Le Québec, la social-démocratie, l'indépendance et le vent de la droite

Tribune libre


Pour le citoyen, choisir entre la sociale-démocratie, l'indépendance et le libéralisme économique est avant tout une affaire de coeur et de raison, la mémoire de ses racines familiales et sociales, sa culture et l’humeur qu’il éprouve au moment du scrutin. La rentabilité économique passe après et c’est heureux ainsi car autrement y aurait il encore des hommes et des femmes qui fondent des familles, désirent des enfants, bâtissent un patrimoine scientifique, culturel, social et environnemental afin d‘assurer une vie meilleure aux générations futures? Le calcul économique, c’est celui du court terme, de l’instantané; il n’est pas méprisable et nocif mais souvent obligé pour atteindre les objectifs que l’on se fixe dans la vie, pour établir des bases solides et sécuritaires, pour satisfaire les besoins essentiels et immédiats
Les Québécois ont des racines chrétiennes qui les imprègnent des valeurs de partage et de solidarité, une culture qui plonge ses racines dans la culture française qui est le berceau de la démocratie, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. L’histoire des Québécois en Amérique du nord britannique, c’est l’histoire d’une communauté de personnes de langue française, attirée par l’affranchissement social offert aux individus par l’Amérique, abandonnée et sans ressources par une conjoncture de l’histoire; une communauté qui a bâti de ses mains et avec son imagination, avec son sens de la débrouillardise et des efforts titanesques une société moderne, largement autonome, auto-suffisante et ouverte sur le monde. Le trait le plus particulier du peuple québécois est le sens aigu de son isolement et le sentiment d’avoir toujours à s’en remettre à lui-même pour progresser, se développer et résoudre ses problèmes. Les Québécois croient souvent inventer leurs formules et créer des modèles. Ce qui n’est pas vraiment exact puisqu’au jeu des comparaisons, le Québec vit les problèmes usuels des communautés humaines modernes et appliquent des solutions connues ailleurs. Mais souvent la touche québécoise y est présente et l’originalité québécoise est quelquefois remarquable.
Les Québécois ont périodiquement vécu des problèmes difficiles, tout comme les autres nations, et lorsque les solutions tardent à se manifester, la culture de l’instantané, la volonté de survivance prend le pas sur toutes les autres considérations. C’est alors que le vent de la droite se lève et qu’un balayage des croyances et des coutumes se produit utilement. Finies les tergiversations, il faut du pain sur la table. Le peuple québécois a survécu parce qu’il n’a jamais hésité à faire place nette lorsque cela s’imposait. Depuis trop longtemps, le Québec moderne est confronté aux mêmes problèmes et aux mêmes interrogations qui ne semblent pas aboutir sur des solutions viables. Vaut-il vraiment la peine d’en faire la liste ? Dans l’ordre ou dans le désordre, les citoyens en nommeraient rapidement plusieurs. La santé, l’avenir du Québec, la pauvreté, l’impuissance devant les forces du marché, les préoccupations environnementales et la passivité citoyenne devant les institutions.
Le Parti Québécois porte sa part de responsabilité dans l’émergence de ce sentiment de cul de sac, peut être même la plus grande responsabilité si l’on se souvient bien des espoirs que ce Parti a véhiculé au cours des trente-cinq dernières années. Face au phénomène politique du Parti Québécois, le Parti Libéral a souvent fait figure injustement d’éteignoir plus qu’autre chose. Les slogans libéraux, la souveraineté culturelle, la création des emplois, qui a valu de belles victoires électorales, ont disparu de la mémoire collective mais on se souviendra toujours qui fut l’initiateur de la révolution tranquille, le grand bâtisseur du nord québécois et des barrages hydro-électriques, et comme au Québec rien n’est finalement ni noir ni blanc, on se souviendra aussi que le Parti Libéral a défendu plusieurs grandes oeuvres de la révolution tranquille jusqu’à hier.
Au cours du scrutin de 2007, il est remarquable que ces deux formations politiques ont connu le même désaveu, d’une certaine façon plus sévère pour le Parti Québécois que pour le Parti Libéral. Après tout, le Parti Québécois était l’opposition officielle, le lanceur de relève désigné! Mais ces deux formations se sont mutuellement opposées dans le rôle de pouvoir et d’opposition et elles ont poursuivi essentiellement les mêmes politiques et elles ont fait les mêmes erreurs. Après que Jean Lesage ait proclamé qu’il fallait être maître chez nous, il a subi la défaite sous le sobriquet de ti-Jean- la taxe parce que les institutions mises en place sous son administration ont rapidement requis d’importants financements publics et des hausses des contributions fiscales. Mais le gouvernement de l’Union Nationale qui a suivi a poursuivi dans la même direction surtout lorsque les Québécois se sont rendus compte que cette révolution tranquille amenait la prospérité et une nouvelle qualité de vie. Le choc pétrolier de 1973 a ébranlé l’édifice de cette société nouvelle. Des tensions extraordinaires se sont produites qui ont remis en cause la distribution de la nouvelle richesse acquise. Il s’en est suivi une période troublée où les travailleurs, les entreprises et le gouvernement ont dû se disputer âprement les revenus nouveaux, ce qui n’a pas manqué de faire des gagnants et des perdants et une spirale affolante des prix. Un vent de droite s’est alors levé et les deux formations politiques ont ajusté le tir. Le mot d’ordre qui s’est imposé alors et qui perdure jusqu’à ce jour est que les Québécois sont trop lourdement taxés :un jugement discutable en considération de la diversité et de la qualité des services publics québécois souvent sans équivalent dans les différentes juridictions nord-américaines, ce que personne n’a eu le courage politique de souligner.
Depuis ce jour de la fin des années de 1970, les deux formations ont vécu plus souvent qu’autrement d’expédients et de coupures budgétaires avec des slogans comme le faire-faire, faire plus avec moins, trop d’état, trop de bureaucratie et les partenariats privés-publics et des meilleurs du même acabit. Tout cela pour tenter d’endiguer les coûts de production des services publics et freiner la demande croissante issue des besoins stimulés par le succès remarquable de la révolution tranquille. Les défenseurs de la sociale-démocratie furent écrasés par le succès de leurs oeuvres. Bien entendu, comme il n’était pas question d’accroître franchement les revenus de l’état, les investissements requis pour le développement des programmes sociaux furent réduits au minimum et tous les services importants de l’état souffrirent alors d’un sous-financement chronique.
Afin de boucler le budget, l’état québécois a eu recours aux emprunts massifs qui ont résulté dans un endettement qui a atteint un niveau préoccupant. À l’heure du déficit zéro, pas question de financer davantage les services publics et plusieurs donnent les signes de la mendicité.
Pour aggraver la situation, dans le but de sauver les acquis, les gouvernements en place ont sacrifié la génération des jeunes québécois qui arrivèrent au début de la vie adulte durant les années de 1980. Des cohortes entières d’âge ont vécu le travail précaire, le chômage, les emplois mal rémunérés. L’évolution de leurs revenus fut marquée au coin de la stagnation et de l’absence de perspectives d’amélioration si bien que ces jeunes ont tardé à à fonder des familles. Comment peut-on s’étonner aujourd’hui de la désaffection manifestée par les 35-45 ans ans envers les valeurs de la révolution tranquille? Pour ces gens maintenant dans la jeune quarantaine, ils ont le sentiment d’avoir payé un lourd tribut sans avoir accès pour autant à la prospérité générale. Et pour la première fois, cette génération a vécu avec le sentiment qu’ils ne parviendraient jamais à égaler le niveau de vie des générations précédentes qui ont continué à profiter de leur bonne fortune. Il suffisait d’être né plutôt!
Ce n’est pas étonnant que le vent de la droite s’est d’abord manifesté à Québec. La capitale des sièges sociaux de la révolution tranquille, le lieu de résidence de ces milliers de travailleurs publics mals rémunérés particulièrement dans les catégories subalternes dans le but de maintenir les services publics en activité pour le plus grand nombre. Mais le mauvais traitement n’a pas eu pour seul pourvoyeur le gouvernement. Les entreprises privées, celles des services qui emploient les faibles salariées, ont suivi le mouvement, particulièrement dans la grande région de Québec où la rémunération des employés de l’état constitue l’échelle de référence. Et les syndicats, occupés à sauvegarder les droits acquis de leurs membres n’ont pas hésité à négocier avec elles des clauses orphelines qui ont fait porter aux jeunes le poids des difficultés économiques conjoncturelles.
Voilà la base militante de l’ADQ qui a pris forme et s’est développé par effet d’entraînement dans plusieurs régions adjacentes de la capitale et jusque dans la Montérégie. Le vent de la droite a soufflé aussi fort parce que les défenseurs de la sociale-démocratie demeurent embourbés dans le tissu de leurs contradictions. Les Libéraux au pouvoir promettent une baisse sentie des charges fiscales, une réduction de la taille de l’état mais ils défendent plutôt encore les grandes institutions, vantent leurs effets positifs sur la qualité de vie des citoyens mais cherchent à refiler la nécessité de son financement au secteur privé sans lui accorder les privilèges associés à ce type de participation. Le fait surprenant, c’est qu’ils croyaient vraiment y parvenir.
Le Parti Québécois ne se démarque pas vraiment non plus au plan de la crédibilité malgré que cette fois, le Parti Québécois promettait timidement au moins de ne pas baisser les impôts. Pourtant, dans la province voisine de l’Ontario, pays d’un conservatisme modéré peu enclin à la révolution sociale, celle qui a soutenu la révolution du bon sens, une fantaisie conservatrice qui a coûté cher aux aspirations progressistes, un gouvernement libéral a créé l’impôt-santé alors qu’ici, on créait encore des réserves comptables avec des ressources financières insuffisantes pour assurer les dépenses essentielles. Et les ténors de toutes les tendances persistent et signent : les Québécois demeurent trop taxés.
Si l’ADQ a eu le talent d’identifier les grandes sources de frustrations qui commandent l’humeur du peuple Québécois, cette formation s'est révèlé particulièrement dangereuse dans la mesure où la population a semblé sur le point de lui confier le soin de réviser tous les rouages de la société québécoise avec un mandat en blanc. L’ADQ a présenté un cadre financier d’une valeur nulle, a promis d’abolir toutes sortes d’organismes publics sans étude d’impact dans le seul but d’alléger la charge fiscale des contribuables, a suggèr des coupures budgétaires sans les identifier précisément et s’est targué de remettre au travail dans un temps record des milliers de personnes sur l’aide sociale dans le but de financer, cette fois-çi, de façon étrangement précise une promesse d’une nature extraordinaire en rapport avec les garderies de l’état.
L’ADQ apromis ni plus ni moins de donner la liberté de choix au parents qui désirent assumer eux-mêmes les responsabilités inhérentes à la paternité et à la maternité. Ce que l’ADQ soutenait ici, c’est le modèle traditionnel familial que les exigences de la modernité ont mis à mal. À condition de ne pas recourir à un service de garde de l’enfance subventionné, l’état verserait une somme de 5200$ par, non imposable provincialement.
Une promesse intenable bien évidemment mais combien tentante pour les 35-45 ans désabusés de la social démocratie, des libéraux et des Péquistes.
Aujourd’hui, l’ADQ semble avoir disparu de l’écran radar de la politique québécoise surtout parce qu’il n’ont pas fait la démonstration de leur capacité à prendre en charge la gestion de l’État. Mais les problèmes demeurent entier.
Le sous financement de la santé demeure, le gouvernement demande aux employées de l’état d’accepter des conditions de travail et des salaires relativement médiocres parce que les finances publiques ne permettent pas mieux, et le modèle québécois fonctionne sur le dos des classes moyennes inférieures. Le budget de Charest est l’aboutissement de cette politique d’une sociale démocratie sous financée par un manque de courage politique généralisé Le gouvernement Charest s’en remet également à un nouvel exercice d’identification des dépenses superflues sans réaliser peut être que cet exercice a été fait des dizaines de fois sans résultat car la réalité, c’est que toutes les dépenses de l’état contribuent de façon essentielle au bon niveau de vie des Québécois. Lorsqu’ils identifieront leurs cibles, on peut s’attendre à une levée de boucliers des citoyens touchés qui clameront avec raison l’injustice qui leur est proposée. Charest pourra être tenté de passer outre afin de marquer l’histoire comme étant celui qui a changé le Québec de façon irréversible. C’est un danger que j’estime considérable pour la sociale démocratie.
Le Parti Québécois s’en prend à la pool tax, un instrument favori des ultra conservateurs dont Charest semble être l’émule avec Bachand. L’argument de la pool tax est classique. Il faut que tous contribuent un minimum et les riches ne peuvent pas tout payer car cela démobiliserait le sens de l’initiative privée, le moteur du progrès. C’est politique facile de s’en prendre ainsi à la pool tax qui rebute à la majorité mais le recul de Charest la dessus ne règlera en rien le sous financement chronique des services publics qui est à la base de la prospérité générale et du haut niveau de vie des Québécois.
Pendant ce temps, les lucides viennent ajouter leur pierre à l’édifice de la confusion. Ils s’inquiètent du degré de l’endettement, proposent des privatisations partielles d’une importante source de revenu de l’état, Hydro Québec, qui deviendra, si elle demeure publique, lentement une source de plus en plus importante par la simple évolution du contexte économique ou ils suggèrent tout au moins des augmentations de tarifs drastiques qui auront pour effet, par leur brusque augmentation, d’appauvrir la classe moyenne inférieure, ce qui est sans surprise le moyen utilisé depuis toujours pour financer l’essentiel du modèle québécois.
On attend toujours les propositions du parti québécois pour régler cette question du sous financement. Il y a des lueurs d’espoir lorsqu’ils privilégient l’impôt sur le revenu comme source de financement mais ils accueillent un peu trop bien les augmentations de tarifs dans tous les domaines et ils écoutent attentivement les propositions de hausses des tarifs d’électricité qu’ils jugent incontournables. Alors que cette richesse est déjà au main de la classe moyenne sans être taxable. C’est le sens de la partie patrimoniale de chaque compte d’électricité que chaque ménage paie.
On attendrait plus de courage des Péquistes d’autant plus que le gouvernement Charest achève de se discréditer par une gestion pitoyable des affaires publiques. Sa grande réalisation aurait été, selon eux, d’éviter le pire de la crise financière à la population du Québec et d’avoir sorti la province de cette impasse plus rapidement qu’ailleurs. Allez voir. Il n’y a pas une administration provinciale ou fédérale qui a perdu autant d’argent durant cette crise financière. Le Québec a vu son bas de laine fondre de 40 milliards de dollars. Le chomage sectoriel dans l’industrie forestière demeure sans solution. Les projets d’investissement comme le CHUM demeure sur les tablettes en dépit de l’urgence de mettre à niveau les soins de santé au Québec. La métropole attend toujours la réalisation des projets de transport qui, en leur absence, coûtera une fortune en perte de productivité pour l.économie montréalaise.
Les dépenses d’infrastructure qui semblent avoir pour seul mérite de sauver l’économie de la récession ne prennent aucun compte des besoins de la modernité, ce qui risque de coûter cher lorsque ces investissements se révéleront contreproductifs Sans parler du scandale de la construction qui coûte une fortune aux contribuables.
Mais le parti québécois plafonne dans les sondages en dépit de l’écroulement du gouvernement Charest parce qu’il maintient l’ambiguïté sur la défense du modèle québécois et son problème de sous financement. Il est sans doute tenté de ne pas faire de vague pour profiter du mécontentement généralisé afin de se faire élire sans difficulté. Mais il n’aura pas le mandat pour régler ce problème et il se retrouvera à louvoyer comme il pris coutume de le faire.
C’est également cette tactique détestable qu’il utilise avec la question de l’avenir du pays Ils savent pourtant où cela mène mais ils semblent incapables de faire autre chose. Le plus grand danger qui menace la réalisation de l’indépendance n’est pas le gouvernement Charest, ni celui de Harper mais l’incapacité des souverainistes d’admettre qu’ils ne forment pas la majorité et que pour réaliser ce noble but, il leur faut courir des risques
Il en va de même pour la sociale démocratie. Spontanément, les Québécois sont enclins au libéralisme économique parce que nous vivons en Amérique du nord.et que cela fait partie de notre culture. À un moindre degré que les autres habitants de ce continent mais à un degré qui demeure redoutable pour une formation qui prône la sociale démocratie en assumant les conséquences financières de ce choix politique. Sans un groupe d’hommes et de femmes convaincus et résolus de vendre cette idée à la population au risque de perdre des élections,
le modèle québécois demeurera fragile, accidentel en raison d’une conjoncture particulière. Ce n’est pas pour rien qu’on entend l’ineffable Maxime Bernier traiter les Québécois de quêteux qui vivent sur les surplus des autres provinces. Les chiffres démentissent formellement cette assertion mais l’impression est tout de même là.
Ce n’est pas non plus en accablant le parti québécois que l’on fera évoluer la politique au Québec dans le sens de nos idéaux. Plusieurs souverainistes ont tourné le dos au parti mais ils plongent tout simplement le Québec dans un cul de sac au plan de son avenir politique.
Il en va de même des progressistes qui sont fatigués des tergiversations du parti québécois. Tous ces critiques oublient que leurs valeurs sont minoritaires au Québec et qu’un parti politique doit en tenir compte jusqu’à ce que des occasions de marquer des points se présentent.
J’ai détesté l’expression des conditions gagnantes, ce qui est l’idée d’un négociateur (Bouchard) beaucoup plus que de celle d’un politicien. En fait le principal reproche que je fais à M.Bouchard n’en est véritablement pas un. C’était un négociateur peut être le plus habile mais il n’avait pas l’étoffe d’un politicien. Les souverainistes doivent cesser de remettre en question la sincérité de leurs chefs. À la fin, les gens qui postulent un tel poste sont sûrement des ambitieux mais justement des ambitieux qui choisissent un véhicule politique qui carbure aux idées. Les carriéristes vont au parti libéral qui n’aspire qu’au pouvoir et qui adopte les mesures sociales incontournables tout en préservant les privilèges de la classe supérieure.
Il en va de mêm pour les progressistes. Fonder un parti ne les amènera nullepart surtout qu'ils adhèrent à l'indépendance. La gauche anglophone ne ralliera jamais leur cause et ils se condamnenrt à la marginalité. Il est vrai que le PQ a évaqué le club des progressistes mais cette structure ne faisait pas de sens à l'intérieur d'une formation politique quelqu'elle soit. Je mets au défi Québec Solidaire d,en instituer une qui pronerait une sociale démocratie adaptée aux besoins des entreprises. Le parallele est bancal mais il donne l'impression d,un droit à la dissidence permanente intolérable.
Gilles Laterrière


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