La course à la direction du PQ

Le cas Lisée

Une analyse nationaliste

Chronique de Alexandre Cormier-Denis

Profitant du départ de Bernard Drainville de la vie politique, Jean-François Lisée a décidé de se lancer dans la course à la direction du Parti Québécois en récupérant les enjeux de l’immigration et de la laïcité. Sachant que de nombreux membres du PQ sont préoccupés par l’immigration de masse qui nous est imposée par le PLQ, et que la question du multiculturalisme canadien suscite une colère sourde dans les rangs souverainistes, Lisée a décidé de se faire le porte-parole de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la mouvance « identitaire » du PQ.
Les « identitaires » plus préoccupés par la préservation du cadre national de la Nation que par l’indépendance du Québec – indépendance qu’ils souhaitent de cœur, mais qu’ils considèrent peu réalisable dans un futur rapproché – ont répondu favorablement aux propositions de Lisée concernant la baisse du taux d’immigration et la défense du principe de « concordance culturelle » (une sorte d’assimilation à la française).

Jacques Beauchemin, qui a été le directeur de thèse de l’essayiste Mathieu Bock-Côté, auteur de nombreux ouvrages sur le nationalisme québécois, a travaillé comme sous-ministre associé à la langue française sous le gouvernement de Pauline Marois. C’est un des sociologues les plus politiquement engagés du Québec contemporain, notamment sur la question de la dénonciation de la mauvaise conscience des Québécois quant à l’affirmation de leur identité nationale. Si l’on veut simplifier, il est l’opposé radical de Gérard Bouchard.
Pourtant, M. Beauchemin a dévoilé son appui à la candidature de Jean-François Lisée.

Cela est étonnant pour quelqu’un d’aussi engagé dans la réflexion identitaire, car Jean-François Lisée a tenu par le passé des positions fortement problématiques pour quiconque est adepte d’un nationalisme décomplexé. L'appui de Jacques Beauchemin à Jean-François Lisée est symptomatique du désarroi politique des nationalistes dits « traditionnels » qui se voient obligés de soutenir un candidat pour le moins ambivalent.

Car soyons francs; tant sur la question de la langue française que de l’affirmation identitaire ou simplement sur la souveraineté, Lisée a eu de nombreuses positions plutôt dérangeantes. Voici une liste non-exhaustive :

1. Comme le rapporte Pierre Duchesne dans sa biographie de Jacques Parizeau, Lisée a contribué à marginaliser M. Parizeau au sein du mouvement souverainiste en appuyant les stratégies frileuses de Lucien Bouchard et de Bernard Landry lors de la préparation du référendum de 1995. Lisée ne voulait pas d’une question référendaire claire.

2. Jean-François Lisée a rédigé le discours de Lucien Bouchard sur la « paix linguistique » devant le lobby anglophone au Centaur en 1996, contribuant à démobiliser le Parti Québécois sur la défense du français et à accélérer la bilinguisation de Montréal.

3. Il s’est aussi fait l’avocat du rapprochement avec les anglophones, croyant naïvement pouvoir rallier l’électorat le plus hostile au projet souverainiste.

4. Dans cet esprit, il a fait la promotion de ce fabuleux vidéo-clip bilingue digne d’un Justin Trudeau : Notre Home.
5. Lisée s’est également érigé en héraut de la « gauche efficace » aliénant ainsi l’électorat plutôt conservateur du 450, de Québec et de la Beauce. Identifié à la gauche, il n'arrivera probablement pas à rallier l'électorat passé à la CAQ.

6. Il a manifesté son désir de changer le statut du français, pour le faire passer de « langue officielle » à « langue de prépondérance », ouvrant ainsi ouvertement la voie à l’anglicisation.

7. Suite à la défaite du Parti Québécois en 2014, il a affirmé qu’il aurait quitté le gouvernement si la clause grand-père n’avait pas été incorporée dans la Charte de la laïcité. Il voulait donc une laïcité à deux vitesses qui ne s’appliquerait qu’aux nouveaux employés de l’État. Ainsi le port de signes religieux ostentatoires auraient été permis pour un employé engagé en 2012, mais non pour un employé engagé en 2014, après l’adoption de la Charte.

8. Il était défavorable à la sortie de la Grande Bretagne de l'Union européenne, épousant ainsi le même avis que toute la petite caste politico-médiatique favorable aux thèses mondialistes des « grands ensembles ». Drôle de position pour un homme disant vouloir faire du Québec un pays et voulant devenir chef d'une formation souverainiste et patriote.

Tant sur la question nationale que sur la question identitaire ou celle du français, Jean-François Lisée est un personnage trouble qui a tenu des propositions très problématiques. Hormis ses nouvelles déclarations laïcardes dans le contexte de la course à la direction du PQ, Lisée n'a qu'une seule constance idéologique: son bon-ententisme avec les anglo-allophones et son progressisme sociétal.
En instrumentalisant la sensibilité identitaire afin de se positionner sur l’échiquier politique interne du PQ, il espère remporter le vote des nationalistes les plus lucides. Ces derniers feraient bien de s’attarder sur les positions passées de M. Lisée avant d’appuyer inconditionnellement cet inconstant candidat à la direction du Parti Québécois. Ils pourraient êtres très déçus de leur candidat si celui-ci devait être désigné comme chef de la formation « nationaliste ».


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 octobre 2016

    @ Gaston Carmichael,
    Si je vous suis donc Monsieur Lisée est un opportuniste sans vraie conviction mais un politicien qui suit le vent. Je caricature un peu mais je pense que c'est cela­ en bonne partie. Il veut le pouvoir pour lui et le PQ et fait ce qu'il faut pour y arriver. Je pense à voix haute.
    Donc, si on veut un chef avec des convictions allons avec Martine Ouellet et Paul St-Pierre Plamondon comme deuxième choix.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 octobre 2016

    Pour bien comprendre JFL, il faut se rappeler sa carrière de conseiller aux chefs de parti pour suggérer les mesures qui sont les plus payantes électoralement. C'est un électoraliste.
    À cette fin, il se fie aux sondages, à son bon sens, et sa capacité d'analyse. Il ne cherche pas à renverser l'opinion publique, mais à s'aligner sur elle. Il faut donc proposer ce qui est à la mode, sans aller trop loin pour ne pas provoquer de réaction négative. C'est la stratégie de protéger la chèvre et le chou.
    Par exemple, sur la question de la laïcité, il ressent bien que les québécois veulent plus que Taylor-Bouchard. Il propose donc Bouchard-Taylor, mais avec un petit plus. Mais pas trop. Juste ce qu'il faut pour dépasser les Bouchard-Taylor d'un nez.
    Dans ce contexte, sa position sur le référendum est parfaitement cohérente avec le personnage. Si l'objectif est de gagner la prochaine élection, c'est effectivement la meilleur candidat. Pour lui, il n'y a pas de futur qui compte passé la prochaine échéance électorale.
    Pour ceux et celles qui voient plus loin, ce n'est plus nécessairement le meilleur candidat.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 octobre 2016

    Si vous avez lu les diverses positions des candidats à la chefferie, vous ne pourriez pas en venir à votre conclusion pour le moins orienté contre M. Lisée.
    Dans le Parti il n'est pas nécessaire de faire ''la job'' de bras des libéraleux, mais plutôt orienté nos observations critiques dans une démarches positives.
    Je milite depuis 30 ans dans ce parti, pour la cause, outre notre indépendance, aucun autre parti n'a réussi ce que nous avons réussis pour l'avancement social des Québécois.
    La somme de toutes idées exposées lors de la course nous permet d'avoir une véritable mine d'idées progressistes et prometteuses pour notre avenir.

  • Marcel Haché Répondre

    3 octobre 2016

    « Les « identitaires » plus préoccupés par la préservation du cadre national de la Nation que par l’indépendance du Québec – indépendance qu’ils souhaitent de cœur, mais qu’ils considèrent peu réalisable dans un futur rapproché »
    A. Cormier- Denis.
    Le Canada achève bientôt de transformer toute une nation en simple minorité linguistique et vous nous entretenez du « cadre national » en quasi opposition à l’Indépendance du Québec !?. Explications requises alors, parce que si le « cadre national » était cette maudite « province de Québec », je vous l’écris tout de suite : cette satanée « province de Québec » n’est rien d’autre que l’institution à l’origine du « containment » de toute une nation, qui lui a servi et qui lui sert encore de prison constitutionnelle.
    Mettons les choses au net au cas d’où je vous aurais mal lu : la préservation de la Nation passe exclusivement par l’Indépendance. Et l’Indépendance passe exclusivement par Nous itou…Je ne suis ni plié ni replié. Je suis québécois. Je ne suis pas « aussi »québécois, comme la gang du West Island. Je suis québécois et je ne suis pas coupable de rien pour autant.
    Par ailleurs, vous avez sans doute raison concernant les louvoiements de JFL, il n’empêche qu’il est le seul dans cette course capable de prendre les positions politiques suffisamment futées pour éviter que le P.Q. s’en aille en déroute. Tout le succès de sa campagne témoigne qu’il est astucieux et ne compte pas seulement offrir son sourire et son inestimable personne à la Cause…
    Pour l’heure, seul le cadre électoral compte…ce n’est pas rien le cadre électoral ! De ce point de vue, Lisée est le seul candidat crédible. Car au fond, à quoi pourrait bien servir l’I.R.A.I. dorénavant s’il n’y avait plus de parlementaires ni de messagers pour en porter le Message ?
    Les indépendantistes s’imaginent-ils qu’advenant la disparition du P.Q. (assurée avec Martine Ouellet et assurée itou avec Alexandre Cloutier) ce serait Radio Canada qui serait transformé en messager de l’I.R.A.I. ? Good luck maudit…maudit sac à papier.
    Le P.Q. en est-il à encore à ce point, en 2016, qu’il est incapable de sortir de la pensée magique ? Ce n’est pas seulement l’avenir du P.Q. qui est en jeu cette fois, cette semaine, ce pourrait bien être celui de toute une nation.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 octobre 2016

    Aucun des candidats ne présente des positions sérieuses quant à la revalorisation de notre identité, le redressement de l'État et à la réalisation de l'indépendance politique du Québec. Nous sommes en plein désert. Merci d'avoir documenté davantage ce qu'il faut savoir de JFL.