Le despotisme «éclairé» nouveau genre

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Les tribunaux usurpent les prérogatives des législateurs et font maintenant la loi à leur place. Qui les a élus ?

D’une décision de la Cour suprême à l’autre, c’est la même évidence qui s’impose au regard de tous: nous ne vivons plus en démocratie. Nous subissons la tutelle du gouvernement des juges. Ce matin, la chose s’est confirmée autour du «droit à l’aide médicale à mourir», décriminalisée par la Cour suprême, qui vient ainsi d’imposer un choix de société fondamental au Canada. On comprend où se trouve la souveraineté. Elle a déserté le parlement pour migrer vers les tribunaux. À moins que les seconds ne l’aient simplement volée au premier?
À quoi peut bien servir l’élection de gouvernements, si sur les questions les plus fondamentales, leur souveraineté est niée, ou si racornie qu’elle en devient insignifiante. Le peuple et ceux qui le représentent sont dépossédés. Ce n’est pas si surprenant. On se méfie du peuple. Pour justifier sa mise en tutelle, d’ailleurs, on ne cesse de rappeler qu’il est majoritairement favorable à la peine de mort. Autrement dit, une chance que le peuple ne décide pas de lui-même! Regardez quelles horreurs il commettrait si on lui en donnait la chance. Une chance que les tribunaux sont là pour le contenir et le désarmer.
Étrange conception de la démocratie, fondée sur le mépris du peuple, sur la volonté de le contenir, de le dompter, d’en finir avec sa puissance, toujours suspecte. D’ailleurs, quiconque prend au sérieux la souveraineté populaire aujourd’hui peut à tout moment se faire accuser de populisme. Je serais curieux de savoir quelle part de souveraineté nos défenseurs du gouvernement des juges sont prêts à lui concéder. Si les grandes questions morales, culturelles, sociales, identitaires doivent être soustraites au peuple, quel pouvoir lui restera-t-il?
Nos nouveaux despotes se réclament des droits fondamentaux. Naturellement, ils existent. Mais ces droits, ils devraient être au cœur de la délibération démocratique et on ne devrait pas présenter les chartes de droits comme autant de textes sacrés nés d’une révélation divine, simplement retranscrite, et dont les tribunaux seraient les gardiens. Mais aujourd’hui, nous assistons à l’extension du domaine des droits. D’ailleurs, c’est l’effet pervers de la judiciarisation du politique, les revendications sociales ou culturelles les plus variées se formulent aujourd’hui dans le langage des droits fondamentaux.
La conséquence est évidente: chacun absolutise ses revendications et se montre de moins en moins capable d’accepter la discussion publique, la contradiction politique. Car si vous croyez avoir des droits fondamentaux, celui qui vous les conteste passera simplement pour un oppresseur. Le seul projet collectif consiste alors à élargir le périmètre de la souveraineté individuelle, à privatiser la culture, à privatiser la morale, à privatiser la société, finalement, et à voir dans tout cela un progrès. Il n’y a plus de société: seulement des individus et des tribunaux.
J’en reviens à la question de l’aide médicale à mourir. On peut y être favorable ou on peut s’y opposer. On peut être favorable à la décriminalisation de la prostitution, ou encore s’y opposer. On peut être favorable à l’implantation de centres pour les toxicomanes dans les quartiers résidentiels. Ou on peut s’y opposer. On peut être favorable à l’interdiction des signes religieux ostentatoires chez les enseignants. Ou s’y opposer. Et cette liste pourrait se poursuivre longtemps. Car la démocratie est moins fondée sur le consensus que sur le désaccord civilisé.
Mais on devine la conclusion : ces décisions devraient appartenir au peuple et aux élus, et non pas aux grands prêtres de la Cour suprême.


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