Le grand retournement (1): l’inévitable prochaine guerre

Livres - revues - 2010


En donnant la parole à un historien, Marc Ferro, le magazine Science et Avenir de novembre propose une intéressante réflexion sur notre époque. Marc Ferro est directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et auteur de plusieurs livres dont Le retournement de l’Histoire (Ed. Robert Laffont) et Le Ressentiment dans l'histoire (Ed. Odile Jacob).
Voici des extraits de son interview et quelques observations qu’ils m’inspirent.
- «Vous avez abordé un thème inédit en histoire, celui du ressentiment. En quoi est-ce selon vous une notion fondamentale pour comprendre le monde d’aujourd’hui?
- Au cours de mes années d’étude, un certain nombre de faits observés m’ont mis sur la piste du ressentiment. (...) Pour qu’il y ait ressentiment il faut qu’il y ait eu humiliation, traumatisme, ainsi qu’une incapacité à se venger. L’attente de la réparation peut être longue car le sentiment de vengeance tourne souvent à l’obsession. Il existe des ressentiments de longue durée, à l’instar de ceux entretenus entre différents groupes religieux dès l’antiquité, le Moyen-Age ou la Renaissance: juifs et chrétiens, catholiques et protestants, etc. D’autres, historiques, du type de ceux qui avaient subsisté entre Français et Anglais pendant des siècles; ou plus récemment entre Arméniens et Turcs, à la suite des massacres Ottomans de 1915.
- Quel exemple retiendriez-vous?
- Les attentats du 11 septembre à New-York. Ayman al-Zawahiri, le lieutenant d’Oussama Ben Laden, a dit dès sa première intervention: «Nous vengeons enfin l’expulsion des musulmans d’Espagne». (...) Cela a été encore une des justifications énoncées lors des attentats de Madrid en mars 2004. Beaucoup de gens l’oublient.
- ... Qu’est-ce qui a le plus changé selon vous dans nos sociétés?
- Nos sociétés occidentales vivaient dans l’espérance d’un mieux-être permanent. L’Etat Providence ne cessait d’élargir son territoire. Les sociétés étaient dans cette offensive d’une amélioration de leurs conditions, mais cela s’est «retourné». Les idéologies maîtresses se sont effondrées et le libéralisme montre ses limites. Nous sommes maintenant dans la défensive et l’on ne voit pas comment au cours de l’histoire, au moins en Occident, on pourrait revenir aux phases ascendantes qui existaient depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
- Nos sociétés n’ont-elles donc plus de projets?

- Les partis politiques sont paralysés. En dehors des postures, du court terme et des saillies politiciennes, il y a une incapacité des politiques à maîtriser les conditions du futur. Je parle du long terme, bien sûr. De fait, les gens n’ayant plus d’avenir visible, on assiste au retour du religieux et de l’irrationnel. Nous sommes là devant un exemple de retournement complet. Pendant des années, toutes les sociétés occidentales se demandaient comment on passait du libéralisme au socialisme... Aujourd’hui, ce sont les sociétés socialistes qui se demandent comment passer au libéralisme.»
(A lire dans Sciences et Avenir de novembre).
(...)


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