyeuses fêtes à toutes et à tous.
P.S. Ce soir, j’ai une pensée toute spéciale pour les proches restants, surtout le père des trois petites victimes de Drummondville


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 décembre 2012

    Correction 'joyeuses' mes excuses.

  • Christian Lambert Répondre

    5 décembre 2012

    Merci à tous pour vos bons commentaires, le message que je voulais surtout passer c'est au sujet des préjugés et de l'ignorance dans notre société, moi, en ce qui me concerne, je me débrouille très bien dans cette situation, j'ai vu pire, je ne manque de rien et j'ai une copine, une fille et des petits enfants formidables, et aussi pleins d'amis, c'est ça le bonheur, en tout cas, pour moi.
    Joyeus fêtes et une montagne de bonheur.

  • Yves Rancourt Répondre

    4 décembre 2012

    Monsieur Lambert,
    J'ai bien lu votre texte et je voudrais également vous souhaiter de joyeuses Fêtes, et surtout d'être entouré de personnes qui vous respectent et vous aiment parce que vous le méritez, au moins autant que tous les êtres humains de cette planète. J'ai déjà entendu des gens parler des "b.s." dans le sens que vous l'avez décrit; à l'évidence, ces gens n'ont pas la richesse de coeur et de conscience que vous portez en vous et il faut leur souhaiter qu'ils n'aient pas un jour besoin de solidarité humaine, comme on la souhaite à toute personne dans le besoin. Ces gens sont malheureusement victimes d'une société de plus en plus individualiste où la solidarité humaine n'est pas toujours présente.
    Mes voeux les plus sincères à vous.

  • Marcel Haché Répondre

    4 décembre 2012

    Je connais le discours que vous dénoncez. Un trou de cul et vieux fraudeur qui contestait sa dette au regard de la Loi de l’Aide Sociale, s’était mis à déblatérer contre les « b.s. », et à tenir le discours sale que vous rapportez. Et puisque personne ici ne remboursait ses dettes disait-il, (disait-il au fonctionnaire que j’étais), pourquoi, lui, devait-il rembourser ?
    Pour les lecteurs qui seraient ignorants des processus de remboursement de dettes à l’Aide Sociale, les « trop-payés » sont remboursés mensuellement, pas en totalité, à même les prestations mensuelles que les prestataires reçoivent. C’est lorsque les prestataires ne sont plus admissibles à la Loi de l’Aide Sociale qu’il est requis d’obtenir les remboursements par entente du ou des « trop payés » restant à leur dossier. Mais avec ou sans « entente », ceux qui ont des dettes de cette nature font ultérieurement affaire avec le Ministère du Revenu, et réalisent souvent bien tard que lui, le M.R.Q., il a déjà procédé au recouvrement des sommes en totalité, s’il a pu le faire, avant même la période de temps des déclarations d’impôts.
    Cette fois-là, devant pareille bêtise et devant l’impossibilité d’arriver à une entente, j’avais invité poliment, mais fermement, ce méprisable résident de Mont… à prendre la porte drette-là, et en la lui montrant en plus. C’est l’unique cadeau que je me suis offert au ministère la veille de Noel, que je vous souhaite par ailleurs chaleureux, ainsi qu’à tous les vigiliens.



  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2012

    En plein dans le mille.
    Une société civilisée n'a pas d'autre choix que d'inscrire en lettres d'or dans une constitution citoyenne un droit aussi fondamental que le droit à la sécurité sociale - comme plusieurs autres droits sociaux par ailleurs - pour les mettre à l'abri des gouvernements de droite et de leurs alliés mercantilistes. Ceci est fondamental, mais nous n'en sommes pas encore rendus là et tout est encore fragile.
    L'internet, d'autre part, peut jouer un grand rôle de solidarité sociale puisqu'il permet aux citoyens d'être en contact les uns avec les autres, donc de les sortir de leur isolement et de les aider à être mieux renseignés. L'accès à l'information - la vraie, pas celle des médias traditionnels de masse aux mains des puissants - est une richesse inestimable offerte aux citoyens et elle permet de lutter contre l'ignorance et la peur qu'elle engendre. Pas pour rien que les riches veulent mettre la patte dessus pour contrôler le réseau et l'asservir à des fins marchandes.
    En guise de solidarité, je vous offre ce merveilleux poème de mon poète préféré, Jacques Prévert, intitulé "Tentative de description d'un dîner de têtes à Paris France" récité par Serge Reggiani.
    Prenez le temps de l'écouter au complet. Vous verrez ce qui arrive - dans la deuxième partie - quand un "homme à tête d'homme" se présente dans un "dîner de têtes" - chez les riches et les puissants pour leur parler de la vie misérable du peuple....
    Voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=YNa1ZLw33m4 pour la première partie et ici : http://www.youtube.com/watch?v=6spPfUPPSgs pour la deuxième.
    Solidairement et amicalement
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2012

    De plus, ces gens qui se croient "libres" parce qu'ils travaillent ne sont pas si libres que ça. Ils sont au service du Marché et se doivent de répondre aux besoins du Marché.
    Et il arrive que le Marché n'a plus besoin d'eux. Il n'y a qu'à regarder le nombre d'usines qui ont fermé dans les dernières années au Québec.
    Bref, ils sont eux aussi dépendants de d'autres, ces autres qui veulent que l'être humain soit sur terre pour répondre aux besoins du Marché.
    Pourtant, la normalité serait que la société privilégie l'être humain et ses besoins avant toute autre considération.
    Là, on aurait une société civilisée.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2012

    "‘ TABARNAK, LE GOUVERNEMENT M’ENLÈVE LA MOITIÉ DE MA PAIE POUR FAIRE VIVRE DES ESTIS D’INFIRMES COMME TOUÉ’"
    Eh oui, monsieur Lambert, ce sont des gens comme vous qui empêchent ces gens-là de vivre décemment et d'être heureux. Il y a des choses qu'ils ne peuvent se payer à cause de vous. Les BS et les gens ayant des incapacités au travail sont comme les "méchants" de la société.
    Pendant ce temps-là, la société est dirigée par ceux qu'on ne pouvait sentir lorsque nous étions sur les bancs d'école au secondaire et au cegep (et d'après les commentaires qu'ils vous font, ça explique pourquoi on ne pouvait les sentir à l'école).
    Et je répète ce qu'écrivait il y a plus de 20 ans monsieur Guy Paiement dans la revue "Relations": C'est dans les couches socio-économiques les plus défavorisées du Québec qu'il y a le plus de solitude et le moins d'enfants.
    En plus d'avoir des vies brisées par le manque d'un revenu décent et de vivre l'inquiétude du lendemain, les pauvres doivent aussi endurer les insultes de m... baveux.
    J'ai l'impression que le ciel est à la veille d'envoyer un avertissement à nos consciences subverties.
    Je voudrais rappeler qu'une vie décente est selon la déclaration universelle des droits de l'Homme un droit.

  • arseneault andre Répondre

    4 décembre 2012

    Mon cher M,Lambert recevoir des prestations de la RRQ ce n,est pas être un bien aide, nous vivons dans une société dans laquelle nous prenons soin des moins nantis et vous n'êtes pas un moins que rien pour tout ça, vous avez le droit de vous exprimer comme tous citoyens Québécois et émettre vos états d'âme et vos
    opinions en tout temps, vous êtes un victime de votre maladie et ce n'est pas votre faute. Joyeuse période des fêtes à vous et vos proches et continuez d'émettre vos opinions.
    Respectueusement, André Arseneault.