Le piège

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Une des chroniques les plus dures à l'endroit d'Israêl à jamais avoir été publiées dans un quotidien au Canada

La dernière trêve dans la guerre qui oppose Israël et le Hamas tenait encore au moment d’écrire ces lignes. Après 29 jours de bombardements, on peut seulement espérer qu’un solide cessez-le-feu soit conclu.

Ce dernier, si jamais il se produit, ne restera toutefois qu’un cataplasme sur la vraie plaie qui déchire la Palestine et Israël. Sans une véritable paix, on sera toujours devant la même bombe à retardement. Gaza sera toujours une prison à ciel ouvert où plus de 1,8 million de personnes vivent dans des conditions affligeantes. La Cisjordanie, de son côté, sera encore morcelée, grignotée et humiliée par les colons, leurs supporteurs et la droite ultranationaliste.

C’est à cela qu’il faut mettre fin avec la création de deux États VIABLES et souverains vivant côte à côte. Mais pour cela, il faut vouloir la paix et combattre la haine. Malheureusement, cette dernière tient actuellement le haut du pavé. Des deux côtés.

Le Hamas persiste à espérer la disparition d’Israël et une frange de plus en plus importante de la société israélienne rêve de raser Gaza. Même les enfants palestiniens ne trouvent plus grâce aux yeux de plusieurs juifs qui se déchaînent dans les médias sociaux. Dans le journal Haaretz, le chroniqueur et partisan de la paix Gideon Levy rapporte, bouleversé, ce qu’il a lu sur un site après la mort de quatre enfants palestiniens sur une plage de Gaza.

« Je ne peux me ficher davantage des enfants arabes tués. Dommage qu’il n’y en ait pas plus. »« Seulement quatre ? Dommage. Nous en espérions plus. »« Super ! Nous devons tuer tous les enfants. » Et ça continue…
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Israël invoque sa sécurité pour justifier l’opération Bordure protectrice, mais cette recherche de sécurité ne lui donne pas carte blanche pour raser des quartiers, tirer sur des ambulances, des hôpitaux et des refuges des Nations unies. Le gouvernement Nétanyahou dit faire tout son possible pour éviter les victimes civiles. Il parle d’erreurs, mais la dernière bavure, qui a fait sortir le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon de ses gonds, a coûté la vie à au moins une dizaine de personnes et en a blessé une trentaine d’autres, toutes réfugiées dans une école de l’ONU. Et pour quelle raison ? Pour tenter de tuer trois membres du Djihad islamique circulant sur une moto à proximité…

À travers le monde, des leaders politiques ont exprimé leur indignation devant ce dérapage, mais bien peu ont osé, avant ce jour, critiquer l’ampleur de la réplique israélienne aux tirs de roquettes du Hamas. En Israël, des partisans de la paix se sont pourtant opposés et d’autres, comme l’écrivain Amos Oz, ont jugé « excessive » une opération militaire qu’ils appuient par ailleurs.

Le problème est que les faucons mènent actuellement la charge en Israël. Ils bénéficient d’un appui solide au sein d’une bonne partie de la diaspora juive et dans nombre de capitales étrangères. À cette enseigne, le Canada bat la mesure avec l’appui inconditionnel du gouvernement Harper. Pas question d’exprimer un reproche à l’endroit d’Israël. Le Hamas, qui mérite la condamnation dont il est l’objet, est la seule cible du gouvernement canadien. Et du Parti libéral. Même le Nouveau Parti démocratique, qui a montré plus d’empathie envers les Palestiniens, a évité d’égratigner Israël, au grand déplaisir de sa base.

Tout cela sous prétexte que l’État hébreu a le droit de se défendre. C’est vrai qu’il a ce droit, mais la légitimité que lui confère son statut d’État lui impose des obligations, dont celle de chercher la paix. Ce n’est pas le cas du gouvernement Nétanyahou, qui dépend des ultranationalistes et des colons pour se maintenir au pouvoir.
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Il prétend le contraire, mais son gouvernement n’a que l’argument sécuritaire à la bouche. Or les colonies n’ont rien à voir avec la sécurité d’Israël. Au contraire, elles y font obstacle, tout comme le maintien du blocus de Gaza et le refus de dialoguer avec les modérés palestiniens.

En s’interdisant d’exprimer un quelconque doute face à cette vision des choses, le Canada se fait l’allié des faucons alors qu’il devrait se ranger derrière ces Israéliens et Palestiniens modérés qui tentent, malgré l’intimidation, de promouvoir la paix.

Quand, en juin, le Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Hamas ont formé un gouvernement provisoire d’unité nationale, il y avait là une occasion à saisir, le Hamas ayant reconnu implicitement sa faiblesse. Au lieu d’en profiter pour démontrer que le dialogue était plus profitable que les roquettes, M. Nétanyahou a dénoncé l’entente et affirmé que M. Abbas avait rejoint le camp des terroristes.

Le sang, israélien et palestinien, sert le Hamas et non l’inverse. Critiquer la politique obtuse de l’actuel gouvernement israélien tout en dénonçant les actions du Hamas n’est pas de l’antisémitisme. C’est l’expression d’un refus d’une logique guerrière. C’est choisir le camp de la paix.

Et quand on ne s’émeut plus de la mort d’un enfant à cause de ses origines, c’est qu’on ne voit plus les Palestiniens comme des humains. L’inverse est tout aussi vrai. La déshumanisation de l’Autre est à la source des pires tragédies humaines. La dénoncer n’a rien d’antisémite.


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