EUROPE

Le Brexit et ses marchands d’illusions

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Le Devoir ne semble pas comprendre que le retour au souverainisme signifie la fin du globalisme

Sortie du marché unique et de l’union douanière, rejet de la Cour européenne de justice : la première ministre britannique, Theresa May, a fait savoir mardi que Londres allait défendre l’idée d’un « Brexit dur » face à l’Union européenne (UE). Une posture — un bluff ? — qui expose la Grande-Bretagne à tous les dangers.
Le dilemme est grand pour la classe politique britannique, avec le vote référendaire de juin dernier en faveur d’une sortie de l’UE. À l’orée des négociations anglo-européennes, qui devraient s’ouvrir au printemps et durer deux ans, le défi pour Mme May consiste à réconcilier des planètes et des intérêts profondément différents, pour ne pas dire irréconciliables. Ceux du monde des affaires, la City, pour qui la rupture avec l’Europe annonce une catastrophe commerciale et financière ; et ceux des électeurs britanniques qui ont voté à 52 % pour le Brexit sur fond de ressentiment anti-immigrant et de sourde colère contre le centralisme antidémocratique de Bruxelles.

Mardi, dans son discours prononcé à Londres, Mme May a pour ainsi dire joué sur plusieurs tableaux. Depuis le référendum, les dirigeants européens, Allemands en tête, ont bien fait savoir qu’il n’était pas question de laisser les Britanniques conserver un accès au marché unique tout en étant autorisés à se soustraire à la politique migratoire européenne de libre circulation des personnes. Sur ce point, la première ministre s’est encore montrée catégorique, affirmant que Londres avait tiré « la leçon du vote du 23 juin » et qu’il allait coûte que coûte mettre fin à la libre entrée des ressortissants de l’UE. Ce qui est dramatique : Mme May, qui a pourtant milité pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE pendant la campagne référendaire, se trouve ainsi à faire sien l’argument le plus détestable des brexiters.

En même temps que, claironnant sa défense d’un Brexit « hard », il est assez évident qu’elle le préférerait « soft ». Et pour cause. On voit mal comment la première ministre peut affirmer en toute honnêteté à l’égard de ses concitoyens que « pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord pour la Grande-Bretagne ». Les Britanniques auraient manifestement plus à perdre que le continent d’une rupture totale : 46 % des exportations britanniques de biens et services vont en Europe, alors que les Vingt-Sept ne font que 5 % de leur commerce extérieur avec le Royaume-Uni. De la même manière, le gouvernement britannique se fait marchand d’illusions en prétendant qu’à défaut d’une entente à l’amiable avec l’UE sur l’après-Brexit, le pays pourra facilement s’ajuster en resserrant notamment ses liens commerciaux avec les États-Unis — de Donald Trump. Le marché américain n’accueille pourtant que 16 % des exportations britanniques.

On comprend mieux alors pourquoi Mme May soufflait confusément le chaud et le froit mardi en insistant sur sa volonté de négocier un accord de libre-échange qui se trouverait à lui donner un accès à la carte au marché européen, « dans certains secteurs comme l’exportation des voitures et camions par exemple ». En un mot comme en mille, le Royaume-Uni continue en ce sens de chercher à « avoir le beurre et l’argent du beurre », conformément aux visées de Boris Johnson, brexiter en chef et maintenant ministre des Affaires étrangères.


Il est par ailleurs tout à fait aberrant, vu la grogne sociale et antimondialisation qui a sous-tendu le vote du Brexit, que Mme May ait fait planer la menace de transformer le Royaume-Uni en paradis fiscal si l’UE refusait de lui ouvrir ses marchés. Aberrant parce que cette menace de dumping fiscal ne serait justement pas sans conséquences négatives sur les droits sociaux et économiques du commun des Britanniques.
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