Le « droit à l’esclavage » du Michigan, 24e État des USA à faire de même

Rester économiquement dépendants de ce pays, c'est courrir vers le gouffre

Tribune libre

Cette semaine, nous avons assisté à un recul particulièrement odieux des droits des travailleurs, non pas dans un pays pauvre diabolisé par les grands médias capitalistes, mais bien au Michigan, important État industriel des États-Unis. Dans cet État a été promulgué cette semaine la loi cyniquement nommée «Right to work» (droit au travail), qui anéantie à toute fin pratique le rapport de force des syndicats et des travailleurs devant le patronat.
Cette loi rend maintenant possible, pour les employés d'un lieu travail syndiqué, de ne pas adhérer au syndicat et de ne pas participer aux mandats de grève votés démocratiquement par leurs camarades de travail. Nous parlons ici d'un recul important pour la démocratie syndicale et les droits des travailleurs. En réalité, cette loi devrait s'appeler « droit à l'esclavage ».
Le sénateur Rick Snyder a signé la loi, «débattue» et adoptée en seulement cinq jours, alors que plus de 10 000 travailleurs syndiqués manifestaient leur colère à l’extérieur du siège du gouvernement. Ce qui est le plus choquant, c’est que cette manœuvre semble surtout répondre à deux impératifs politiques, plutôt qu’économiques ou sociaux, contrairement à ce qu’affirment les républicains réactionnaires et leurs larbins libertariens:
Tout d’abord, il y a le fait que les syndicats représentent des travailleurs traditionnellement mieux éveillés à leur statut, qui comprennent que les républicains ont choisi le camp du patronat depuis longtemps. En l’absence d’alternative (interdite par le système électoral étasunien du bipartisme forcé), les syndicats appuient presque à l’unisson le parti Démocrate aux élections (entre deux maux, choisir le moindre, comme on dit).
Les républicains le savent et c’est pourquoi ils font tout depuis l’époque Reagan pour détruire les syndicats, qui ont effectivement fondu sous les coups depuis cette époque, jusqu’à ne plus représenter aujourd’hui que quelques 13% de travailleurs à l’échelle nationale aux États-Unis. Nous avons ici une raison purement politique et électoraliste des républicains qui, au lieu d’essayer d’améliorer leurs idées et leur attitude face aux travailleurs pour ainsi espérer mériter leurs votes, préfèrent essayer de démolir complètement les syndicats qui les représentent.
Ensuite, il y a l’aspect plus idéologique : l’oligarchie conservatrice représentée par les républicains, ces vieux riches qui financent les élections étasuniennes à coups de millions de dollars, souhaiterait rien de moins que la disparition totale des syndicats de la surface de la planète.
Autrefois, la bourgeoisie faisait enfermer les chefs syndicaux en prison pour «activités communistes». Maintenant que les syndicats ont gagné le droit d’exister, la bourgeoisie fait voter des lois pour limiter le nombre de membres des syndicats.
Les «arguments» des conservateurs et des libertariens en faveur de ce genre de lois liberticides, en dehors de l’utilisation de l’expression «droit au travail» pour faire croire que ceux qui s’y opposent sont contre le droit de travailler, consistent en un ramassis de clichés de propagandes conservatrices qui ne passent pas l’épreuve des faits.
Par exemple, ils disent que le fait de «limiter l’influence des syndicats» contribuerait à la création d’emplois, en attirant les investisseurs. Cette affirmation a à peu près la même valeur que le mythe du riche qui va créer des emplois parce qu’il paie moins d’impôts. C’est la pensée magique capitaliste à l’état pur.
La droite reproche souvent à la gauche de trop mettre l’emphase sur les discriminations entre classes socioéconomiques, emphase qui pourrait provoquer la fameuse guerre des classes (ce n’est quand même pas de notre faute s’il y a effectivement un écart inadmissible entre riches exploiteurs et pauvres exploités). Pourtant, avec leurs lois destructrices de syndicats, ce sont bien les éléments les plus à droite (conservateurs, libertariens et néolibéraux) qui déclarent littéralement la guerre aux travailleurs, à la classe ouvrière et aux classes plus défavorisées de la société, au nom de la classe bourgeoise, enivrée par la toute puissance de ses pouvoirs économiques et médiatiques.
Le capitalisme, dont les «valeurs» reposent sur la recherche effrénée de profits à court terme et la surconsommation, ne peut plus continuer ainsi. Il s’est lui-même fait hara-kiri en laissant les requins banquiers et spéculateurs jouer au casino à la bourse avec les épargnes du peuple, en misant tout sur ses fameux «produits toxiques», des valeurs économiques virtuelles sans aucun lien avec l’économie réelle. Arrivé au paroxysme de sa propre décadence, le capitalisme, qui ne mise que sur les «gagnants», en est arrivé à miser contre les épargnants occidentaux qui lui ont voué une confiance aveugle pendant beaucoup trop longtemps. Bref, le capitalisme a finalement misé… contre lui-même.
On commence déjà à voir le tissu social étasunien se fissurer de partout, comme avec le nouveau mouvement de grève chez Wal-Mart, par exemple. L’Amérique du Nord est peut-être encore loin du réveil que l’on peut observer ailleurs, comme en Europe, mais il est aujourd’hui évident que le statu quo est devenu intolérable.
C’est pourquoi, dans une tentative à peine voilée par l’appellation démagogue «right to work», les sbires de l’oligarchie bourgeoise s’attaquent de plein fouet aux syndicats et aux droits des travailleurs en général.
On le voit également ici au Québec, comme au Canada : les médias de la bourgeoisie sont en situation offensive constante contre les syndicats et les travailleurs réfractaires, ou seulement «pas assez productifs» de la société, à un niveau rarement égalé dans le passé.
Même les sociaux-démocrates centristes et mous du PQ, qui semblent pourtant faire un sacré paquet de sacrifices et de contorsions pour plaire aux maîtres bourgeois, se font rentrer dedans à chaque jour dans les médias de droite (99% de la presse québécoise, dont environ 90% est aux mains de seulement deux grands bourgeois, je vous laisse deviner lesquels). On dit que la santé d’une démocratie est mesurée par la diversité de ses médias. Selon cette valeur de mesure, la démocratie, autant au Québec, qu’au Canada et aux États-Unis, est atteinte d’un cancer en phase terminale.
Après avoir festoyé pendant des décennies, les bourgeois les plus réactionnaires blâment aujourd’hui les travailleurs d’avoir mangé les quelques miettes laissées derrière. Les syndicats, tantôt «en perte d’influence», seraient selon les mêmes propagandistes, les grands «responsables» de la débâcle économique des États-Unis. Une fois la panique installée, le 1% des plus riches de la classe bourgeoise ne reculeront devant rien pour conserver les 50% de richesses sous leur contrôle.
C’est pourquoi les travailleurs ne peuvent plus se permettre de rester les bras croisés à tendre l’autre joue à leurs ennemis, ceux qui les exploitent. Nous devrons nous lever et faire comprendre à la bourgeoisie que sa fin approche, que son système d’exploitation des travailleurs comme de vulgaires marchandises, a assez duré.
Comme l’a dit Jim Hoffa, de la confrérie Internationale des Teamsters (International brotherhood of Teamsters) lors d’une entrevue à CNN: «Si leur but (aux républicains) est de déclencher une guerre civile, c’est ce qu’ils auront.»
Pendant que le États-Unis se dirigent tout droit vers un gouffre financier historique, courtoisie de Wall Street, des agences de notation et de leurs conseils économiques complètement déconnectés de la réalité, que fait la première ministre du Québec à New York, siège du pouvoir de ces mêmes banquiers qui ont plongé leur propre système à la faillite par pure cupidité, pour «vendre le Québec» à ces investisseurs véreux?
Ne serait-il pas plutôt temps de chercher à être moins dépendants économiquement de ce pays à l’agonie, qui en est rendu à piétiner ouvertement les droits de ses travailleurs, parmi d’autres mesures désespérées pour maintenir un semblant d’économie stable?
En tout cas, notre solidarité va aujourd’hui aux travailleurs syndiqués du Michigan, à qui leurs «élus» ont coupé tout rapport de force avec l’employeur. C’est la même chose qu’au Canada, avec le gouvernement fédéral conservateur qui se mêle de chaque conflit de travail en condamnant les travailleurs, forcés par la suite de retourner au travail dans des conditions encore pires qu’avant, comme on l’a vu avec Postes Canada et Air Canada.
Qui seront les prochains sur la liste de ces prédateurs affamés?
-Gabriel Proulx, coporte-parole du Parti communiste du Québec
[www.pcq.qc.ca->www.pcq.qc.ca]


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2012

    @ M. Proulx
    Force est d'admettre que je n'ai lue aucun de vos précèdents articles. Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de prétendre le contraire. J'y remédierai.
    Evidemment que je trouve déplorable la situation dans laquelle se trouve les travailleurs du Michigan... Malheureusement la désindustrialisation de l' occident est une vague de fond qu'aucune convention collective ne saurait contenir. Nos gouvernements, de concert avec nos industriels, travaillent fort à vendre notre capacité manufacturière au plus offrant depuis quoi ? 20 ans ? Et ce en échange d'une prétendue économie du savoir ! Elle est bonne celle la! Comme si les chinois et les indiens étaient tous des illètrés. Ces gens forment des ingénieurs par dizaines de milliers chaque année. Quel mépris! Ça n'augure rien de bon pour le proche avenir et le terme "civil war" employé par M. Hoffa fait froid dans le dos. D'ailleurs les travailleurs québécois, syndiqués ou non, ainsi que nos retraités, seront très bientôt confrontés à des choix difficiles, si choix il y a, qui ne manqueront pas de nous rappeler la lutte qui oppose les travailleurs automobile à leur patrons. Notre gouvernement a déjà dépensé l'argent promis…. Mais ça, c'est une autre histoire…
    Pour ce qui est du financement du communisme par la haute finance mondial, je vous suggère de rechercher les ouvrages de l'anglais Anthony Sutton, dont une entrevue disponible sur le net. Révélateur... Plusieurs auteurs américains ont aussi abordé le sujet avec brio. Eustace Mullins, Carol Quigley et bien d'autres. Peut-être n'avez rien reçu des banquiers, mais je parlais bien des fondateurs qui croyez moi étaient bras dessus bras dessous avec les barons de la finance de l'époque, Morgan, Rockefeller, etc. Le capitalisme sauvage et le communisme ont pour objectif commun le contrôle des moyens de productions et de distribution de la "richesse" du peuple. Rien d'étonnant à ce que les "Monoply Men" et autres "Rubber Barons" en furent les principaux commanditaires. Pour l' homme ordinaire la victoire de l' un ou de l'autre n'a que pour seul résultat possible la dépossession.
    Cela étant dit je tiens à souligner que je partage votre inquiétude face à cette glissade généralisée des conditions et des droits des travailleurs. Ici comme ailleurs. Je crois par contre que le seul moyen de contrer les abus de pouvoir et l'esclavage, comme vous le dites très justement, est de garantir les droits, et non les privilèges, de chaque individus, et ce, quelque soit son allégeance.
    Meilleurs Voeux
    Eric Cournoyer

  • Gabriel Proulx Répondre

    17 décembre 2012

    @Éric Cournoyer
    Premièrement, vous me faites un procès d'intention sur ma supposée « vision simpliste du débat gauche-droite américain ». Je n'ai jamais dit que les démocrates étaient de gauche, loin de là. Voici la preuve, dans mon propre texte dont vous ne semblez vouloir retenir que ce qui fait votre affaire : « En l’absence d’alternative (interdite par le système électoral étasunien du bipartisme forcé), les syndicats appuient presque à l’unisson le parti Démocrate aux élections (entre deux maux, choisir le moindre, comme on dit). »
    ... Et là, je suis assez tendre envers les démocrates, ces criminels de guerre hypocrites qui sont identiques aux républicains en matière de politique étrangère. Il n'y a peut-être qu'un ou deux élus aux États-Unis, qu'on pourrait vraiment qualifier « de gauche », dans ce pays où le système « électoral » est 100% dépendant des millions de la bourgeoisie, dont certains membres supportent parfois les deux partis en même temps.
    En fait, aux États-Unis, le « choix » est réellement entre un Parti Libéral populiste et assez à droite (les Démocrates) et un parti conservateur avec de virulents symptômes fascistes et théocrates (les Républicains).
    Vous avez ensuite le culot de finir votre intervention par ceci : « Les mêmes banquiers qui soit dit en passant ont financé depuis sa création la bibitte communiste dont vous êtes représentant. »
    Ça me ferait rire si vous ne sembliez pas aussi sérieux dans votre affirmation. Alors, les banquiers, apôtres du capitalisme, que nous combattons depuis toujours, seraient aussi notre source de financement, c'est bien ça ? C'est bizarre, je n'ai jamais reçu une maudite cenne noire de ces requins, qui souhaitent la disparition des gens comme moi de la surface de la Terre.
    Bref, que pensez-vous du sujet de cet article, maintenant ?
    Bon temps des fêtes quand même,
    Gabriel Proulx

  • Archives de Vigile Répondre

    17 décembre 2012

    Votre vision gauche droite du paysage politique américain est simpliste et complètement dépassée. Vous parlez des républicains comme si ils avaient le monopole de l'élitisme et de l'avidité. À ce que je sache l'administration démocrate actuelle a ses entrées à Wall Street et ne crache pas sur les millions que les capitalistes de New York lui ont fourni pour se faire réelire. Soyez honnêtes et admettez que les républicains et les démocrates travaillent tous deux pour les banquiers internationnaux. Les mêmes banquiers qui soit dit en passant ont financé depuis sa création la bibitte communiste dont vous êtes représentant.