J’ai beau avoir la couenne dure et en avoir vu de toutes les couleurs, j’avoue avoir été solidement ébranlé l’autre matin.
En feuilletant le Journal de Montréal tout en sirotant tranquillement mon café, je suis tombé sur une page (20) dont le quart supérieur gauche était occupé par la photo d’une jeune fille abondamment tatouée à la poitrine menue et en bikini léopard, à côté de laquelle figurait le titre suivant :
« 25 hommes pour de nouveaux seins »
Sous celui-ci, le texte suivant :
« Le promoteur qui était à l’origine de l’événement «23 ans et 23 gars pour sa fête» avec Heidi Van Horny récidive, faisant une autre tentative de soirée osée mettant en vedette une actrice porno originaire de Saguenay.
Zoé Zebra veut des implants mammaires et AD4X organise le premier «Boule-O-Thon» afin de lui offrir de nouveaux seins, peut-on lire dans la publicité.
La jeune femme de 22 ans a proposé de recevoir 25 hommes en échange de nouveaux seins. Le 5 septembre, l’objectif sera d’obtenir 25 éjaculations dans une roulotte près du Bar 77, au 365, rue Main, à Gatineau. »
J’étais sidéré ! Non pas tant par l’atteinte aux bonnes moeurs dont l’évaluation de la gravité varie selon la sensibilité de chacun, mais par ce que cette information révèle sur l’état de notre société.
Le simple fait qu’elle paraisse dans un quotidien à grand tirage susceptible de tomber entre toutes les mains, y compris celles d’adolescents, est déjà un signal de la dégradation avancée de notre conscience collective.
Contrairement à une idée largement répandue, les droits et libertés que nous avons acquis et qui sont garantis par la Constitution et par nos chartes n’ont pas pour effet d’annuler ou de réduire notre responsabilité pour les gestes que nous posons. Nous demeurons tous responsables des dommages que nous nous causons à nous-mêmes comme à autrui, que ces dommages soient physiques, psychologiques ou même moraux, aussi difficiles soient-ils parfois à cerner.
En partant, l’ignorance généralisée de cette règle pourtant fondamentale à toute vie en société témoigne d’une grave lacune dans l’éducation et les programmes de formation à la base de notre conscience individuelle et collective. Il fut un temps où les écoles dispensaient des cours de civisme et de morale. Il y était entre autre question de dignité et de respect. Ce n’est pas faire preuve de ringardise ou de nostalgie que de déplorer les dégâts de leur abandon, et surtout de notre passivité devant leur abandon.
C’était aussi le temps où les parents prenaient une part active dans l’éducation de leurs enfants. Aujourd’hui, ils semblent avoir mille et une raisons de ne pas s’investir autant. Il y a un prix à payer pour toutes ces familles à géométrie variable, et ce sont les enfants qui en portent, littéralement, les stigmates. Les dérives et dérapages devant lesquels nous fermons collectivement les yeux tous les jours, et parfois même plusieurs fois par jour, sont autant de signes de la dégradation et la décomposition du tissu social.
Je garde de mon expérience de député un souvenir qui me hérisse à chaque fois qu’il me revient en mémoire.
Un jour, une mère de famille d’Iberville se présente à mon bureau pour me demander si elle ne pourrait pas bénéficier d’une aide particulière de l'État Dans son voisinage habitaient des mères monoparentales qui laissaient leurs jeunes enfants seuls pendant d’assez longues périodes. Lorsqu’elle s’en rendait compte, elle les recueillait, comme d’autres recueillent des chats ou des chiens abandonnés.
Les mères de ces enfants qui gagnaient leur vie dans des bars de danseuses abusaient de sa charité et ne la dédommageaient jamais, même quand elle se trouvait à les garder chez elle plusieurs jours d’affilée, lorsqu’elles partaient sur un « trip de coke » ou en voyage en Floride. Et le comble, c’est que ces danseuses travaillaient au noir tout en touchant des prestations d’aide sociale. Certaines d’entre elles faisaient même des enfants à répétition pour toucher des prestations plus élevées.
En vous racontant cette histoire hélas vraie, je ne cherche pas à dénoncer ces jeunes femmes qui abusent de la charité de leurs voisins et du système d’aide sociale. Je ne sais que trop bien que les coupures que nous parviendrions à faire d’un côté réapparaîtraient d’un autre sous forme de dépenses accrues à un autre poste budgétaire de l’État. Je cherche plutôt à souligner une autre manifestation de la dégradation du tissu social liée à la libéralisation débridée des moeurs et à la déresponsabilisation qui l’accompagne.
Et je m’étonne. Le phénomène des jeunes femmes exploitées contre leur gré ou qui consentent à l’exploitation pour un gain financier a pris un essor incroyable alors même que les femmes réalisaient des gains importants sur le plan de l’égalité des droits. Y a-t-il un rapport quelconque entre ces deux phénomènes ? L’un est-il la cause de l’autre ? Une conséquence ? Simple hasard ? Comment se fait-il qu'en se libérant, les femmes qui y parvenaient n'aient pas eu le réflexe de solidarité de s'assurer que les moins fortunées y parviendraient aussi. La prudence la plus élémentaire me dicte de laisser la réponse aux femmes.
Et comme société, n'a-t-on rien de mieux à offrir à nos jeunes filles ? Une chose est certaine. Les garde-fous qui existaient autrefois ont disparu. L’Église est discréditée, la famille comme institution a pris du plomb dans l’aile, l’âge de la majorité a été abaissé au milieu des années 1960, déresponsabilisant les parents sans que les enfants soient encore tout à fait prêts à s'assumer, l'école a démissionné estimant que son rôle n'était pas de suppléer aux carences des parents, etc. Derrière tout cela, un vide abyssal que rien n'est venu combler en remplacement.
C’est bien connu, quand le chat est parti, les souris dansent. La facture, c’est Baptiste qui la ramasse, et c'est le Québec qui va en faire les frais. Mais au fait, c’est qui Baptiste ? Et se sent-il au moins concerné ?
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